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06.06.2025
#MACROECONOMIE

Focus stratégie d'investissement : juin 2025

Le marché obligataire, juge de paix des marchés financiers

Homme habillé en rouge se tenant debout, face à une cascade

Résumé

 

  1. Le marché obligataire dicte la tendance : le projet de loi fiscal « Big Beautiful Bill », actuellement examiné au Sénat, prévoit de nouvelles baisses d’impôts non financées, nécessitant des émissions encore plus importantes d’obligations du Trésor américain. Un rendement à 10 ans au-delà de 4,8 % pourrait mettre l’administration Trump sous pression et peser sur les actions américaines et le dollar.
  2. Pression sur les obligations souveraines à très long terme : les rendements des obligations japonaises JGB à 30 ans ont atteint leur plus haut niveau en 20 ans, à 3 % en raison des inquiétudes sur la soutenabilité budgétaire et l’inflation. Pour atténuer cette pression sur les rendements à long terme, certains États, comme le Japon, privilégient désormais des émissions à maturité plus courte. Les maturités intermédiaires en zone euro, au Royaume-Uni et aux États-Unis sont à privilégier.
  3. La baisse du dollar devrait se poursuivre : les inquiétudes liées au déficit budgétaire américain, l’affaiblissement de la consommation intérieure, les flux de rapatriement des investisseurs étrangers et l’augmentation des couvertures de change sont autant de facteurs qui laisse présager un affaiblissement du billet vert. Les matières premières, les actions et les obligations des marchés émergents, les actions et les obligations des pays développés hors États-Unis pourraient toutes bénéficier d'une nouvelle baisse du dollar.
  4. Les actions américaines face au risque de récession : après le rebond de 19 % des valeurs cycliques par rapport aux valeurs défensives depuis début avril, les grandes capitalisations américaines sont à nouveau surévaluées et n'intègrent pas un risque significatif de récession. Nous restons Neutre sur les actions mondiales mais Négatif sur les actions américaines, Nous privilégions les secteurs « value » en Europe, au Royaume-Uni, en Corée du Sud et au Japon.
  5. Les infrastructures en vedette : elles sont soutenues par les annonces de dépenses publiques en Allemagne et par des dynamiques structurelles telles que l’électrification, la demande énergétique des data centers et la croissance du trafic de transport. Les fonds cotés et privés d'infrastructures affichent des performances solides et demeurent des actifs de diversification attractifs indexés sur l'inflation pour les investisseurs à long terme. 

 

Résumé d'investissement de juin 2025 : les obligations au centre de l’attention


Le marché obligataire est aux commandes

Actuellement, la principale source d’inquiétude pour les investisseurs devrait être les obligations. Selon la Securities Industry and Financial Markets Association (association professionnelle qui représente l'industrie des valeurs mobilières aux États-Unis), la capitalisation boursière mondiale s’élevait à 115 000 milliards de dollars à la mi-2024, contre 140 000 milliards pour le marché obligataire mondial, soit plus de 20 % de plus.

Dans les mois à venir, l’évolution de ce dernier jouera un rôle déterminant dans l’orientation des marchés actions et des devises.


Le déficit, un enjeu central à l’heure du projet de loi de réductions d'impôts de Trump

Quelle est la véritable source de préoccupation des investisseurs ? Le projet de loi surnommé le « Big Beautiful Bill » porté par l’administration Trump. Ce plan de réduction d’impôts, actuellement en cours d’examen au Congrès, pourrait potentiellement aggraver le poids de la dette publique américaine en réduisant les recettes fiscales sans réduction suffisante des dépenses fédérales.

Dans l’état actuel des choses, le projet de réforme fiscale pourrait entraîner une baisse des recettes fédérales américaines de 4 100 milliards de dollars cumulés entre 2025 et 2034, selon les estimations de la Tax Foundation. Avant même de prendre en compte les charges d’intérêt, cela représenterait une aggravation du déficit budgétaire de 1 700 milliards de dollars à l’horizon 2034.

Pour combler ce manque à gagner, l’État fédéral devrait recourir à des émissions encore plus massives d’obligations d’État. Et ce, alors même qu’un programme colossal de 9 000 milliards de dollars est déjà prévu en 2025 pour refinancer les obligations arrivant à échéance et couvrir un déficit budgétaire équivalant à 6 % du PIB.


