De l’eau pour l’Asie
Objectif de Développement Durable 6 : Eau propre et assainissement pour tous
L’objectif des Nations unies (ONU) visant à garantir une eau propre et un assainissement pour tous d’ici 2030 s’avère difficile à atteindre en Asie. Quelles en sont les conséquences pour la région et que fait-on pour garantir ce droit humain fondamental ?
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a émis des conseils simples face à la propagation de la COVID-19 : Se laver les mains. L’hygiène des mains est un des moyens les plus efficaces pour limiter la propagation de pathogènes et pour éviter les infections, nouveau virus compris.
Nombreux sont ceux qui considèrent que le fait de pouvoir se laver les mains va de soi. Pour d’autres, ce n’est pas si facile. L’ONU estime que deux établissements de santé sur cinq dans le monde manquent d’eau propre et de savon. Près de deux milliards de personnes ont uniquement accès à de l’eau contaminée par des matières fécales et près d’un milliard de plus n’ont pas accès à des services d’assainissement de base tels que des toilettes.
De l’eau propre pour tous
L’accès à une eau propre et à l’assainissement est communément considéré comme un droit humain fondamental. Il a pour effet de réduire la pauvreté et la faim, d’améliorer la santé, de réduire les inégalités de richesse et de sexe et d’améliorer le niveau d’éducation. Il rend plus digne la vie quotidienne des personnes : l’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que 673 millions de personnes font leurs besoins en plein air.
Sur le plan macro-économique, la Banque mondiale estime que le manque d’assainissement a entraîné une perte d’environ 223 milliards de dollars US du PIB mondial en 2015. L’Asie et le Pacifique ont le plus souffert, avec des pertes globales représentant environ 1,1 % du PIB, tandis que ce chiffre s’élève à plus de 5 % dans certains pays.
Si un mauvais assainissement a des répercussions négatives conséquentes, il constitue également une opportunité économique : l’OMS estime que pour chaque dollar investi dans l’eau et l’assainissement, le rendement est de quatre dollars grâce aux économies réalisées sur les frais médicaux et à l’augmentation de la productivité.
La plupart des objectifs dépendent de l’ODD 6
Même si les 17 objectifs de développement durable (ODD) sont mesurés individuellement, aucun d’entre eux ne peut être atteint seul et presque tous dépendent en partie de l’ODD6 : « Garantir à tous un accès durable à une eau propre et à l’assainissement. »
Les ODD 1 à 3 (Pas de pauvreté, Faim « zéro », Bonne santé et bien-être) sont étroitement liés à une eau propre et à l’assainissement. Le lien est moins évident avec les objectifs 4 et 5 (Éducation de qualité et Égalité entre les sexes), mais il est impossible de construire des écoles décentes sans de bons services d’assainissement et, dans de nombreux pays défavorisés, il revient aux femmes d’assurer la collecte et l’approvisionnement en eau de la famille, ce qui les empêche d’aller à l’école et creuse encore plus l’inégalité entre les sexes. Les objectifs associés au changement climatique, à l’énergie et à l’environnement sont également liés aux progrès réalisés dans le cadre de l’ODD6 .

Grandes villes, grands problèmes
Un rapport de l’ONU de 2019 sur les ODD dévoilait un tableau sombre pour l’Asie. La région ne parvient pas à enregistrer de progrès pour presque deux tiers des objectifs ODD et aucun des 17 objectifs ne semble susceptible d’être atteint. L’absence de progrès en matière de réduction des inégalités, de protection des océans et de lutte contre le changement climatique est particulièrement préoccupante. Dans de nombreux pays, notamment en Asie du Sud, le manque d’accès à une eau propre et à l’assainissement empêche d’atteindre ces objectifs, ce qui entraîne une stagnation, voire une aggravation de la situation dans les pays en développement.
Une grande partie du problème en Asie provient d’une urbanisation rapide et non planifiée. Plus de 60 % des ménages urbains vivent sans eau courante, le phénomène étant particulièrement criant à Manille, Djakarta, Dhaka et New Delhi.
Asie : pousses vertes
Dans l’ensemble cependant, les pays asiatiques ont fait des progrès en matière d’accès à l’eau potable et à l’assainissement au cours de la dernière décennie.
