#Investissements — 31.10.2018

Marchés actions : une grosse déprime en fort décalage avec les fondamentaux

Roger Keller

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Trois craintes dominent. Elles concernent l’ampleur 1) des hausses à venir de taux et des rendements obligataires 2) du ralentissement de la croissance et des bénéfices en 2019 et 3) des impacts négatifs des diverses incertitudes de nature politique. Ces craintes sont exagérées à la lumière des tendances fondamentales, qui restent favorables. De bonnes opportunités d’achat sont ainsi en train d’être créées mais le développement d’un momentum positif demandera un peu de temps. Nos préférences restent pro-cycliques.

Un mois d’octobre fidèle à sa réputation

Octobre est sur le point de s’achever avec la triste perspective de délivrer la pire performance mensuelle depuis le mois d’octobre 2008. Il s’agirait ainsi du plus mauvais mois de ce marché haussier (qui avait débuté en mars 2009). A la clôture de vendredi soir, l’indice MSCI World All Countries affichait un recul de 9,4% sur la période en question. Hors Etats-Unis, dont l’indice S&P 500 a perdu 8,8%, l’indice est en recul de 10%. Depuis le début de l’année, l’indice mondial a perdu 7,4% avec la répartition suivante : moins 0,6% pour les Etats-Unis et moins 14,7% pour le reste du monde, qui souffre il est vrai d’un effet de change négatif à hauteur de 4,8%.

Les peurs des investisseurs tournent autour de l’impact négatif :

  • des hausses de taux et rendements obligataires ;
  • des diverses tensions politiques ;
  • de l’affaiblissement de la dynamique bénéficiaire.

Une saison des résultats loin de délivrer des messages inquiétants

Aux Etats-Unis, le dépassement du pic de croissance des bénéfices semble se vérifier après les publications des résultats de quasiment la moitié des résultats des sociétés : après une progression de 25.4% au deuxième trimestre, la croissance des bénéfices est attendue en décélération dans les trimestres à venir. Elle passerait de 23.7% au troisième trimestre à, successivement, 17.6%, 7.8% et 7.2%, avant de remonter vers 10% au troisième trimestre 2019.

En zone euro, un peu plus du tiers des entreprises ont annoncé leurs résultats. Malgré une mauvaise orientation des surprises, une amélioration timide des bénéfices en ressort et elle devrait se poursuivre dans les trimestres à venir. Le consensus les voit accélérer de 6,3% en 2018 à 10,4% en 2019.

L’image globale qui ressort est celle d’une poursuite de la croissance des bénéfices en 2019, à un rythme plus modéré certes, puisque l’on passerait de 15,7% en 2018 à 9,9% en 2019. Parmi les facteurs allant peser sur la dynamique bénéficiaire nous pouvons placer en premier lieu l’épuisement de l’impact positif des baisses d’impôts aux Etats-Unis, viennent ensuite les conséquences de l’introduction de tarifs douaniers liés à la guerre commerciale entre les Etats-Unis et le reste du monde et les pressions sur les marges induites par les hausses de salaires ou des frais financiers, ainsi que la disparition d’effets de base positifs dans certains secteurs comme l’énergie ou les matériaux de base. On est cependant loin de perspectives qui justifient le stress actuel des marchés. Même si les bénéfices devaient croître de seulement 5 à 7% en 2019, les implications restent positives pour les bourses étant donné que les valorisations actuelles sont en ligne avec leurs moyennes de long terme.

Le fond reste porteur au-delà du triple pic de 2018

Comme nous n’envisageons pas que les tensions commerciales entraineront l’économie mondiale vers une récession, grâce à une demande de consommation et d’investissement qui repose sur des bases solides et à des politiques publiques plutôt favorables, les bénéfices vont rester bien orientés. Etant donné par ailleurs que nous anticipons somme toute des hausses de taux et des rendements obligataires assez limitées et que diverses incertitudes politiques devraient graduellement être levées, la déprime actuelle des marchés nous semble exagérée : le sentiment des investisseurs nous semble déconnecté des fondamentaux économiques et des sociétés.

2018 est bien l’année d’un triple pic : pic de croissance économique, pic de croissance des profits globaux et pic de la liquidité globale, telle que reflété par la diminution de la taille des bilans des principales banques centrales. Ce sont des caractéristiques de phases tardives de cycles et ces phases sont traditionnellement accompagnées d’une hausse de la volatilité. Mais ce qui compte avant tout c’est que nous ne sommes pas encore en fin de cycle. Il n’y a aucun des signes classiques d’excès (inventaires, taux d’utilisation des capacités, salaires…).

Nous ne pensons pas que 2018 soit l’année du pic des marchés actions. C’est par contre l’année de la remontée de la volatilité. De bonnes opportunités d’investissement sont ainsi en train d’être créées.

La mise en place des conditions favorables à une remontée marquée des bourses demandera du temps

Si le fonds est porteur, les catalyseurs pour une remontée des bourses prendront du temps à se concrétiser. Nous pensons avant tout aux indicateurs avancés. Ils ne sont pas encore dans une phase de stabilisation ; autrement dit, les statistiques économiques qui seront publiées dans les prochaines semaines maintiendront encore les investisseurs dans le doute sur l’ampleur du ralentissement à venir.
Entretemps, diverses incertitudes de nature politique devraient disparaître, comme l’issue des élections de mi-mandat aux Etats-Unis ou des discussions sur le budget italien. Nous envisageons donc un éclaircissement graduel du ciel pour les investisseurs.

D’un point de vue technique, nous n’avons pas encore de signaux dits de capitulation. Par exemple, l’écart entre les investisseurs avec une vue positive par rapport à ceux avec une vue négative reste modéré et l’indicateur de volatilité VIX n’a pas encore atteint des niveaux associés historiquement avec des signaux d’achats.

Conclusion

Les investisseurs sont en proie à des craintes que nous considérons comme exagérées sur la base des fondamentaux. Ce décalage entre perception et réalité ouvre une fenêtre d’opportunité pour acheter des actions à bon compte. Le retour d’un momentum positif requiert cependant de la patience car l’évacuation des craintes ne pourra se faire que graduellement. Nos préférences demeurent pro-cycliques.