11.03.2025
#MACROECONOMIE

Focus stratégie d'investissement : mars 2025

Un nouveau pic d'incertitude géopolitique

Résumé

 

  1. Plan de relance budgétaire en Allemagne : les élections allemandes devraient déboucher sur un plan de relance sans précédent. Les dirigeants allemands ont convenu de créer un fonds spécial de 500 milliards d'euros sur 10 ans pour moderniser les infrastructures.

  2. Les dépenses de défense allemandes seront également augmentées, s'ajoutant au plan de dépenses de 800 milliards d'euros de la Commission européenne pour le programme ReArm Europe. L'accord final devra être soutenu par le Parti Vert et/ou les Libéraux. Ce plan permettra d’accroître la croissance économique structurelle à partir de la fin de 2025. À court terme, la croissance pourrait fléchir avant de s'améliorer en raison des droits de douane américains et des incertitudes politiques.

  3. Privilégier les obligations souveraines « core » de la zone euro par rapport aux obligations américaines : le plan budgétaire allemand réduit les chances que la BCE baisse les taux en dessous de zéro, augmentant les émissions obligataires et la prime de terme. Nous relevons notre objectif de rendement du Bund à 12 mois de 2,25 % à 2,50 %. Nous passons de Neutre à Positif sur les obligations d’État « core » de la zone euro après la correction, puis de Positif à Neutre sur les bons du Trésor américain après le rallye.

  4. Le récit de l’exceptionnalisme américain est remis en question : la dynamique du dollar américain et des valeurs technologiques « Magnificent 7 » s’est inversée compte tenu de l’incertitude politique record aux États-Unis, du ralentissement de la croissance et des valorisations tendues. Nous abaissons notre recommandation sur les actions américaines à Neutre, mais maintenons une position positive sur les actions dans l’ensemble. Nous privilégions les secteurs suivants : Finance, Industrie, Santé.

  5. Focus sur l’incertitude politique record : l'incertitude mondiale est à un niveau sans précédent en raison des changements de politique des États-Unis concernant l'Ukraine, des multiples augmentations de droits de douane et du ralentissement de la croissance américaine. Toute aggravation de l'impact des tarifs sur la croissance ou l’absence d'un cessez-le-feu espéré entre l'Ukraine et la Russie justifierait une position plus prudente en matière d'allocation d'actifs.

 

Les élections allemandes débouchent sur une relance budgétaire sans précédent depuis une génération

 

Le résultat des élections et les défis

Les élections allemandes ont vu l'Union (CDU/CSU) obtenir environ 28,60 % des voix, devant le parti d’extrême droite  AFD (environ 20,80 %). Les sociaux-démocrates (SPD) ont suivi avec 16,40 % et les Verts avec 11,6 %. Parmi les petits partis, seul "Die Linke" a dépassé le seuil minimum de 5 % pour entrer au Bundestag.

Les discussions de la coalition se concentrent sur trois sujets : les infrastructures de défense et les dépenses sociales, le financement via une réforme du frein à l'endettement, et l'immigration. Les principaux partis démocratiques soutiennent également des mesures visant à réduire les prix de l'énergie. Ce facteur, combiné à la fin du conflit en Ukraine, pourrait entraîner une baisse substantielle des coûts énergétiques pour certaines industries ainsi que pour les ménages. La déréglementation est un autre enjeu clé offrant un potentiel supplémentaire pour soutenir la croissance économique.

La principale incertitude depuis les élections concerne le frein à l'endettement et les sources de financement possibles. Le potentiel de financement est fortement limité en raison du frein à l'endettement inscrit dans la constitution. Réformer ce dernier ou mettre en place des fonds hors budget nécessite une majorité des deux tiers au Bundestag. Une clause dérogatoire peut être activée avec une simple majorité.


Relance budgétaire qui n’arrive qu’une fois par génération

Friedrich Merz, le nouveau chancelier, a annoncé le 4 mars, une série de mesures clés.

  1. Un fonds spécial (fonds commun de créances ou FCC) de 500 milliards d'euros sur 10 ans et la réforme du frein à l'endettement avant la réunion du nouveau Bundestag ;
  2. Ce fonds doit être utilisé pour des investissements visant  à moderniser les infrastructures et renforcer l’économie. Sur ce total, 100 milliards d’euros sont destinés aux régions.
  3. Enfin, l’Union et le SPD feront avancer une réforme du frein à l’endettement qui exemptera certaines parties des dépenses de défense des limites d’emprunt actuelles.

