Les obligations émergentes en devise locale restent attractives
Les déboires de l’Argentine ne doivent pas masquer les attraits des obligations émergentes en devise locale.

L’histoire semble se répéter en Argentine. Après la crise de l’été 2018, les marchés argentins ont été à nouveau fortement secoués la semaine dernière suite à un sondage relatif aux prochaines élections présidentielles du 27 octobre. L’actuel président Mauricio Macri perd du terrain à cause de la situation économique du pays. Le marché redoute le retour de l'ancienne présidente, Cristina Fernandez de Kirchner, dont la popularité croit dans les sondages. Il la juge en effet en partie responsable de la situation économique actuelle. L’inflation galopante atteint 55% et le pays est confronté à une deuxième récession sous la présidence Macri.
Le peso s’est encore déprécié, ce qui pourrait se traduire par encore plus d’inflation anticipée. Les rendements obligataires se sont tendus, poussant les écarts de rendements avec les bons du Trésor américains à 900 points de base (9%), proche du seuil critique des 1000 points de base (10%). L’emblématique obligation à 100 ans émise en 2017 ne cote plus que 68% de sa valeur d’émission.
Même si la situation semble s’être stabilisée maintenant grâce à l’intervention de la banque centrale, les investisseurs craignent un nouveau défaut sur la dette souveraine. Ils estiment à 60% la probabilité que cela arrive dans les cinq prochaines années. En général, les pays dans la tourmente préfèrent faire défaut sur leur dette en dollar, plutôt que sur leur dette en devise locale. Ce choix traduit la volonté d’éviter une révolte de la population étant donné que la dette en devise locale est plus souvent détenue par les résidents, à l’inverse de la dette en dollar qui est davantage entre les mains des investisseurs internationaux.
Il convient de regarder de plus près la composition des indices de référence (JP Morgan) pour analyser les impacts. L’Argentine est un émetteur important de dette en dollar et représente 10% de cet indice alors qu’elle ne pèse que pour 0,5% dans l’indice de dette en devise locale. D’ailleurs, les pays aux fondamentaux fragiles (Argentine, Turquie, Venezuela) représentent 24% de l’indice de dette émergente en dollar, ce qui nous a incité à ne pas passer positifs sur cette classe d’actifs au moment où la Réserve fédérale américaine annonçait le tournant de sa politique monétaire vers la fin d’une politique restrictive.
Nous préférons donc la dette émergente en devise locale. L’exemple argentin ne doit pas nous faire oublier que la croissance dans les pays émergents est en moyenne plus forte que celle des pays développés : 5,9% contre 2,2% en 2018. Pour 2019 et 2020, nous anticipons une croissance stable à 5,8% dans les pays émergents alors que nous la voyons se tasser à 1,5% puis 1,3% dans les pays développés.
Quant à l’inflation, nous estimons qu’elle devrait rester contenue dans les pays émergents : 2,5% en 2019, 2,8% en 2020, contre 2,6% en 2018. L’Argentine, avec ses 55%, fait figure d’exception, ainsi que la Turquie dans une moindre mesure. Les autres pays de l’indice de la dette émergente en devise locale affichent une inflation sous les 5%, avec des perspectives d’évolution favorable. Cette tendance devrait inciter les banques centrales des pays concernés à maintenir un politique monétaire stable voire être plus laxiste, plafonnant par là même une éventuelle remontée des rendements obligataires.
En plus de pouvoir gagner sur une possible baisse des rendements, la dette en devise locale présente une autre source de revenu potentielle, mais volatile : le cours de change. En effet, l’évolution d’une obligation en devise locale dépend beaucoup de la devise étrangère, tant la composante devise influe sur les performances. De notre point de vue, le dollar devrait se déprécier à moyen terme, du fait du ralentissement de la croissance américaine et de la fin des hausses de taux de la Réserve fédérale américaine. Par ailleurs, le dollar parait aujourd’hui surévalué. Si ce scénario se concrétise et que le dollar se déprécie, les devises émergentes devraient s’apprécier, ce qui est bénéfique pour les investisseurs en euros ou dollar.
Ceci dit, le portage reste le principal attrait des obligations émergentes en devise locale. Le rendement à maturité de 6,2% est bien supérieur aux obligations souveraines des pays développées. A titre d’exemple : 0,1% en Allemagne, 1,2% en Espagne, 2,5% en Italie et 2,6% aux Etats-Unis. Le rendement élevé constitue un coussin d’amortissement contre des mouvements adverses de taux et de devises.
Enfin, la diversification. Nombre de portefeuilles ne sont exposés qu’à une ou deux devises et on oublie la théorie du portefeuille efficient qui suggère que la diversification permet de réduire le niveau de risque d’un portefeuille pour la même espérance de rendement. Là, les obligations en devise locale jouent tout leur rôle vu que l’indice de référence contient une vingtaine de devises