Stratégie sectorielle: Soyez patients!
Les investisseurs ont continué de se tourner vers des valeurs défensives. Les préoccupations politiques se sont traduites par un fort appétit pour les télécommunications, les services publics et les produits de consommation de base.
Les valeurs cycliques par rapport aux défensives ont connu leur plus forte sous-performance sur les dernières années. Le niveau actuel des valorisations indique que les marchés ont déjà intégré un fort ralentissement de la croissance économique. Nous constatons en effet un écart important entre les fondamentaux et les valorisations (voir graphiques page suivante). Comme nous ne pensons pas être à la fin du cycle, nous maintenons notre vue positive sur les secteurs pro-cycliques (Matériaux, Industriels), les Financières et l’Energie. Nous sommes également positifs sur le secteur pharmaceutique (voir ci-dessous).
Les actions de l’énergie ont souffert de la récente baisse des prix du pétrole. Après une performance solide au T1 2018, le secteur a enregistré une sous-performance de 6% en Europe depuis le début du mois d’octobre. Le rebond attendu des prix du pétrole devrait continuer à soutenir les actions pétrolières. La discipline des investissements constitue un facteur positif pour le secteur. Elle devrait contribuer à générer des flux de trésoreries alors que les valorisations sont attrayantes. Suite à la récente correction du marché, le secteur a connu une baisse importante de sa cote qui est revenue à des niveaux attrayants. Le dividende n’est pas à risque à notre avis, car il est adossé à de solides flux de trésorerie disponibles au niveau actuel des prix du pétrole. Nous restons donc confiants et nous favorisons les majors pétrolières en Europe et aux Etats-Unis. Nous sommes en revanche neutres sur les services pétroliers en raison de leurs profils risqués.
Nous restons sélectifs dans les secteurs défensifs.
Sur la base de notre scénario de croissance économique robuste, d’une hausse progressive des taux d’intérêt et d’un rebond des marchés boursiers, nous restons prudents sur la plupart des autres secteurs défensifs qui sont pour le moment les grands gagnants des préoccupations actuelles du marché: Consommation de base (vue négative), Services aux collectivités (négative), Immobilier (neutre) et télécommunication (neutre). Le secteur des services de télécommunication a bénéfice d’un regain d’intérêt soudain de la part des investisseurs, attirés par des dividendes élevés et sa nature domestique (c’est-à-dire moins sensibles aux tensions commerciales et aux préoccupations concernant la croissance mondiale). Toutefois, le secteur des télécommunications en Europe souffre de la faiblesse des revenus et de la pression sur les prix dans un environnement très concurrentiel. De plus, la plupart des secteurs défensifs sont chers. Comme les défensives sont particulièrement résilientes en cas de récession, les investisseurs sont prêts à les payer avec une prime.
Nous sommes positifs sur la pharma depuis cet automne.
Nous restons positifs sur les actions globales à moyen terme. La combinaison valorisation attrayante et fondamentaux solides nous laisse supposer que les marchés boursiers ont encore un potentiel de hausse à moyen terme. Cela étant dit, le marché est affecté par un sentiment négatif compte tenu de l’environnement politique difficile (tensions commerciales, budget italien, négociation du Brexit,...) depuis le mois d’octobre 2018. Alors que les investisseurs ont commencé à envisager un contexte de fort ralentissement économique, une forte visibilité des bénéfices est devenue un critère clé dans la sélection de leurs titres. Dans ce contexte, la correction de l’automne a été pour nous une occasion de rééquilibrer nos recommandations en faveur de thèmes un peu moins risqués. L’industrie de la pharmacie offre une visibilité sur ses bénéfices tandis que sa valorisation n’est pas trop tendue.
L’industrie dispose d’atouts intrinsèques :
1. Des fondamentaux encourageants.
La dynamique relative des bénéfices des pharmas s’est récemment stabilisée aux Etats-Unis et en Europe (après une période de révisions négatives). Les prévisions de bénéfices dans l’industrie sont décentes (7% en Europe et 6% aux Etats-Unis) et la rentabilité sur fonds propres solide.
La saison des bénéfices du troisième trimestre 2018 a été prometteuse. Les sociétés du secteur ont publié des chiffres en ligne ou au-dessus des attentes. De nouveaux produits clés ont été lancés dans l’immunologie, l’oncologie, la rhumatologie, les antidépresseurs,… et ont dépassé les attentes des analystes. En conséquence, le scepticisme sur le potentiel des nouveaux produits a reculé. Enfin, la fin des brevets aux Etats-Unis pèse actuellement moins sur le secteur en comparaison aux années précédentes. Après un pic en 2011-2013, les brevets tombant dans le domaine public sont effectivement moins nombreux. Ce contexte soutient les revenus (croissance à un chiffre) et également les marges du secteur.
2. Un sentiment moins négatif sur l’industrie depuis quelques mois.
Les événements récents sur les marchés ont ramené le secteur au-devant de la scène. L’industrie pharmaceutique semble en effet à l’abri des tensions commerciales et est moins sensible aux incertitudes macroéconomiques. Ce contexte est évidemment favorable au regain d’intérêt pour l’industrie.
Au-delà de cet aspect relatif, les investisseurs se sont concentrés à nouveau sur les fondamentaux de l’industrie et moins sur le prix des médicaments. Depuis plusieurs années, la volonté d’une plus grande transparence sur les prix est perçue comme un élément de risque pour l’industrie. Des pressions importantes ont notamment été exercées par l’administration Trump. Le président américain a fait plusieurs annonces depuis le début de son mandat. Ses efforts ont abouti à une réforme en demi-teinte de l’Obamacare et à un projet complexe sur le contrôle des prix des médicaments, finalisé en 2025. Après les élections américaines de mi-mandat, la question de la pression sur les prix peut évidemment resurgir. Au Congrès, Démocrates et Républicains sont toujours susceptibles de trouver un compromis sur ce plan, mais nous restons très sceptiques sur cette question compte tenu des enjeux politiques. Une réglementation des prix reste selon nous très difficile à mettre en place. Entre-temps, les sociétés pharmaceutiques ont compensé l’impact du risque prix en mieux contrôlant leurs coûts. Elles ont également rassuré le marché en annonçant que les changements de prix étaient tout à fait gérables.
3. Des valorisations correctes
Alors que le secteur est proche de sa moyenne sur deux ans aux Etats-Unis (15,1x), le ratio cours/BPA est attrayant en Europe (14,7x). Le repli des cours pendant l’automne a été motivé avant tout par des conditions de marché difficiles plutôt que par des facteurs fondamentaux propres au secteur.
4. Fusions et acquisitions, rachats d’actions et dividende
Coté fusion et acquisition (F&A), la consolidation s’est surtout opérée dans le secteur de l’assurance maladie aux Etats-Unis (CVS/Aetna, Cigna/Express Scripts). Elle était nécessaire avec la crainte d’une concurrence croissante avec Amazon. Sa répercussion sur les sociétés pharmaceutiques est plutôt limitée.
Dans l’industrie pharmaceutique, l’activité F&A a été assez calme. Aux Etats-Unis, les entreprises ont toutefois du cash qu’elles ont pu rapatrier avec la réforme fiscale mise en place par le Président Trump. Que faire de ces liquidités ? Nous n’attendons pas de méga-fusions, mais plutôt la poursuite de rachats ciblés. Les rachats d’actions et le dividende de 3% sont en revanche un élément de soutien plus marqué pour le secteur.
Guillaume DUCHESNE, Equity Strategist