Il est important de noter que toutes ces mesures sont des propositions. Pour obtenir la majorité nécessaire des deux tiers pour le FCC et la réforme du frein à l'endettement, Merz a besoin du soutien du Parti Vert et/ou des Libéraux.

Une autre mesure de relance majeure a été dévoilée au niveau de l'UE. Ursula von der Leyen a annoncé la mobilisation de 800 milliards d'euros pour le programme ReArm Europe, ce qui équivaut à la somme de l'estimation des dépenses militaires nationales (premier point du plan) et d’un nouvel instrument financier destiné à l’armement (deuxième point du plan).

Si elles sont confirmées, ces mesures pourraient stimuler la croissance économique, mais seulement à partir de la fin de 2025. La croissance en 2025 et 2026 pourrait être augmentée de 0,5 % et 0,3 % en Allemagne et de 0,2 % et 0,3 % au niveau de la zone euro.

Le PIB potentiel réel de la zone euro pourrait également être révisé à la hausse, passant de 0,5 % à environ 1,5 %. Théoriquement, cela suggérerait des taux légèrement plus élevés à partir de 2025. Nous pensons toutefois que la BCE mettra en perspective et équilibrera ces conditions domestiques plus robustes avec les risques d’une détérioration de l’environnement politique et économique mondial en raison de la forte probabilité d’une hausse durable des droits de douane américains.

 

Nouvelles recommandations sur les obligations après le changement de politique budgétaire en Allemagne

 

Impact sur la BCE

Le changement de politique budgétaire de l’Allemagne devrait stimuler la croissance de l’UE à moyen terme. Cependant, à court terme, des risques de baisse persistent en raison de l’incertitude entourant les tarifs. L’inflation devrait également augmenter à moyen terme, empêchant la BCE de réduire les taux de manière trop agressive et de les pousser en dessous de la fourchette neutre estimée de 1,75 % à 2,25 %.

Une approche plus équilibrée pour les futures baisses de taux a été évoquée lors de la réunion de la BCE du 6 mars. La présidente Lagarde a déclaré que « la politique monétaire devient nettement moins restrictive ».

Nous maintenons notre opinion selon laquelle la BCE ne réduira pas ses taux en avril, mais le fera en juin et septembre, en laissant le taux de dépôt à 2 %.


Objectif de rendement du Bund à 10 ans relevé à 2,5 %

Nous maintenons notre objectif de rendement à 2 ans à 2,25 %, nos perspectives pour la BCE restant inchangées.

Le virage budgétaire de l’Allemagne affectera principalement les obligations à long terme, car l’augmentation des dépenses implique une augmentation de la dette par rapport au PIB et des émissions d’obligations. Nous estimons que l’offre d’obligations souveraines allemandes pourrait augmenter de 30 milliards d’euros cette année, pour atteindre un montant cumulé de 145 milliards d’euros d’ici 2028. Pour mémoire, depuis 2020, les émissions nettes d’obligations de l’Allemagne s’élèvent en moyenne à 80 milliards d’euros par an.

C’est pourquoi nous révisons à la hausse notre objectif de rendement du Bund à 10 ans, le faisant passer de 2,25 % à 2,50 %. Si cette hausse peut paraître modeste par rapport à la réaction du marché (+40 pb en deux jours), plusieurs facteurs devraient limiter les hausses futures. L’inflation est en baisse, donc la BCE va poursuivre ses baisses.

L’incertitude liée à la politique commerciale - en particulier les risques tarifaires américains - devraient soutenir la demande de valeurs refuges pour les Bunds. Le rendement du Bund à 10 ans n’a atteint 3 % qu’en octobre 2023, alors que le rendement américain à 10 ans s’élevait à 5 %, et ce, à un moment où le marché ne s’attendait pas à ce que la BCE modifie ses taux au cours des six mois suivants. L’environnement actuel est différent.


