#Stratégie d'investissement — 20.06.2018

Un environnement compliqué pour les banques européennes

Guillaume Duchesne

Nous restons positifs sur le secteur, malgré les incertitudes.

Tandis que notre vue pro-cyclique sur les marchés (favoriser les matériaux et les industriels) semble résister à un contexte mondial pourtant difficile, les financières (vue positive) sont à la peine en Europe. Le secteur doit faire face à de puissants vents contraires : situation politique complexe en Italie, baisse significative du taux d’intérêt à 10 ans et reprise économique décevante en Europe. Le secteur bancaire a perdu 10% depuis le début de l’année (au 17 juin 2018) avec une accélération de la baisse depuis mi-mai.  

Trois facteurs clés devront être suivis avec attention : la réglementation, les bénéfices et la valorisation. 

La réglementation reste déterminante pour la performance du secteur dont le cadre prudentiel a beaucoup évolué depuis la crise financière. Ces règles, contraignantes, mais aussi structurantes pour le secteur, permettent de renforcer le système financier qui est aujourd’hui plus solide qu’il y a dix ans. Quelles sont les prochaines étapes sur le plan réglementaire ? Après les réformes de Bâle III (renforcement des ratios de capital), les régulateurs poursuivent leur travail en s’attaquant aux méthodes de calcul des actifs pondérés par le risque. Le Comité de Bâle a déjà fait des annonces sur ce plan fin 2017 (mise en place d’un plus grand contrôle des méthodes de calcul du risque), d’ailleurs bien accueillies par les marchés boursiers. Les règles de Bâle IV doivent être finalisées pour 2022. Les détails de ces règles, l’agenda des annonces ainsi que le calendrier imposé pour leurs implémentations seront décisifs pour les banques. Sur ce plan, les nouvelles pourraient être plus éparses, en Europe, à l’approche des prochaines élections européennes qui se dérouleront en mai 2019. 

La publication des résultats des « stress tests », menés par l’Autorité bancaire européenne avant le 2 novembre 2018 sera un autre rendez-vous important. Ses exigences seront techniquement plus contraignantes compte tenu de l’utilisation de nouvelles normes de traitement comptable des instruments financiers (normes IFRS9). Les pressions sur les bénéfices des banques, et évidemment sur les plus faibles, pourraient donc être plus importantes. 

Enfin, les investisseurs suivront avec intérêt les possibles annonces politiques en faveur d’une réforme de la zone euro et du renforcement du système bancaire européen lors du prochain Conseil européen du 28-29 juin.        

Au-delà de la question réglementaire, les perspectives bénéficiaires des banques se sont stabilisées en Europe ces dernières années, grâce notamment à l’amélioration du contexte macroéconomique. Ce dernier devrait rester porteur en 2018/2019, la bonne tenue de l’activité économique soutenant la demande de crédit. La remontée attendue des taux d’intérêt offrira par ailleurs une meilleure rentabilité des banques. Leur sensibilité à l’évolution du taux d’intérêt à 10 ans est à ce titre assez saisissante. La pentification de la courbe des taux (écart entre les taux longs et courts) améliorera notamment leurs marges d’intérêt.  

Les incertitudes politiques en Italie ont légitiment préoccupé les marchés européens. Avec 135 milliards d’euros d’exposition à la dette italienne (source Banque des règlements internationaux, décembre 2017), les banques européennes sont diversement exposées à ce risque. Les banques françaises, espagnoles et allemandes sont les plus concernées avec respectivement 54, 38 et 33 milliards d’euros d’actifs. Une sortie de l’euro de l’Italie semble peu crédible, ni le gouvernement italien, ni les autorités européennes ne souhaitant arriver à ce scénario extrême. Les investisseurs seront toutefois attentifs à la publication du prochain budget présenté par le nouveau gouvernement italien.

Enfin, la valorisation du secteur  apparait attrayante. Les banques sont fortement décotées tandis que l’environnement laisse pour sa part augurer une remontée des taux et une croissance économique toujours solide en Europe. Le rendement sur fonds propres du secteur s’élève aujourd’hui à 9% contre un cours sur valeur comptable à 0,9. Enfin, le taux de dividende du secteur (5%) est significatif.  

En conclusion, malgré le scepticisme du marché, nous pensons que les banques européennes – et donc les marchés boursiers européens – constituent toujours une opportunité. Alors que les investisseurs se focalisent massivement sur les secteurs à croissance solide et visible (autrement dit, la technologie), nous restons convaincus qu’une diversification est nécessaire et que les banques ont un potentiel de rebond dans un contexte de poursuite de la reprise économique européenne.