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L’exceptionnalisme américain est-il toujours d’actualité ?

Edmund Shing, Global Chief Investment Officer, BNP Paribas Wealth Management

 

 

 

 

Résumé

Les raisons de croire en l’exceptionnalisme américain : (théorie qui considère que les États-Unis occupent une place spéciale parmi les nations du monde en termes politique, historique et économique).

  1. L’économie américaine a connu une forte croissance au cours des dernières années grâce à la productivité et à la croissance démographique.
  2. Les États-Unis sont toujours la plus grande économie du monde et détiennent de facto la monnaie de réserve mondiale.
  3. Le marché boursier américain, mené par l’indice S&P 500, a constamment surperformé au cours des dernières années, tandis que le dollar américain s’est également renforcé.

Le consensus actuel semble être de ne pas acheter d'actions en dehors des États-Unis. Dans cet article, nous remettons en question ce point de vue.

  1. La croissance économique américaine devrait ralentir.
  2. Le niveau des mesures de relance budgétaire financées par la dette américaine abyssale ne peut être maintenu, compte tenu du coût plus élevé de la dette.
  3. La valorisation de l'indice S&P 500 a atteint des niveaux historiques
  4. Quatre des 7 Magnifiques prévoient d’investir massivement dans l’Intelligence Artificielle. En quoi cela affectera-t-il le retour sur investissement ?
  5. La banalisation de l’IA stimulera la productivité économique et accélérera l’adoption économique de l’IA à grande échelle.

Conclusion :

  1. Regardez au-delà du marché boursier américain et considérez d’autres marchés boursiers : zone euro, Royaume-Uni, Japon, Chine.
  2. Diversifiez du secteur technologique américain vers d’autres secteurs : finance, industrie.

 

Les États-Unis sont-ils si exceptionnels, et si oui, cet exceptionnalisme peut-il durer ?

Certains faits sont incontestables

En premier lieu, en matière de croissance, les États-Unis enregistrent une surperformance par rapport au reste du monde, avec une productivité particulièrement élevée (voir graphique ci-dessous). Il est indéniable que l'économie américaine a enregistré une forte croissance ces dernières années. D’un point de vue devises, avec un statut de monnaie de réserve incontesté pour le dollar américain, le pays demeure la plus grande économie mondiale. Il ne fait aucun doute que le billet vert est accepté presque partout. 

Enfin, en analysant le marché boursier, il est clair que le marché américain a surperformé pendant plus de dix ans, principalement grâce à la vigueur du secteur technologique, qui a affiché une solide croissance des bénéfices au fil du temps. Au cours de la dernière décennie, les actions américaines ont généré un rendement annualisé impressionnant de 14,8 %, surpassant les actions mondiales hors États-Unis (qui n'ont généré que 7 %) et les actions de la zone euro (+7,8 % par an). De plus, cette performance a été renforcée par la force du dollar américain, comme c'est le cas depuis 2011.

 

Pourquoi acheter malgré tout des actions en dehors des États-Unis ?

Nous avons quelques réserves concernant ce point de vue consensuel. Tout d’abord, nous prévoyons un ralentissement de la croissance économique américaine car de nombreux consommateurs affichent un sentiment négatif, comme le montre l'enquête sur le sentiment des consommateurs de l'Université du Michigan. Cela est en grande partie dû aux taux d'inflation très élevés, conséquence de la pandémie et de la guerre en Ukraine.

Nous anticipons également des difficultés à maintenir les dépenses publiques financées par la dette que l'administration Biden a engagées durant les 4 années de son mandat (voir graphique), en grande partie en raison des dépenses liées à la pandémie de Covid. Ces dépenses déficitaires comprennent également l'Inflation Reduction Act et le Chips Act, tous deux conçus pour stimuler l'investissement aux États-Unis.

Depuis octobre 2022, début du marché haussier actuel, la performance exceptionnelle des grandes capitalisations américaines s'explique en grande partie par la réévaluation du S&P 500, porté par les 7 Magnifiques qui ont atteint des niveaux record. En octobre 2022, la valorisation de l'indice S&P 500 était de 15,5 fois les bénéfices prévisionnels. Aujourd'hui, le ratio cours/bénéfice (P/E) est de 22x, soit une hausse de 40 %, et les 7 Magnifiques se négocient désormais à environ 30x les bénéfices prévisionnels, une valorisation jamais vue.