La hausse globale des rendements obligataires à très long terme est préoccupante

Depuis début avril, le rendement des obligations américaines à 30 ans a bondi de 0,7 % pour atteindre 5 %. Ce mouvement n’est pas spécifique aux États-Unis. Sur ces deux derniers mois, le rendement des obligations japonaises à 40 ans a progressé de 0,8 % à 3,4 %, tandis que les gilts britanniques à 30 ans ont gagné 0,3 %.

Ce phénomène traduit un décalage entre l'offre et la demande sur les maturités très longues, les investisseurs exigeant des rendements plus élevés afin de compenser l'augmentation des risques liés à la soutenabilité budgétaire et à la volatilité de l'inflation.

Même sur les obligations américaines à 10 ans, la prime de terme (le supplément de rendement exigé pour détenir une obligation longue plutôt que courte) est passée de niveaux négatifs fin 2024 à +0,8 % aujourd’hui. Pour l’instant, cette hausse a été bien absorbée, avec un rendement réel relativement stable autour de 2,1 % et un rendement de référence des bons du Trésor à 10 ans ancré à 4,4 %.

Si ce rendement à 10 ans devait dépasser durablement les 4,8 %, cela exercerait une pression sur les valorisations des actions américaines, d’autant que le ratio cours/bénéfice prévisionnel du S&P 500 a rebondi depuis avril à un niveau élevé de 21x.

Pour atténuer ce risque, une accélération de la dérèglementation du secteur financier est attendue, ce qui permettra un assouplissement du ratio de levier supplémentaire (Supplementary Leverage Ratio) imposé aux banques américaines. Cela inciterait ces dernières à accroître leurs achats de bons du Trésor, renforçant ainsi la demande domestique pour les obligations.

À surveiller de près : le rendement des bons du Trésor américain à 10 ans. Tant qu’il reste sous les 4,8 %, le marché devrait rester stable. Au-delà, les tensions pourraient s’intensifier sur les actions, l’immobilier américain et le dollar.

 

Un dollar plus faible à l'avenir ?


L’affaiblissement du dollar américain est-il sur le point de se poursuivre ?

Les inquiétudes liées à la dérive budgétaire des États-Unis se sont intensifiées avec l'adoption du dernier projet de loi de réconciliation à la Chambre des représentants. Ce texte prévoit d’importantes baisses d’impôts sans efforts de collecte de recettes ou de réduction des dépenses. Le Sénat devrait prendre plusieurs semaines pour l’examiner. L’aggravation potentielle du déficit budgétaire qui pourrait en résulter pèserait non seulement sur les rendements des bons du Trésor américain à 30 ans, mais aussi sur le dollar américain, dont le statut de valeur refuge serait affaibli.

Parallèlement, des signes de ralentissement de la consommation des ménages américains devraient apparaître dans les prochaines semaines. La hausse des prix des biens (liée aux droits de douane) et un marché de l’emploi moins dynamique pèsent sur le pouvoir d’achat. Plus de la moitié des ménages américains estiment aujourd’hui que leur situation financière s’est détériorée par rapport à l’an dernier, même si leurs bilans sont globalement sains.

La combinaison d’un affaiblissement de la consommation américaine et d’un déficit budgétaire croissant devrait continuer à peser sur le dollar. L’indice du dollar américain est déjà tombé à son plus bas niveau depuis mi-2023, mais pourrait encore reculer. En termes historiques, il reste tout de même 10 % au-dessus de sa moyenne des vingt dernières années.

Le rééquilibrage potentiel des portefeuilles vers l’Europe et l’Asie de la part des investisseurs étrangers, qui détiennent actuellement 7 500 milliards de dollars d’actifs américains (actions et obligations), constitue un élément clé à l’origine d’une nouvelle baisse du dollar. L’augmentation des couvertures de change par les détenteurs d’actifs étrangers intensifie encore la pression à la vente du dollar. 

Dans ce contexte, une légère dépréciation du billet vert semble probable à court terme.
 

Les bénéficiaires de la dépréciation du dollar

Si le dollar poursuit sa baisse, plusieurs classes d’actifs pourraient en tirer parti :

1. Les matières premières, à commencer par les métaux précieux. L’or affiche une corrélation inverse bien établie avec le dollar à court terme : lorsque le billet vert recule, l’or tend à progresser. Malgré une performance déjà forte ces dernières années, le métal jaune conserve un potentiel haussier en cas de poursuite de la baisse du dollar. Le cuivre et les métaux de base pourraient également en bénéficier, à condition d’un contexte de croissance mondiale positive.