Nous adoptons une opinion positive sur les obligations d’État « core » de la zone euro

Suite à la récente correction, nous sommes devenus positifs sur les obligations d’État « core » en euros. C’est sur les maturités intermédiaires (5 à 10 ans) que nous voyons les meilleures opportunités. En effet, le très long terme risque d’être affecté par une prime de terme plus élevée, qui reste difficile à évaluer, tandis que le court terme sera impacté par l’augmentation des émissions obligataires. Par le passé, l'Agence financière allemande (agence qui gère la dette) avait eu recours à l'émission de bons à court terme pour gérer des besoins de financement non anticipés (cf. Crise financière mondiale, crise du Covid-19).


Mais toujours Neutre sur les obligations périphériques

Nous restons neutres sur les obligations périphériques de la zone euro. Les spreads restent serrés et ne se sont pas élargis après les annonces budgétaires sans précédent de l’Allemagne. À moyen terme, les spreads pourraient se creuser légèrement en raison de perspectives économiques meilleures pour l’Allemagne par rapport aux économies périphériques.


Nous devenons Neutre sur les obligations d’État américaines

Nous adoptons une position neutre sur les obligations d’État américaines. Les rendements ont fortement baissé, passant de 4,8 % à 4,2 %. Ce mouvement semble exagéré sauf à ce que l’économie américaine n’entre en récession, ce qui n’est pas notre scénario de base.

 

Une incertitude politique record pèse sur la croissance américaine

 

L’aggravation de l’incertitude politique commence à peser sur la dynamique économique américaine

La tornade Trump 2.0 commence à avoir des effets négatifs sur la croissance économique américaine, notamment sur la consommation. La nature imprévisible de la nouvelle administration Trump et ses déclarations presque quotidiennes ont entraîné une incertitude politique croissante. Il semble qu’une évolution plus floue du marché de l’emploi, les craintes d’une résurgence de l’inflation alimentée par les droits de douane et des perspectives incertaines pour les entreprises pèsent sur l’activité globale. Les ventes au détail de janvier ont été décevantes, la confiance des consommateurs s’effrite et les ménages américains à faible revenu restent préoccupés par une perte potentielle de pouvoir d’achat si les tarifs douaniers augmentaient le prix des biens importés.

 

Les ménages américains s’inquiètent de l’inflation

À l’approche de l’élection présidentielle de novembre, le coût élevé de la vie était la principale préoccupation des consommateurs américains. Dans la dernière enquête sur le sentiment des consommateurs de l’Université du Michigan, l’inflation attendue sur 1 an est passée de 3,3 % en janvier à 4,3 % en février, les consommateurs s’inquiétant de l’impact potentiel de la hausse des droits de douane sur les prix des biens importés. L’activité du secteur des services a également stagné, selon le dernier indice PMI des services aux États-Unis, reflétant une consommation plus prudente. Il n’est donc pas étonnant que les actions américaines du secteur de la vente au détail aient chuté de 15 % depuis le pic de décembre, même si les actions et les secteurs plus défensifs se sont redressés.

 

Faut-il s’attendre à une baisse de l’inflation ?

Alors que le consensus s’attend à une reprise potentielle de l’inflation américaine dans les mois à venir, nous pourrions être surpris par a) le ralentissement continu du marché de l’emploi américain alors que le département de l’Efficacité gouvernementale licencie des fonctionnaires et des contractuels; b) la baisse de la demande finale des consommateurs ; et c) l’allègement des coûts du logement, de l’énergie, des assurances et des soins médicaux.

 

Messages clés : le ralentissement de l’activité économique américaine et la maîtrise de l’inflation pourraient permettre de nouvelles baisses de taux des Fed Funds au second semestre. Nous maintenons notre conviction concernant 2 baisses de taux des Fed Funds pour atteindre 4 % d’ici la fin de l’année..

 

Équilibrer le risque et le rendement après une solide performance

 

Des rendements impressionnants, mais des incertitudes record

Les investisseurs en actifs risqués tels que les actions ont été gâtés par la performance impressionnante des actions mondiales depuis le début de ce marché haussier en octobre 2022. Au cours des 29 derniers mois, l'indice MSCI World a enregistré un rendement de 62 % en dollars américains et de 50 % en euros, dividendes inclus (+22 % et +19 % respectivement sur une base annuelle moyenne). Les obligations d'entreprise ont également offert des rendements solides, avec +20 % pour le crédit américain et +17 % pour le crédit européen sur cette période.

