Actions : Etats-Unis et Europe, des différences majeures de performances
Les rotations sectorielles ne sont pas les mêmes en Europe et aux Etats-Unis. Comment les expliquer?
Nous constatons depuis plusieurs mois que les économies ont tendance à se synchroniser. Les indicateurs économiques sont plutôt dans le vert, et ce, aussi bien pour les pays développés qu’émergents. Dans cet environnement, le Fonds monétaire international a révisé ses perspectives mondiales à la hausse. Si les économistes sont plutôt optimistes, les investisseurs sont plus ou moins chanceux sur les marchés boursiers. Constat assez parlant : les choix sectoriels ne sont pas les mêmes des deux côtés de l’Atlantique. Quelles sont ces différences et quelles en sont les origines ?
Des différences sectorielles notables
Les indices américains et européens ont eu tendance à croître ces trois derniers mois (+3,5% pour le S&P500 et +7,5% pour le Stoxx 600) grâce à plusieurs effets positifs concomitants : conjoncture économique plus favorable, reflux du risque politique en Europe et bénéfices des entreprises en progression.
Toutefois, les performances sectorielles sont assez disparates entre les deux zones. Quelques enseignements peuvent en être tirés :
Une plus grande sélectivité autour du thème de la « reflation »
Les deux zones profitant toutes deux d’un environnement économique plus favorable, les secteurs liés à la relance économique sont favorisés par les investisseurs. La demande plus soutenue soutient le chiffre d’affaires de ces entreprises sensibles à l’activité cyclique. Ce regain d’intérêt est récent, il a débuté en 2016, la thématique cyclique ayant été longtemps délaissée par les investisseurs dans un contexte de crainte de déflation. Toutefois, les investisseurs n’abordent pas tous les secteurs cycliques sur le même plan :
- Aux Etats-Unis, les valeurs liées à la consommation sont actuellement la principale source de performances. Les valeurs de la distribution tout comme celles des loisirs retrouvent les faveurs des investisseurs dans un contexte d’amélioration du PIB, d’une plus grande confiance des consommateurs et de la progression des salaires. En tête du classement des performances mensuelles, tirés par les sociétés de l’hôtellerie, les loisirs sont le secteur le plus sensible à une hausse des revenus disponibles pour des dépenses dites discrétionnaires. Les résultats des entreprises du premier trimestre 2017 ont confirmé cette tendance et les valorisations parmi les valeurs cycliques sont encore attrayantes.
- En Europe, les cycliques sont d’abord soutenues par le luxe et les valeurs industrielles. Les biens d’équipement pourraient profiter de la reprise de l’investissement, stimulée par une meilleure conjoncture (et des promesses de baisse d’impôt), mais aussi par une meilleure coopération européenne et de nouveaux projets envisageables après le récent recul du populisme. Seul bémol, le secteur s’échange à des niveaux de valorisation élevés. Quant au luxe, il renait de ses cendres après avoir été fortement pénalisé en 2016 par le ralentissement économique en Chine, des incertitudes géopolitiques (attentats), des pressions sur les prix et le manque de fidélité de la génération Y pour les marques du secteur. La reprise économique mondiale est généralement un bon signal pour le secteur.
- Les disparités régionales sont également visibles dans le secteur financier. Celui-ci continue à bien se comporter en Europe, mais semble aujourd’hui peiner Outre-Atlantique car déjà bien valorisé. En Europe, les ratios cours sur valeur comptable sont toujours inférieurs à 1. Les banques européennes devraient continuer à bénéficier d’un environnement économique plus favorable et de l’intérêt des investisseurs qui veulent jouer la reprise en Europe. Au-delà de la valorisation plus tendue aux Etats-Unis, la question de la réglementation bancaire est également au centre des discussions avec le débat autour de Bâle IV, mais aussi avec la possible séparation entre banques d’investissement et banques de dépôt (réhabilitation de la réglementation Glass-Steagall), évoqué récemment par le président Trump.