Au vu de ces niveaux, le gestionnaire de fonds Vanguard prévoit un rendement futur pour les actions américaines de seulement 1,7 % par an en moyenne sur les dix prochaines années. Ces valorisations P/E reviendraient lentement vers la moyenne à long terme, ce qui freinerait la performance des actions américaines. En revanche, Vanguard prévoit des rendements futurs moyens de 6,1 % au cours des 10 prochaines années pour les actions mondiales hors États-Unis.

 

Focus sur l’investissement dans l’Intelligence Artificielle

L'enthousiasme autour de l'IA continue de croître, alimentant largement la surperformance des 7 Magnifiques. Quatre de ces géants technologiques, à savoir Amazon, Meta, Google et Microsoft, prévoient d'investir davantage dans l'IA en 2025, avec un total de 325 milliards de dollars. Cela représente une augmentation significative par rapport aux 220 milliards de dollars dépensés en 2024, et cette tendance devrait se poursuivre en 2026 et 2027. Sur une période de quatre ans, cela pourrait représenter un potentiel d'investissement total de mille milliards de dollars, voire plus.

 

L’avenir de l’IA

De notre point de vue, des interrogations subsistent quant au rendement potentiel sur plusieurs années du capital investi dans cette tendance massive. Récemment, l'attention s'est portée sur le lancement du modèle chinois « DeepSeek R1 », ainsi que sur l'arrivée plus large des acteurs chinois, y compris les modèles concurrents des géants technologiques tels qu'Alibaba.

Nous pensons que cela conduira à la banalisation de l'IA, ce qui sera finalement bénéfique pour la productivité économique. En effet, le point d'entrée plus bas, grâce à l'offre massive d'IA générative et autres modèles sur le marché, fera baisser les prix en général. Cela, à son tour, accélérera l'adoption de l’IA à grande échelle, au-delà du seul secteur technologique.

L'IA devrait accélérer la croissance de productivité jusqu’à 2% par an et donc la croissance économique des États-Unis à moyen terme. Il s’agit d’un niveau similaire atteint lors des précédents booms technologiques du début des années 1990 avec l’introduction du PC, et vers l’an 2000 avec l’accélération de l’adoption d’Internet.

De nombreux secteurs, tels que les logiciels, les banques, les services professionnels et les soins de santé pourraient tirer parti de l'adoption accélérée de l'IA dans l'économie au sens large. Cependant, nous ne sommes pas certains que cela soit bénéfique pour les entreprises qui fournissent des modèles d'IA, les hyperscalers, même en tenant compte de ces volumes plus élevés. En effet, des prix potentiellement plus bas et des marges bénéficiaires plus faibles pourraient poser des défis.

 

Conclusion

Bien que les États-Unis puissent encore surperformer pendant un certain temps, nous pensons que cette tendance à la surperformance est aujourd'hui terminée, tant au niveau économique qu'au niveau des marchés boursiers. Nous conseillons à ceux qui ont beaucoup investi dans les actions américaines de se diversifier pour réduire cette forte exposition aux actions américaines et au secteur technologique, car rien ne dure éternellement.

Il est important de noter que les actions américaines représentent aujourd'hui près de 74 % de l'indice MSCI World, ce qui constitue une concentration record dans un seul pays. En d'autres termes, même si vous investissez dans l'indice MSCI World, vous pourriez penser que vous investissez sur le marché boursier mondial, mais en réalité, près des trois quarts de cet investissement se retrouvent aux États-Unis, ce qui n'est pas vraiment bien diversifié.

Nous suggérons d'envisager d'autres classes d'actifs, d’autres régions et secteurs boursiers, tels que la zone euro, le Royaume-Uni, le Japon et peut-être même la Chine. Commencer par ces entreprises chinoises technologiques pourrait être judicieux, étant donné qu'elles sont très bon marché, qu'elles connaissent toujours une bonne croissance et qu'elles commencent également à exploiter les mêmes tendances en matière d'IA qui se développent rapidement aux États-Unis.