Jeremy Fasquelle : Bonjour et bienvenue dans un nouvel épisode de BNP Paribas Wealth Management. Aujourd'hui je reçois Florence Kern, Head of Global Marketing. Bonjour Florence, merci de nous rejoindre.
Edouard Desbonnets : Bonjour Jeremy
Jeremy Fasquelle : Aujourd'hui, nous allons prendre un peu de hauteur et parler d’un sujet de fond : l'exceptionnalisme américain. Il s’agit d’une théorie politique et philosophique qui considère que les États-Unis occupent une place spéciale parmi les nations du monde en termes de sentiment national, d'évolution historique, d'institutions politiques et enfin d’économie. Plus spécifiquement sur ce dernier point, et ce sera ma première question Florence, en quoi les États-Unis en effet incarnent depuis des décennies cette figure d’exception ?
Edouard Desbonnets : C'est une excellente question. Certaines choses sont indéniables. Premièrement, en termes de croissance économique, les États-Unis ont surperformé le reste du monde, notamment grâce à une productivité supérieure. Cette productivité est le résultat de plusieurs facteurs, tels que l'innovation technologique, l'efficacité des processus de production et l'investissement dans la recherche et le développement. Les entreprises américaines ont su tirer parti de ces avantages pour améliorer leur compétitivité sur la scène mondiale.
Il est donc indiscutable que l'économie américaine a connu une forte croissance ces dernières années. Cette croissance s'est manifestée par une augmentation significative du PIB, une baisse du taux de chômage et une hausse des revenus des ménages. De plus, les États-Unis ont attiré des investissements étrangers massifs, renforçant encore leur position économique dominante. En résumé, la combinaison de ces éléments a permis aux États-Unis de maintenir une avance considérable sur les autres économies mondiales.
Jeremy Fasquelle : Et si on parle actifs et en particulier du dollar et des actions, en quoi les États-Unis restent la plus grande économie mondiale ?
Edouard Desbonnets : Le dollar américain est effectivement considéré comme la monnaie de réserve mondiale. Cela signifie qu'il est largement utilisé dans les transactions internationales et détenu par les banques centrales du monde entier comme réserve de valeur. Cette position dominante est due à plusieurs facteurs, notamment la stabilité économique et politique des États-Unis, ainsi que la liquidité et la profondeur des marchés financiers américains.
En ce qui concerne le marché boursier américain, l'indice S&P 500 est souvent utilisé comme baromètre de la performance globale du marché. Cet indice regroupe 500 des plus grandes entreprises cotées en bourse aux États-Unis et couvre environ 80 % de la capitalisation boursière totale du pays. Au cours des dix dernières années, le S&P 500 a connu une croissance remarquable, en grande partie grâce à la performance exceptionnelle des entreprises technologiques comme Apple, Microsoft, Amazon et Google (Alphabet). Ces entreprises ont bénéficié de l'innovation constante, de la demande croissante pour les produits et services technologiques, et de la capacité à générer des bénéfices substantiels.
La forte croissance des bénéfices dans le secteur technologique a été un moteur clé de cette surperformance. Les entreprises de ce secteur ont non seulement réussi à augmenter leurs revenus, mais aussi à améliorer leurs marges bénéficiaires grâce à des économies d'échelle et à des modèles d'affaires efficaces. Cela a attiré un flux constant d'investissements vers les actions technologiques, contribuant ainsi à la hausse globale du marché boursier américain.
Jeremy Fasquelle : Pouvez-vous nous donner quelques chiffres pour illustrer cette surperformance ?
Edouard Desbonnets : Bien sûr. Au cours de la dernière décennie, les actions américaines ont généré un rendement annualisé impressionnant de 14,8 % par an, surpassant les actions mondiales hors États-Unis (7 %) et les actions de la zone euro (7,8 % par an). La force du dollar américain a également contribué à cette surperformance depuis 2011. L'indice DXY du dollar américain est passé de 73 en 2011 à 108 aujourd'hui, montrant une appréciation significative par rapport à d'autres devises comme l'euro, le yen japonais et la livre sterling.
Jeremy Fasquelle : Le consensus actuel semble donc être en faveur des investissements aux États-Unis. Y a-t-il des défis à cette vision consensuelle ?
Edouard Desbonnets : Oui, il y en a. Premièrement, je pense que la croissance économique américaine va ralentir, car deux indicateurs nous laissent présager de son imminence. Tout d’abord il concerne les consommateurs. L'enquête sur le sentiment des consommateurs de l'Université du Michigan révèle que les ménages à faible ou moyen revenu ont une perception très négative de leur situation financière actuelle, en grande partie à cause des taux d'inflation élevés post-COVID et post-Ukraine.
De plus, Il sera difficile de maintenir les dépenses publiques financées par la dette que l'administration Biden a entreprises ces quatre dernières années, notamment avec l'Inflation Reduction Act et le Chips Act. De plus, rappelons que le président Donald Trump a exprimé une préférence pour un dollar américain plus faible afin de soutenir l'industrie manufacturière nationale.
Jeremy Fasquelle : Si on doit prendre en compte ces deux constats, cela se traduit-il d’un point de vue performance actuelle et future ?
Edouard Desbonnets : Depuis octobre 2022, début du marché haussier actuel, la performance des grandes capitalisations américaines est due pour moitié à la réévaluation de ces valeurs, notamment le Magnificent 7, qui ont atteint des valorisations élevées. Le S&P 500 est passé d'un P/E de 15,5 en octobre 2022 à 22 aujourd'hui, et le Magnificent 7 se négocie à environ 30 fois les bénéfices prévisionnels.
Si on doit mentionner les rendements futurs, en raison de ces valorisations élevées, Vanguard prévoit un rendement futur sur 10 ans pour les actions américaines de seulement 1,7 % par an, contre 6,1 % pour les actions de la zone euro et les actions mondiales hors États-Unis.
Jeremy Fasquelle : On assiste pourtant à un engouement important pour l’intelligence artificielle qui a permis aux marchés boursiers d’atteindre de récents sommets. On atteint donc un phénomène de bulle ?
Edouard Desbonnets bulle de l'IA a alimenté la surperformance récente. Quatre des Magnificent 7 (Amazon, Meta, Google et Microsoft) prévoient d'investir massivement dans l'IA en 2025, avec un total de 325 milliards de dollars, bien plus que les 220 milliards de 2024. Cependant, le retour sur investissement est incertain, notamment face à la concurrence chinoise.
Jeremy Fasquelle : En conclusion, que recommandez-vous aux investisseurs ?
Edouard Desbonnets temps de diversifier les investissements. Les actions américaines représentent aujourd'hui près de 74 % de l'indice MSCI World, une concentration record. Il est donc judicieux de penser à d'autres classes d'actifs et marchés boursiers, comme la zone euro, le Royaume-Uni, le Japon et la Chine.
Jeremy Fasquelle : Merci beaucoup, Florence, pour ces précieuses informations. Merci à tous d'avoir écouté ce podcast de BNP Paribas Wealth Management. Pour plus d'informations sur notre stratégie d'investissement, rendez-vous sur Internet » au revoir.
Edouard Desbonnets : Merci, au revoir.