RÉSUMÉ
1. Les marchés actions et obligataires ont corrigé car l'inflation américaine demeure présente. Le rendement de l'emprunt d'État américain à 10 ans a progressé de 0,7 % à 4,6 % depuis le début de l'année 2024 en raison de la persistance de l'inflation sous-jacente. Les marchés actions européens et américains se sont détendus de 2 % à 4 % par rapport à leur pic de fin mars, mais sont toujours en hausse depuis le début de l'année.
2. Ajustement de nos perspectives de baisse des taux d'intérêt aux États-Unis : les baisses de taux sont repoussées à 2026 compte tenu de la persistance de l'inflation. Nous prévoyons seulement une baisse de 25 pbs en 2024, quatre baisses supplémentaires en 2025 et deux en 2026. À un horizon de 12 mois, nous prévoyons une baisse des rendements des bons du Trésor américain avec un nouvel objectif de 4,25 % et un nouvel objectif pour l’EUR/USD de 1,12 USD.
3. Les tensions au Moyen-Orient alimentent les risques sur les marchés : l'escalade des hostilités entre Israël et l'Iran a entraîné une hausse de la volatilité boursière et un écartement des spreads de crédit. Mais la réaction du prix du pétrole reste modérée, ce qui n'a pour l'instant qu'un effet de contagion limité sur l'économie mondiale.
4. Tensions sur les principaux métaux industriels : le cuivre, l'aluminium et l'étain ont tous atteint leur plus haut niveau depuis janvier 2023, le London Metals Exchange interdisant les métaux d’origine russe dans son système. Opinion positive à moyen terme sur les principaux métaux industriels liés à l'énergie.
5. Investir dans les réseaux de transport d'électricité : l'énergie renouvelable, les batteries des véhicules électriques/hybrides et les datacenters de l'intelligence artificielle sont les vecteurs de croissance de la demande d'électricité et de la nécessité de moderniser les réseaux de transport d'électricité. Investir dans les thèmes d'investissement liés aux réseaux intelligents, à l'économie circulaire et à l'efficacité énergétique.
Baisse des taux de la Fed repoussée
L'inflation américaine a connu un mois difficile
Nous avons assisté à un changement notable dans le style de communication de Jerome Powell, président de la Réserve fédérale. Après le rapport sur l'inflation de mars, il a indiqué que le niveau élevé de l'inflation repousserait probablement toute baisse des taux d'intérêt de la Fed pour la fin de l'année. Par conséquent, nous pensons qu'une baisse des taux en juin n'est plus d’actualité mais que la Réserve fédérale a toujours l'intention de mettre en place des baisses cette année. Une telle décision équivaudrait à une « réduction de l'assurance » en termes de gestion des risques car il existe des risques à réduire les taux trop tôt, mais également à les réduire trop tard dans la mesure où la Fed cherche à obtenir un atterrissage en douceur de l'économie.
L'inflation reste imprévisible. Certains éléments se sont accélérés (Services de base hors logement en hausse pour le troisième mois consécutif), d'autres ont ralenti (croissance des salaires). Nous anticipons toujours une baisse de l'inflation cette année, mais celle-ci devrait demeurer résiliente pour les services hors logement, ce qui pourrait rendre cette modération plus progressive. Selon nous, l'inflation devrait atteindre 3,05 % d'ici 12 mois, un niveau supérieur à celui estimé par le marché qui est de 2,8 %.
Dans le même temps, la croissance économique se poursuit, malgré un léger ralentissement mis en évidence par les chiffres de l'indice des directeurs d'achat (PMI) de mars. Néanmoins, la vigueur des ventes au détail en mars souligne la résistance des dépenses des ménages.
Dans l'ensemble, nous pensons que la Fed se montrera plus prudente cette année que ne l'anticipe le marché (1,7 baisses de taux). Nous prévoyons une baisse de seulement 25 pbs cette année, lors de la réunion du FOMC du 18 septembre. Il est très inhabituel de voir la Fed amorcer un cycle de baisse des taux si proche d'une élection (5 novembre), action qui n'a eu lieu qu'une seule fois depuis 1984. Toutefois, on s’attend à des baisses de taux depuis tant de mois qu'il est injuste de dire qu'elles viendront interférer avec l'élection. Pour la suite, nous anticipons plus de baisses des taux que ce qui est intégré dans les cours, avec au total quatre baisses en 2025 et deux en 2026. Il en résulterait un taux de fin de cycle de 3,75 %.