Plusieurs vents favorables ont propulsé les actions et le crédit vers des sommets : a) une forte croissance économique aux États-Unis, b) une croissance à deux chiffres des bénéfices aux États-Unis et en Europe, c) une diminution de l'incertitude politique entraînant une volatilité réduite des marchés financiers et un resserrement des écarts de crédit, et d) plus récemment, des banques centrales qui ont commencé à assouplir leurs taux directeurs.

Deux de ces quatre moteurs des actions et du crédit se sont désormais inversés, car nous sommes confrontés à un environnement d'incertitude politique mondiale record, couplé à un ralentissement marqué des perspectives de croissance à court terme aux États-Unis.

Depuis fin janvier, les marchés financiers ont commencé à intégrer ce niveau de risque perçu plus élevé, avec des écarts de crédit à haut rendement plus larges et l'indice de risque macroéconomique de Citi passant de 0,2 à 0,5 actuellement (sur une échelle de 0 à 1, où 1 représente le risque maximal).

L'imprévisibilité de la politique américaine sous Donald Trump est illustrée par la hausse des droits de douane sur les alliés (Mexique et Canada) et les adversaires (Chine) de la même manière.

 

Pourquoi ne pas adopter une position plus prudente maintenant ?

Les investisseurs ont profité de marchés financiers solides pendant plus de deux ans. Alors, compte tenu des risques croissants, pourquoi ne pas adopter une position d'allocation d'actifs plus prudente ?

Les nombreuses incertitudes et le régime de marché volatil d'aujourd'hui suggèrent une approche plus prudente. Cependant, il y a aussi plusieurs facteurs positifs à considérer :

  1. Nous pensons qu'il y a encore de bonnes chances qu’un cessez-le-feu en Ukraine soit conclu à court terme. Les pourparlers entre les États-Unis et l'Ukraine seront menés par l'envoyé spécial américain Steve Witkoff en Arabie Saoudite à partir de la semaine du 10 mars.
  2. Trump a modifié les tarifs commerciaux entre le Mexique et le Canada pour exclure les exportations couvertes par l'accord USMCA en place depuis mi-2020. La moitié des exportations mexicaines et canadiennes ne seront désormais pas soumises aux droits de douane américains de 25 %. Cela réduit considérablement l'impact sur la croissance et l'inflation aux États-Unis.
  3. Le plan de relance budgétaire proposé par l'Allemagne devrait stimuler de manière significative la croissance économique allemande et celle de la zone euro à partir de la fin de cette année.
  4. L'Europe commence à ressentir les effets bénéfiques de la baisse des taux d'intérêt, stimulant la demande de prêts, ainsi que celle des prix de l'énergie – les prix de référence du gaz naturel et de l'électricité dans l'UE ont chuté de 33 % à 40 % au cours du dernier mois.
  5. Un nouveau stimulus fiscal et monétaire chinois sera mis en œuvre dans les prochains mois, après la conclusion du Congrès national du peuple.
  6. La croissance de la masse monétaire mondiale M2 s'accélère grâce à l’apport de liquidités par les banques centrales, ce qui soutient les marchés des actions et du crédit.

 

Toujours Positif sur les actions mais recommandation à la baisse sur les valeurs américaines

 

Risque de retournement sur les actions américaines et le dollar ?

Les corrections boursières sont plus fréquentes qu’on ne le pense au premier abord. Dans le cas des grandes capitalisations américaines, l’indice S&P 500 subit une correction de 5 % ou plus presque chaque année, et une correction de 10 % ou plus tous les 2 ans sur 3 en moyenne. Un marché baissier, communément défini comme une baisse par rapport à un pic d’au moins 20 %, se produit environ une fois tous les quatre ans.

Lorsque le sentiment haussier des investisseurs devient baissier et provoque un changement de tendance, les anciennes actions phares sont généralement celles qui subissent alors les ajustements de prix les plus sévères à la baisse.