Seul 1 % de la population utilise aujourd’hui l’eau de surface pour la consommation et environ 92 % ont désormais accès à une eau potable de base[i]. Entre 2000 et 2017, les régions ODD d’Asie centrale et du Sud et d’Asie de l’Est et du Sud-Est ont augmenté le nombre de services d’assainissement de base de 36 % et de 24 % respectivement.
La défécation en plein air a également connu un déclin spectaculaire en Asie depuis 2000, plus de la moitié de la population du Cambodge, près de la moitié de la population de l’Inde et un tiers de la population du Népal et du Laos ayant mis fin à cette pratique.
En dépit de ces indicateurs encourageants, les progrès pour atteindre l’ODD6 restent inégaux au sein de la région. D’après les Nations unies, l’Asie du Nord et du Nord-Est, relativement riche, a déjà presque atteint l’objectif fixé pour 2030, tandis que l’Asie du Nord et l’Asie centrale ne sont pas loin derrière. Mais l’Asie du Sud-Est, très peuplée, et l’Asie du Sud et du Sud-Ouest ont pris du retard en 2019.
Le défi de l’eau en Asie
- 369 millions de personnes n’ont pas accès à un assainissement de base
- 165 millions de personnes n’ont pas accès à une eau potable de base
- Environ 30 % de la population de la région est déjà confrontée à une pénurie en eau
- Le changement climatique et l’augmentation de la demande devraient aggraver la pénurie en eau
- D’ici les années 2050, l’Asie devrait avoir une demande en eau plus importante que le reste du monde réuni
Sources :
Rapport 2019 de l’UNICEF sur les résultats du programme Eau, assainissement et hygiène (WASH) (anglais)
IIASA : « L’Asie fait-elle face à une crise de l’eau ? » (anglais)
Tenir ses promesses
Consciente des défis qui restent à relever, l’ONU a récemment lancé un Cadre mondial global intitulé « Tenir ses promesses : Eau propre et assainissement pour tous d’ici 2030. »
Ce cadre met en place cinq « accélérateurs » visant à améliorer considérablement le soutien de la communauté internationale en faveur de l’ODD6. Il s’agit notamment d’optimiser l’utilisation des ressources financières, d’améliorer la qualité des données, de renforcer les capacités en créant des emplois dans le secteur de l’eau et en maintenant une main-d’œuvre qualifiée, de développer et de mettre en œuvre de nouvelles technologies et d’améliorer la gouvernance grâce à une meilleure collaboration intersectorielle et internationale.
Nouvelles initiatives
Plusieurs pays ont prouvé qu’il est possible d’améliorer considérablement l’approvisionnement en eau et en services d’assainissement en quelques années seulement, et que certaines solutions sont abordables, efficaces et peuvent être déployées facilement.
L’UNICEF a salué des initiatives gouvernementales comme la révolution des toilettes en Chine, la campagne d’assainissement en Indonésie, les initiatives « Villages propres » en Birmanie et le Plan stratégique d’assainissement aux Philippines. Ces initiatives ont suscité « une énorme mobilisation politique en vue d’accélérer les progrès en matière d’assainissement et de mettre fin à la défécation en plein air ». vi
Les nouvelles technologies s’avèrent également utiles. Au Viêt Nam, les eaux usées provenant d’un canal du Mékong sont traitées grâce à un procédé sans produits chimiques mis au point par Akvotek, une société australienne. Ce système économe en énergie fournit aujourd’hui de l’eau potable à au moins 400 foyers et 2 000 personnes dans la ville de Ben Tre, au sud du pays, et il devrait le faire pendant de nombreuses années encore.
De grandes entreprises s’inspirent également des objectifs ODD pour élaborer leurs stratégies de développement durable. Parmi elles, la brasserie néerlandaise Heineken s’est engagée à réduire sa consommation d’eau. Elle a établi en Indonésie une alliance intersectorielle avec des agences des Nations unies et s’est associée à une ONG pour replanter des arbres et réhabiliter des terres essentielles à l’approvisionnement en eau de 30 millions de personnes, en plus d’assurer une protection contre les inondations.
Atteindre l’objectif ODD6 en Asie ne sera pas une mince affaire. Mais on peut espérer qu’avec la mise en place du cadre d’accélération des Nations unies et l’intérêt croissant des gouvernements, des entreprises et des communautés de la région pour le développement durable, il sera possible de fournir de l’eau propre et des services d’assainissement pour tous.
Notes