2. Les actions et les obligations des marchés émergents ont tendance à profiter généralement d’un dollar plus faible et d’un renforcement des devises locales. Lors de la dernière phase prolongée de faiblesse du dollar (2009–2011), la dette souveraine émergente a généré un rendement annualisé de 20 %. Aujourd’hui, elle offre 6,6 % pour une exposition en devise forte. Depuis début 2025, les actions émergentes ont enregistré un rendement de 9 % en dollars américains, soit 8 % de plus que le S&P 500.

3. Les actions des pays développés hors États-Unis, notamment au Canada, en Australie et en zone euro. Le Canada et l’Australie devraient bénéficier de leur forte exposition aux matières premières. En zone euro, la dynamique domestique est soutenue par les investissements dans les infrastructures et la défense, ainsi que par une politique monétaire plus accommodante de la BCE.

4. Les obligations souveraines à haut rendement au Royaume-Uni, en Norvège, au Canada et en Australie. Ces titres profitent à la fois d’un renforcement des devises locales et de rendements attractifs en catégorie Investment Grade. Depuis le début de l’année, ces obligations ont généré des performances comprises entre 5 % et 11 % en dollars américains.

 

Le facteur « value » en tête des performances boursières en 2025


Les marchés actions anticipent des perspectives relativement optimistes

Le rebond des marchés boursiers amorcé au début d’avril s’est poursuivi en mai à mesure que les craintes concernant les tarifs douaniers s’atténuaient et que la volatilité diminuait. L’indice MSCI World affiche une progression de 5 % depuis le début de l’année en dollars, mais une baisse de 5 % en euros en raison des effets de change. Les actions américaines sont revenues proches de l’équilibre, tandis que les actions de la zone euro enregistrent un rendement de 14 %, portées récemment par les secteurs industriels et bancaires. Dans ce contexte, le facteur « value » européen surperforme nettement le marché actions paneuropéen, avec un rendement de 15 % depuis le début de l’année. Nous privilégions les secteurs « value » européens, en particulier les banques, l’industrie et la santé.

Au 27 avril, l’indice Euro STOXX 50 ne se situait qu’à 2 % de son record historique de mars, et le S&P 500 à seulement 5 % de son pic de février. Les marchés actions ne semblent donc pas intégrer un risque élevé de récession.

Dans les mois à venir, plusieurs facteurs devraient orienter la trajectoire des marchés actions. D’abord, la liquidité macroéconomique devrait s’améliorer à mesure que les banques centrales poursuivent l’assouplissement de leur politique monétaire. Ensuite, le niveau des taux obligataires à long terme jouera un rôle clé dans l’évaluation des valorisations boursières. Par ailleurs, l’ampleur du ralentissement économique aux États-Unis influencera directement la dynamique des bénéfices des entreprises. Le volume des rachats d’actions par les sociétés cotées influencera également la demande d’actions. Enfin, les marchés continueront d’anticiper les perspectives économiques à moyen terme, avec un horizon de projection d’environ douze mois.

Compte tenu des nombreux risques à la hausse comme à la baisse à court terme, nous préférons rester Neutre à l'égard des actions internationales, compte tenu de la reprise spectaculaire déjà enregistrée. 


La volatilité des marchés financiers s’est attenuée

Donald Trump continue d’alimenter l’incertitude géopolitique avec de nouvelles déclarations sur les droits de douane, menaçant récemment d’imposer une taxe de 50 % sur les exportations européennes vers les États-Unis, ainsi que des droits d’importation élevés sur les produits Apple (à moins qu’Apple n’augmente significativement sa production d’iPhones sur le sol américain).

Pourtant, la volatilité sur les marchés actions, obligataires et de change est en recul, dans un schéma classique de « retour à la moyenne ». Les investisseurs semblent désormais relativiser les annonces de Trump, anticipant que nombre de ces mesures extrêmes ne seront jamais mises en œuvre, une illustration de « l’art du deal ». Dans ce contexte, une volatilité plus faible, un dollar américain affaibli et une économie américaine évitant la récession constituent un cocktail favorable pour les actions, les obligations d’entreprise et les matières premières.