Après le plus récent sommet historique du S&P 500 atteint le 19 février, les grandes capitalisations américaines ont chuté de 6 % (au 5 mars). Les anciennes valeurs fétiches à fort potentiel des investisseurs privés, telles que les actions technologiques Magnificent 7, ont cédé l’essentiel de leurs gains antérieurs, chutant de 15 % depuis le sommet atteint à la mi-décembre. En dépit de cette correction, la valorisation des Magnificent 7 reste élevée avec un P/E prévisionnel moyen de 27x et demeure toujours 23 % au-dessus de leurs niveaux à la même époque l’année dernière.

L’exceptionnalisme américain, qui a contribué à propulser les actions américaines et le dollar à des valorisations historiquement extrêmes, semble enfin remis en question par des changements fréquents, radicaux et imprévisibles dans la politique du gouvernement américain.

En revanche, l’indice MSCI World hors US, autrefois à la traîne, a bien résisté en 2025, affichant un gain de 9 % en USD et de 4 % en euros depuis le début de l’année, grâce à un rendement de 13 % pour l’Euro STOXX 50.

 

Réduire l’exposition aux actions américaines en cas de pic d’incertitude

Nous baissons notre recommandation sur les actions américaines à Neutre, car notre scénario de base positif pour la croissance est de plus en plus remis en question par les risques croissants découlant des politiques du président Trump.

Dans le même temps, les marchés européens se sont redressés grâce aux perspectives d’une augmentation des dépenses budgétaires et d’un cessez-le-feu en Ukraine. Même si ces évolutions nous semblent positives à long terme, nous pensons que les attentes à court terme sont (trop) élevées et nous voyons le risque de déception augmenter. Nous restons donc neutres vis-à-vis de l’Europe pour l’instant.

Notre position globale sur les actions reste positive mais nous restons très vigilants. Si la situation géopolitique se détériorait, nous adopterions probablement une vision plus prudente des marchés boursiers.

 

Modifications de l’allocation sectorielle

Au niveau sectoriel américain, compte tenu de la détérioration de la confiance des ménages, nous évitons les secteurs liés à la consommation ainsi que ceux à risque en raison de l’augmentation des problèmes de chaîne d’approvisionnement. Par conséquent, nous dégradons notre recommandation sur les activités Consommation discrétionnaire et Technologies de l’information aux États-Unis de Neutre à Négatif.

En Europe, nous renforçons encore notre biais cyclique en passant notre opinion sur les produits chimiques européens de Négatif à Neutre après la sous-performance importante des 2-3 dernières années et en abaissant la note de l’immobilier européen de Positif à Neutre compte tenu des vents contraires croissants pour ce secteur liés à la hausse des rendements à long terme.

 

Changement de tendance pour le dollar US – cela peut-il durer ?

 

Un euro plus fort malgré un taux de dépôt plus faible de la BCE

Le dollar américain a enregistré une forte volatilité et se négocie autour de 1,08 USD (valeur d’un euro).

La Fed a maintenu ses taux inchangés à 4,5 % tandis que la BCE a procédé à une baisse de 25 pb à 2,75 % comme prévu en janvier. La Fed a réitéré le message selon lequel le Federal Open Market Committee (FOMC) n’était pas pressé de réduire les taux.

La BCE reste convaincue que la hausse du revenu réel et l’atténuation des effets du resserrement monétaire passé soutiendront l’activité économique. Nous maintenons nos prévisions de deux baisses de taux de 25 pb aux États-Unis cette année alors que l’économie s’affaiblit, conduisant à un taux final de 4 %. Dans la zone euro, nous prévoyons trois baisses de taux de 25 pb dans un contexte de poursuite de la désinflation, conduisant à un taux final (taux de dépôt) de 2 %. L’écart de rendement devrait donc continuer à soutenir l’USD au cours des prochains mois.

La récente hausse de l’EUR/USD est principalement liée aux dernières nouvelles relatives aux perspectives économiques européennes, en particulier les dépenses de défense et d’infrastructures, et à la possible suspension du frein à l’endettement allemand. La dynamique macroéconomique (indice de surprise économique) a été meilleure dans la zone euro qu’aux États-Unis. Tous ces éléments ont conduit à une réévaluation du taux attendu des Fed Funds. Le marché s’attend à plus de 3 baisses de taux d’ici la fin de l’année pour la Fed. Cependant, cette réaction semble un peu exagérée. À court terme, des nouvelles plus négatives sur les droits de douane américains pourraient peser sur l’optimisme dans la zone euro. Cela devrait aider le dollar à rebondir.

