Les récents accords tarifaires et leur impact sur la croissance
L'accord commercial entre les États-Unis et l'UE annoncé le 27 juillet était globalement conforme à nos attentes. Les droits de douane de 15 % convenus devraient être gérables pour la zone euro et leurs effets devraient être plus que compensés par de plus grandes dépenses de défense et d'infrastructure allemande à moyen terme. Un autre point positif est que l'accord inclut ces droits de douane de 15 % sur l'automobile, les semi-conducteurs et les produits pharmaceutiques. Le niveau de 50 % sur l'acier et l'aluminium est cependant maintenu. En échange, l'UE prévoit d'importer 750 milliards USD d'énergie, d'investir 600 milliards USD dans l'économie américaine et d'acheter beaucoup plus d'équipements militaires. L'UE supprimerait également les droits de douane pour de nombreux produits américains. L'accord contribue clairement à réduire l'incertitude qui pèse sur les perspectives à court terme. Cela réduit également de manière significative la probabilité d’un scénario d’escalade « coup pour coup » qui aurait fortement pesé sur le PIB de l’UE. Le résultat est donc positif pour la croissance européenne.
Il y a eu plusieurs autres accords commerciaux la semaine dernière avec le Japon (15 %), l'Indonésie et les Philippines (tous deux 19 %). Les tarifs convenus étaient généralement inférieurs aux prévisions, mais le taux tarifaire moyen effectif sera probablement supérieur à 15 % et donc légèrement supérieur à nos attentes initiales. Dans l'ensemble, l'effet positif lié à la réduction de l'incertitude pourrait dominer et limiter le risque de ralentissement de la croissance mondiale.
D'autres accords importants sont à surveiller avec la Chine, le Canada, la Corée du Sud et Taïwan.
Droits de douane, inflation et marges des entreprises
Une autre dimension importante est l'impact sur l'inflation américaine. Avec un taux tarifaire moyen effectif supérieur à 15 %, la question est de savoir qui paiera ? À ce stade, peu de signes indiquent que les exportateurs réduisent leurs prix. Nous nous attendons à un impact temporaire sur l'inflation américaine alors que les entreprises répercutent une partie des augmentations de coûts liées aux droits de douane sur le consommateur final. Toutefois, il y a également des signes que les entreprises américaines seront confrontées à une pression négative sur leurs marges.
L'impact sur les marchés boursiers
L'accord commercial s'inscrit parfaitement dans notre scénario principal décrit dans le dernier article Equity Focus de juillet. L'économie américaine semble toujours assez robuste avec peu de signes que ces droits de douane auront un impact important sur la croissance ou sur l'inflation. Donald Trump s’est senti apparemment plus confiant sur un tarif de base de 15 % au lieu du taux de 10 % établi lors de la « Journée de la libération ». Grâce au soi-disant « effet d'ancrage » créé le 2 avril, un taux tarifaire moyen effectif d’environ 15 % apparait comme plus acceptable pour le marché qu'il y a quelques mois. Comme nous continuons de croire qu'il faut du temps pour que l'impact des droits de douane se fasse ressentir au niveau économique, nous restons fidèles à notre opinion qu'il aura un impact mesurable sur les entreprises et les consommateurs américains.
Nous constatons de plus en plus que les entreprises américaines absorbent une bonne partie de l'impact des droits de douane, ce qui aura à terme des conséquences négatives sur les marges et la croissance des bénéfices. Nous pensons que les commentaires récents de sociétés comme GM et Hasbro illustrent bien cette tendance. Pourtant, le marché reste chèrement valorisé. Nous confirmons ainsi notre opinion sous-pondérée sur les actions américaines, avec une préférence relative pour les entreprises orientées vers le marché international et disposant d’un pouvoir de fixation des prix.
La suppression d'un élément d'incertitude majeur pour l'Europe devrait permettre au marché de se recentrer sur les facteurs macroéconomiques positifs. Ceux-ci incluent l'augmentation des dépenses de défense ainsi que le plan d'investissement allemand de 500 milliards EUR en infrastructures. Comme nous l'avons souligné, le changement dans la politique fiscale allemande aura également des effets positifs grâce à une confiance accrue. L'initiative « Made for Germany » récemment lancée, qui comprend 61 entreprises qui se sont engagées à investir 631 milliards EUR jusqu'en 2028, est un excellent exemple de ce phénomène. Nous réitérons ainsi notre opinion surpondérée sur les actions européennes, avec une préférence relative pour les entreprises orientées vers le marché domestique et bénéficiant du cadre budgétaire expansionniste. L’indice MDAX reste l’un de nos choix privilégiés.
Même si le secteur automobile devrait connaître un important rebond grâce aux tarifs, il est utile de garder à l'esprit que le secteur est toujours confronté à des droits de douane 6 fois plus élevés que l'année dernière et que cela ne change aucun des défis importants du secteur, tels que la concurrence croissante sur les véhicules électriques de la Chine et la faible demande des consommateurs. Les récents avertissements sur les bénéfices de certains constructeurs ainsi que la baisse des ventes de voitures neuves en Europe (-5 % en glissement annuel) sont des points importants. Nous recommandons donc de rester sélectif dans le secteur automobile malgré le rebond. Nous restons sous-pondérés.
En supposant que les tarifs sectoriels soient résolus pour de bon, le secteur pharmaceutique devrait bénéficier de l'annonce dans la mesure où elle lèvera un facteur majeur d’incertitude. Cela devrait permettre au marché de se concentrer sur les facteurs démographiques favorables et les valorisations attractives. Nous réitérons notre opinion surpondérée.
Notre opinion globale sur les actions reste neutre. Les principaux indices mondiaux sont toujours fortement influencés par les actions américaines pour lesquelles nous nous attendons à une performance au mieux modérée (en particulier pour les investisseurs basés en euros). Cela devrait peser lourdement sur la performance de ces indices à l'avenir. Plus important encore, nous estimons qu’il existe un risque élevé de correction menée par les États-Unis, dès lors que l’optimisme ambiant du marché sera mis à l’épreuve par les effets économiques des droits de douane.