Les lectures extrêmes du VIX suggèrent de bons rendements boursiers

Il est exceptionnel que l’indice de volatilité VIX dépasse le seuil de 50. Cela ne s’est produit que lors de crises majeures : la crise financière mondiale de 2008, la pandémie de COVID-19 en 2020, puis plus récemment en août 2024 et en avril de cette année.

À chaque fois qu’un tel pic a été observé, le rendement médian de l’indice S&P 500 sur les douze mois suivants a atteint 30 %, soit trois fois la moyenne annuelle depuis 1990.

Depuis le dernier pic intra-journalier du VIX à 60 le 7 avril, le S&P 500 a déjà rebondi de 17 %. Cela laisse entrevoir un potentiel de hausse à deux chiffres pour les actions mondiales, si l’on suit le schéma des reprises précédentes après des pics de volatilité similaires. Ce scénario reste toutefois conditionné à un facteur clé : l’absence de récession aux États-Unis cette année.

 

Infrastructure : un actif réel de référence à long terme  


Pourquoi l'infrastructure est une remarquable source de diversification

Les infrastructures constituent une des rares classes d’actifs, aux côtés des actions et de l’or, à afficher une performance solide depuis le début de l’année. En tant qu’actifs réels adossés à des services essentiels comme l’eau, l’énergie, le transport, les télécommunications, les infrastructures offrent un profil défensif et une protection naturelle contre l’inflation.

Les ETF mondiaux cotés en infrastructure ont progressé de 13 à 15 % en dollars depuis janvier, bien au-delà des 5 % enregistrés par les actions mondiales. Certains sous-segments affichent même des performances supérieures.

En effet, les entreprises impliquées dans la production d’électricité et le développement des réseaux électriques enregistrent des gains particulièrement marqués (fonds et ETF dédiés). Le secteur de l’eau potable tire également son épingle du jeu, avec des ETF en hausse de 8 % depuis le début de l’année, dans la continuité d’une tendance haussière entamée en 2016.

Mais la véritable tête de proue du secteur en 2025 est l’infrastructure européenne. Le plan d’investissement allemand dans les infrastructures et la défense récemment annoncé a ravivé l’intérêt des investisseurs, soutenu par des initiatives similaires à l’échelle européenne. L’indice Mirae Asset European Infrastructure Development affiche une progression de 26 % depuis le début de l’année, porté par les valeurs du transport, de l’aéronautique-défense, des télécoms et du BTP. Les secteurs européens des services aux collectivités et des télécommunications (STOXX Europe) enregistrent également des performances remarquables, avec des gains de 19 % sur la même période.


Immobilier européen : la reprise se confirme

Le marché immobilier non coté en Europe poursuit sa remontée après le creux de fin 2023. Au premier trimestre 2025, les fonds immobiliers commerciaux enregistrent un rendement moyen de 1 %, porté par une légère revalorisation des actifs et des revenus locatifs stables. Le segment résidentiel tire particulièrement son épingle du jeu, avec une performance de +1,7 % pour les fonds spécialisés suivis par l’INREV (Association européenne des investisseurs dans les véhicules immobiliers non cotés).

Les rendements de l’immobilier commercial restent attractifs comparés aux obligations souveraines et d’entreprise européennes. Selon BNP Paribas Real Estate, les taux de rendement de l’immobilier commercial de premier ordre en Europe s’établissent, au premier trimestre, entre 4,3 % pour le commerce de détail, 4,7 % pour les bureaux et jusqu’à 5 % pour la logistique. À titre de comparaison, le rendement moyen des obligations souveraines à 5 ans en zone euro est retombé à 2,4 %, proche de ses plus bas de deux ans, tandis que les obligations d’entreprise Investment Grade offrent en moyenne 3,1 %.

La perspective d’une baisse de 50 pb des  taux directeurs de la BCE dans les mois à venir devrait soutenir davantage les marchés résidentiels sensibles aux taux variables, notamment en Espagne et aux Pays-Bas. Selon TINSA, les prix de l’immobilier espagnol ont progressé de 3,1 % au T1 2025 par rapport au T4 2024, et de 7,7 % sur un an. Aux Pays-Bas, les prix des logements anciens ont bondi de 10,2 % en avril sur un an, et de 3,2 % depuis le début de l’année.

La combinaison d’un regain de confiance des ménages et de taux longs plus bas pourrait ainsi renforcer la dynamique de reprise du secteur immobilier européen, alors que les valeurs du secteur immobilières repartent enfin à la hausse.

Edmund Shing, PhD

Global Chief Investment Officer