Nous maintenons notre objectif EUR/USD à 1,02 USD à 12 mois (valeur d’un euro).

 

À plus long terme, le dollar américain reste surévalué

Au-delà de prévision à 12 mois, nous anticipons une baisse progressive du dollar. Il reste en effet très cher que ce soit sur le plan historique ou par rapport aux estimations de juste valeur à long terme telles que la parité de pouvoir d’achat.

Ce concept fait référence au taux de change EUR/USD qui égalise le prix d’un panier représentatif de biens lorsqu’il est calculé en dollars. L’estimation de la juste valeur à long terme d’un euro (parité de pouvoir d’achat ou PPA) fournie par l’OCDE est d’environ 1,40 dollar (sur la base des chiffres de l’Allemagne).

Des écarts par rapport aux PPA peuvent toutefois être observés sur une longue période (en raison des coûts de transport élevés, des obstacles au commerce, etc.). Certaines études universitaires suggèrent qu’une approche plus pertinente serait ce que l’on appelle la notion de demi-vie.

Selon Craig (2005)*, « une demi-vie représente le temps qui s’écoule avant qu’un écart entre le niveau de la PPA et le taux de change actuel ne soit la moitié de sa taille actuelle ». Il a constaté que pour de grandes différences, cette période pouvait être d’environ 12 à 18 mois.

Actuellement, la notion de demi-vie suggère un EUR/USD de 1,24 USD. Cela pourrait être un ordre de grandeur pour les ajustements à long terme.

 

Les investisseurs doivent-ils conserver ou prendre des bénéfices sur l’or ? 

 

Le cours de l’or est alimenté par les achats des banques centrales et l’incertitude géopolitique accrue

Le prix de l'or a atteint un nouveau record historique, se rapprochant de notre objectif de 3000 USD. Outre les achats continus des banques centrales (diversifiant leurs réserves loin des actifs en USD), son cours est principalement soutenu par la fuite des investisseurs vers des valeurs refuges, en raison des incertitudes géopolitiques élevées, principalement liées aux politiques de Trump (menaces de droits de douane plus élevés, isolement militaire de l'Europe et exclusion des négociations avec la Russie, incertitude sur sa capacité à calmer l'inflation et réduire le déficit budgétaire).

Après le récent rallye (+16 % depuis le creux de novembre), l'or peut être quelque peu suracheté. À court terme, nous pensons qu'une consolidation ou une légère correction est possible, en particulier si les négociations de paix entre la Russie et l'Ukraine vont dans la bonne direction et/ou s'il y a un accord commercial entre les États-Unis et leurs principaux partenaires commerciaux (Chine, Europe, Canada, Mexique). Mais à plus long terme, nous continuons de penser que la tendance haussière se poursuivra, soutenue par une accumulation supplémentaire de réserves d'or par les banques centrales, combinée à la probable poursuite des incertitudes géopolitiques et économiques (politique inflationniste de Trump, déficits budgétaires élevés aux États-Unis et dette publique, une possible guerre commerciale, développements militaires).

Par conséquent, nous augmentons légèrement notre objectif de 12 mois pour l'or de 3000 à 3200 USD/once et maintenons notre vue positive. Ainsi, toute correction à court terme pourrait offrir de nouvelles opportunités d'achat.

 

L’argent continue d’offrir une opportunité attractive grâce à la fois aux investissements et à la demande industrielle

L’argent suit le rallye de l’or, bénéficiant d’un effet de substitution dans le secteur de la joaillerie. La demande industrielle devrait également continuer d’augmenter, notamment en ce qui concerne l’électronique, les centres de données et les panneaux solaires.
Comme le marché de l’argent est beaucoup plus petit que celui de l’or, il est plus exposé aux déséquilibres potentiels de l’offre et de la demande, ce qui pourrait déclencher un nouveau rattrapage des prix par rapport à l’or. Le ratio or/argent est actuellement proche de 90 mais pourrait éventuellement revenir à 80.

Nous augmentons notre objectif à 12 mois de 35 USD à 38 USD/once.
 

Edmund Shing, PhD

Global Chief Investment Officer