Ajustement de nos prévisions de rendement concernant les obligations américaines
Les rendements obligataires pourraient légèrement augmenter au cours des prochains mois en raison de plusieurs facteurs. Premièrement, l'appétit pour les emprunts d'État a diminué, comme en ont témoigné la faiblesse des récentes adjudications de bons du Trésor sur toutes les maturités.
Deuxièmement, nous pensons que le marché va continuer de reconsidérer ses anticipations de baisse des taux directeurs. Troisièmement, compte tenu de la volatilité accrue des anticipations d'inflation et des inquiétudes liées au déficit américain, la prime à terme devrait augmenter. Il est à noter que la prime à terme est revenue à zéro et qu'elle était proche des 50 pbs en octobre 2023, lorsque le déficit budgétaire suscitait des inquiétudes. À l'inverse, nous anticipons une baisse des rendements obligataires sur un horizon de 12 mois. Nous prévoyons une baisse des rendements obligataires avec un nouvel objectif de 4,25 % pour les emprunts d'État américains. Cette prévision est conforme aux tendances historiques, à savoir que les rendements obligataires baissent lorsque la Fed réduit effectivement ses taux.
Baisse attendue de la dépréciation du dollar américain
Les perspectives de la parité EUR/USD sont très sensibles au différentiel de taux d'intérêt et aux futures évolutions des politiques monétaires. Comme mentionné précédemment, la Fed ne devrait baisser ses taux qu'une fois cette année et seulement en septembre, tandis que la BCE devrait commencer à réduire ses taux en juin, avec une baisse de 75 pbs cette année. Ainsi, le nouveau différentiel de taux attendu justifie un potentiel de dépréciation plus faible pour le dollar au cours des 12 prochains mois. Nous révisons notre objectif EUR/USD de 1,15 à 1,12 (valeur d'un euro).
Nous révisons également nos objectifs sur le yen. Nous restons d'avis que la fin de la politique de taux d'intérêt négatifs au Japon en mars devrait progressivement accroître l'attractivité du yen, mais le fait que la Fed procède à moins de baisse de taux au cours de cette année en réduit le potentiel d'appréciation. Nous ajustons notre objectif en USD/JPY à 3 mois de 145 à 150 et notre objectif à 12 mois de 134 à 140 (valeur d'un dollar américain).
Effet limité des tensions au Moyen-Orient sur la volatilité des marchés et le prix du pétrole
Suivi des nouvelles concernant le Moyen-Orient et des risques croissants
L'escalade actuelle du conflit israélo-palestinien qui dure depuis 6 mois et touche l'Iran augmente les risques pour l'économie mondiale et les marchés financiers.
L’offensive iranienne du 14 avril par drones et missiles menée en réponse à une attaque aérienne attribuée à Israël du consulat iranien à Damas, en Syrie, a été bien notifiée en Israël et aux États-Unis avant l'événement. Cela laisse entrevoir une volonté du côté iranien d'éviter une nouvelle escalade. Le temps dira si les efforts diplomatiques des États-Unis, de l'Europe et de l'Arabie saoudite réussiront à convaincre Israël d'en faire de même et à limiter une toute nouvelle escalade militaire.
Jusqu'à présent, la hausse de la volatilité des marchés financiers demeure limitée
Plusieurs indicateurs de risque ont augmenté sur les marchés financiers depuis fin mars : l'indice de volatilité VIX pour le marché actions américain, l'indice MOVE pour la volatilité des obligations américaines et l'indice CDX US High Yield CDS. Mais pour chacun de ces indices, ces hausses ont été modestes, les niveaux actuels étant loin des sommets atteints en 2023.
De plus, ces hausses du risque sur les marchés financiers ont coïncidé avec une série de chiffres mensuels de l'inflation américaine élevés, déclenchant à leur tour une réévaluation des baisses de taux attendues de la Réserve fédérale pour cette année. Cela a eu un impact sur les taux d'intérêt à court et long terme, le rendement de l'emprunt d'État américain à 2 ans atteignant 5 % et celui à 10 ans 4,6 %.
Les rendements à long terme des obligations américaines, supérieurs à 4,5 %, ont pesé sur les valorisations des marchés actions, en particulier après la forte hausse depuis novembre 2023. Les marchés actions européens et américains ont lâché 2 % à 3 % par rapport à leur pic de fin mars (au 29 avril), mais continuent néanmoins de progresser de, respectivement, 10 % et 7 % depuis le début de l'année.