- L’automobile est en revanche sous pression aux Etats-Unis comme en Europe. Le secteur a bien performé ces dernières années, mais le cycle de ventes de véhicules aux Etats-Unis semble aujourd’hui bien avancé (stock à la hausse, prix sous pression). Le marché a d’ailleurs réagi fortement à la baisse suite à l’annonce de ventes décevantes pour le mois d’avril parmi les constructeurs américains. Les résultats pour le premier trimestre étaient pourtant meilleurs qu’attendus.
La différence d’avancement dans le cycle économique entre les deux zones géographiques explique en grande partie les différences régionales. Les Etats-Unis auraient largement intégré les effets d’un cycle économique plus favorable, accentué par l’élection de Donald Trump fin 2016. Les deux secteurs – banques et investissement/infrastructure – ont effectivement très bien performé en fin d’année dernière. Les marchés européens ont moins participé à cet élan en 2016 et sont de nouveau favorisés par les investisseurs, notamment avec le recul du risque politique. A ce jour, des opportunités sont sans doute toujours à saisir. La reflation pourrait se poursuivre, mais de manière plus sélective au fil des semaines, en fonction des marges de manœuvre que laissent les valorisations de plus en plus tendues.
Des valeurs liées aux matières premières en difficulté depuis le début d’année
En 2016, les secteurs liés aux matières premières ont largement surperformé. La remontée spectaculaire du prix des matières premières en est la principale cause à laquelle s’ajoutent les efforts structurels des entreprises (réduction de l’endettement, contrôle des coûts,…). Ces secteurs restent un bon moyen de jouer la reprise mondiale, et ce, particulièrement après la consolidation de marché du début de l’année. Toutefois, le prérequis reste une nouvelle progression des cours des matières premières. Les investisseurs resteront centrés sur le rééquilibrage de l’offre et de la demande de matériaux. La santé de la Chine est à ce titre une source de préoccupation, les derniers chiffres en provenance de l’Empire du Milieu montrant des signes de faiblesse.
En résumé, les secteurs liés aux matières premières pourraient en Europe profiter de la combinaison favorable : valorisation attrayante, rebond des matières premières, et poursuite de la tendance haussière sur les marchés.
Un désintérêt pour les valeurs défensives domestiques des deux côtés de l’Atlantique
A l’inverse, les valeurs défensives à caractère domestique (télécommunications, services aux collectivités et distribution alimentaire) sous-performent massivement. Ces secteurs sont délaissés par les investisseurs compte tenu de leur faible lien avec la progression de la demande finale et leur corrélation inverse aux taux d’intérêt. L’appétit pour ce type de secteur pourrait revenir dans le cas de nouvelles craintes déflationnistes et/ou un regain d’aversion au risque. Mais ces secteurs ont des fondamentaux plus ou moins solides. Tandis que les télécommunications offrent une croissance correcte et des dividendes solides, les services aux collectivités ont longtemps souffert d’un environnement économique défavorable (demande faible, stocks élevés).
A ne pas sous-estimer : les valeurs défensives internationales
Même si l’environnement économique est actuellement porteur pour les secteurs dits reflationnistes, il reste essentiel de diversifier ses positions et, après le rally de ces derniers trimestres, les investisseurs peuvent soudainement douter de la poursuite de la reprise économique. Dans ces conditions, certaines valeurs défensives sont susceptibles de bénéficier de nouveaux mouvements sectoriels.
En 2016, ces secteurs – Consommation de base et soins de santé – ont largement sous-performé. Toutefois, le secteur de la pharmacie apparait à nouveau comme un secteur intéressant. Après avoir été longtemps inquiets de la forte pression sur les prix des médicaments (concurrence, pression politique), les investisseurs se concentrent à nouveau sur l’innovation et le lancement de nouveaux produits. Sur ce plan, les derniers résultats trimestriels, sans être exceptionnels, ont été plutôt de bonne facture. Par ailleurs, le secteur bénéficie d’un attrait relatif car il offre une croissance solide dans un contexte toujours incertain. Toutefois, les réformes des soins de santé aux Etats-Unis, de nouveau débattues à la Chambre des Représentants après les échecs de mars dernier, devront être suivies avec attention ces prochaines semaines.