Le principal risque géopolitique provient du prix du pétrole
Contre toute attente, le Brent n'a guère réagi à la dernière escalade des tensions au Moyen-Orient et a surpris en abaissant à 88 USD/baril. Selon nous, à ce niveau, il existe une prime de risque géopolitique substantielle déjà intégrée au prix du pétrole, mais cette prime n'a pas augmenté ces derniers jours.
L’absence de volatilité du prix du pétrole s’explique en partie par l'importance des capacités inutilisées dans les pays producteurs de l'OPEP+. En cas de perturbation inattendue des flux de pétrole à l'échelle mondiale, nous pourrions assister à une réintégration de ces capacités inutilisées sur le marché pétrolier. Les pays de l'OPEP+, avec en tête l'Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis, disposent à l'heure actuelle de 5 % à 6 % de capacités inutilisées, suite à la réduction des quotas de production. Ainsi, environ 6 millions de barils par jour pourraient être ajoutés à la production actuelle, si nécessaire, pour faire face à toute interruption de l'approvisionnement mondial en pétrole.
Ensuite, alors que la Réserve américaine stratégique de pétrole (« US Strategic Petroleum Reserve », SPR) a déjà été largement utilisée par l'administration Biden pour gérer le prix du pétrole sur son marché intérieur, elle pourrait encore libérer de nouvelles ressources pétrolières à court terme auprès du SPR afin de compenser l'impact des hausses des prix.
Les tensions au Moyen-Orient alimentent le risque de marché :
L'escalade des hostilités militaires entre Israël et l'Iran a entraîné un regain de volatilité sur les marchés actions et un élargissement des spreads de taux.
Mais la réaction des cours du pétrole reste modérée et rien ne semble indiquer une fuite vers les actifs « refuges », d'où un effet de contagion limité sur l'économie mondiale et les marchés pour le moment.
Zoom sur les métaux industriels
Les métaux industriels ont fortement progressé en avril
Nous identifions trois raisons principales de la hausse à deux chiffres des prix du cuivre (+15 %), du nickel (+16 %), de l'aluminium (+12 %) et de l'étain (+40 %) depuis le début de l'année 2024 :
- Des signes de reprise de la demande (premiers signes d'un retour de la demande chinoise, indices PMI manufacturier aux États-Unis et en Chine retombant en territoire d'expansion),
- Une croissance de la demande tirée par les investissements dans les datacenters liés à la transition énergétique et à l'intelligence artificielle ; et
- Les inquiétudes liées au resserrement de l'offre mondiale compte tenu des déficits de production des producteurs latino-américains et de l'interdiction des métaux russes imposée récemment par le London Metal Exchange.
À court terme, les pénuries d'offre se sont intensifiées
La seule partie du marché où personne ne conteste qu’il y a une pénurie en ce moment est le minerai de cuivre semi-transformé, connu sous le nom de concentré.
Cette pénurie est influencée par :
A) les déceptions sur le plan de l'offre (fermeture de la mine panaméenne de Cobre pour des raisons écologiques, sécheresse en Zambie, perturbations dans les mines de cuivre chiliennes telles que Los Bronces) qui réduisent la production pour réduire les coûts et B) une expansion très forte de la capacité mondiale des fonderies.
Il en résulte des transactions dans lesquelles les fonderies et les négociants paient à peu près le même prix pour les cargaisons de minerai de cuivre que ce que le cuivre qu'il contient rapportera une fois traité. Certaines rumeurs affirment que les fonderies de cuivre chinoises sont sur le point d’obtenir un accord réglementaire visant à réduire la production afin d'éviter de lourdes pertes.
Quelques questions sur la demande chinoise
La reprise imminente de la demande chinoise finale suscite toutefois des désaccords. Malgré un marché immobilier résidentiel en berne, les investissements dans les énergies vertes ont fait grimper la consommation de cuivre en Chine (+13 % en 2023). Contrairement à l'acier, le cuivre est généralement utilisé vers la fin des projets de construction. La baisse des projets immobiliers ainsi que celle de la demande d'appareils ménagers gourmands en cuivre (tels que les réfrigérateurs et les climatiseurs) va cependant éroder la demande de câblage en cuivre. La plus forte baisse de la demande de cuivre se produira dans le secteur des énergies vertes, où la croissance de la consommation de cuivre est appelée à ralentir. L'an dernier, la consommation de cuivre dans les projets solaires et éoliens a augmenté respectivement de 146 % et 96 %, mais elle a récemment ralenti. Le réseau électrique chinois a eu du mal à suivre la forte augmentation de l'énergie produite par un bon nombre de ces projets verts. Cela a contraint un certain nombre de provinces et de régions à limiter les nouveaux projets.
De l'avis général, le nouveau marché haussier à long terme sera (ou est déjà) tiré par la croissance de la demande en plein essor liée à la décarbonisation à partir des énergies renouvelables, des infrastructures de réseau, des véhicules électriques et des datacenters axés sur l'IA (surtout américains).
Répartition des principaux métaux industriels
Le cuivre, l'aluminium et l'étain ont atteint leurs plus hauts niveaux depuis janvier 2023, davantage sous l'effet des problèmes d'offre que d'une forte reprise de la demande. Les perturbations à court terme pourraient s'atténuer, mais le sous-investissement à long terme dans les nouvelles capacités minières est favorable aux perspectives à moyen terme des principaux métaux industriels liés à l'énergie tels que le cuivre.
Les énergies renouvelables et les datacenters liés à l'IA stimulent les investissements dans le réseau électrique
Croissance étonnamment soutenue de la demande d'électricité
Les États-Unis, l'Europe et la Chine continuent d'investir massivement sur 2 méga-thèmes à long terme :
- 1.les investissements zéro carbone nets via la production d'énergies renouvelables (principalement solaire et éolienne), ainsi que les véhicules électriques à batterie hybrides et rechargeables ;
- 2.l'essor de l'investissement dans l'intelligence artificielle, qui stimule la demande de datacenters énergivores (puissance de traitement + refroidissement).
Ces deux méga-thèmes impliquent l’urgence d'améliorer la capacité des réseaux de transport d'électricité dans ces régions, compte tenu de la croissance continue de la demande d'électricité qui en résulte.
Les réseaux électriques existants ont été construits dans le passé pendant des décennies lorsque la demande d'électricité était beaucoup plus faible. La hausse de la consommation intérieure d'électricité et le vieillissement des infrastructures commencent à mettre en évidence les limites du réseau actuel. Cela accroît le risque de coupures locales d'électricité pendant les périodes de pics de la demande.
Alors que les ménages et les entreprises intègrent un nombre toujours croissant d'appareils électroniques dotés de capacités technologiques élargies, les entreprises de services publics doivent répondre en temps réel à l'évolution de la demande électrique. Une transition est en cours vers un nouveau réseau électrique amélioré qui rend cette adaptation en temps réel possible - un système conçu pour assurer l'efficacité énergétique, réduire l'impact environnemental et améliorer le choix des consommateurs par exemple : le réseau intelligent.
Le réseau intelligent est donc une rénovation de la chaîne d'approvisionnement en électricité, conçue pour moderniser notre mode de production, de transport, d'utilisation et de stockage de l'énergie.
Les investissements dans les infrastructures de transport sont à la traîne
Selon Jefferies, une banque d'investissement américaine, le montant des investissements dans les réseaux électriques aux États-Unis a été fortement inférieur à l'investissement dans la production d'énergie renouvelable au cours des 5-10 dernières années.
Compte tenu du boom attendu des investissements dans les énergies renouvelables jusqu'en 2030, les investissements prévus dans les réseaux de transport d'électricité doivent rattraper leur retard. Comme le souligne Jefferies : "Aucune transition sans transmission".
Ce thème est un bénéficiaire évident des énormes programmes américains de crédits d'impôt liés à l'investissement proposés par le gouvernement américain à la suite de la loi sur la réduction de l'inflation (IRA) et de la loi sur l'infrastructure et l'investissement pour l'emploi (IIJA).
Pour investir sur ce thème, nous privilégions les sociétés cotées sur les principaux marchés actions nord-américains, européens et asiatiques, qui sont classées comme des entreprises impliquées dans les réseaux intelligents, les infrastructures électriques et/ou d'autres activités liées au réseau.
Deux façons d'investir facilement dans ce boom attendu des investissements dans les réseaux de transport d'électricité sont les ETF basés sur deux indices thématiques pertinents :
- L'indice Nasdaq OMX Clean Edge Smart Grid Infrastructure
- L'indice Circular Economy Leaders de l'ECPI.
Ces deux indices ont enregistré des performances solides depuis 2020, surperformant largement dans chaque cas l'indice MSCI World.
Edmund Shing, PhD
Global Chief Investment Officer