Les États-Unis commencent à ralentir alors que la zone euro se redresse enfin
La consommation américaine ralentit
Si vous regardiez simplement le taux de croissance annualisé du PIB de 3 % suggéré par l'indicateur GDPNow de la Fed d'Atlanta pour le T2 2024, vous pourriez dire que l'économie américaine continue de croître fortement. Mais l’histoire est passablement différente quand on regarde d'autres statistiques.
Les consommateurs américains représentent près de 80 % de l'économie nationale et constituent donc le principal moteur de la croissance économique américaine. Compte tenu de la part de 25 % des États-Unis dans le PIB mondial, ils sont par conséquent un élément clé de la croissance mondiale.
Jusqu'à présent, la vigueur du marché de l'emploi, accompagnée d’une forte croissance des salaires, et un niveau élevé d'épargne excédentaire accumulée durant la pandémie ont alimenté une forte croissance de la consommation.
Mais ces excès d'épargne sont maintenant dépensés, et la hausse du chômage souligne l'affaiblissement du marché du travail. En conséquence, les ventes de détail aux États-Unis (en valeur) ont ralenti à un taux de croissance annuel de 2,3 %. De plus, si on ajuste ce taux de l’inflation de 2,7 % des dépenses de consommation personnelle (PCE), les ventes de détail réelles n’augmentent pas mais au contraire diminuent.
Ce ralentissement de la consommation se reflète dans le fléchissement de la dynamique économique américaine, mis en évidence par la forte baisse de l'indice de surprise économique américain ci-dessous.
Nous anticipons un nouveau ralentissement de la croissance économique américaine sur le reste de l'année et en 2025. Cependant, nous continuons de penser que les États-Unis devraient enregistrer une croissance positive l'année prochaine, à condition que la Réserve fédérale ne reporte pas trop longtemps ses baisses de taux.
Cette modération de la consommation a un côté positif. L'assouplissement de la demande devrait permettre une baisse des prix, rapprochant l'inflation de l'objectif officiel de 2 % de la Fed et permettant des réductions de taux plus rapides.
Alors que le consommateur européen se réveille enfin
L'économie européenne a eu du mal à afficher une quelconque croissance pendant la majeure partie de l'année dernière. Contrairement aux États-Unis, la consommation des ménages européens a été fortement affectée par une inflation inhabituellement élevée des prix de l'alimentation, de l'énergie et des services.
Avec une inflation globale de la zone euro inférieure à 3 % au cours des 8 derniers mois, les consommateurs commencent enfin à tourner la page d’une inflation à deux chiffres. Avec une croissance moyenne des salaires de l’ordre de 3 % -4 %, les ménages commencent enfin à profiter d’un regain de pouvoir d'achat. Cela se traduit par une hausse de la confiance des consommateurs et une amélioration de l'activité économique nationale.
Selon nous, cette tendance à l'amélioration de la croissance devrait se poursuivre jusqu’à la fin de l’année 2024, soutenue par la baisse des taux d'intérêt amorcée que la Banque centrale européenne entend continuer. Cela réduira le coût de l'emprunt pour les ménages et les entreprises.
La croissance mondiale continue de s'améliorer
Au niveau mondial, la dynamique économique se confirme depuis fin 2023. L'indice mondial des directeurs d'achats (PMI) S & P/JP Morgan reflète l'expansion économique, tant sur le plan manufacturier que des services avec respectivement 50,9 et 54,1 pour mai (des chiffres supérieurs à 50 signalent une croissance positive).
Cette amélioration de la croissance mondiale est confirmée par la hausse de 10 % du prix moyen de l'énergie et des métaux depuis le début de cette année, selon l'indice équipondéré Bloomberg Energy and Metals.
Pourrions-nous avoir une inflation étonnamment faible à court terme ?
Le cycle mondial de baisse des taux pourrait s'accélérer
Alors que le spectre de taux d'inflation à deux chiffres est encore relativement frais dans la mémoire de la plupart des pays développés, la réalité est que cette phase inflationniste alimentée par la pandémie et les conflits devrait désormais être clairement derrière nous.
Pendant au moins le reste de l'année et jusqu'en 2025, nous pouvons nous attendre à une période de prix relativement stables, à l’image de la période d’avant 2020.
Parmi les facteurs d'inflation plus modeste figurent :
- La baisse des prix des biens à mesure que la Chine et d'autres pays asiatiques exportent des produits moins chers vers le reste du monde (so utenue par un affaiblissement des devises) afin de favoriser la croissance ;
- La stabilité des coûts de l'énergie, en particulier en Europe où les prix du gaz naturel et de l'électricité de base se sont stabilisés après la flambée des prix de 2021-22 ;
- La baisse de l'inflation des prix alimentaires, l'indice mondial des prix alimentaires de la FAO étant désormais inférieur de 25 % à son pic de mars 2022 et les producteurs de denrées alimentaires n'étant plus en mesure de répercuter les hausses inflationnistes sur le consommateur final ;
- Le ralentissement de la croissance des prix de l’immobilier et des loyers, car l'impact de la hausse des coûts de financement sur les prix des logements se fait avec un important décalage.
Une vague généralisée de désinflation devrait permettre aux banques centrales à travers le monde de réduire progressivement les taux d'intérêt directeurs depuis leurs niveaux élevés actuels jusqu'en 2025, voire au-delà. Mais nous ne devons pas ignorer l'inflation à l'avenir. À plus long terme, elle pourrait de nouveau dépasser largement les 2 %.
Les anticipations d'inflation à long terme sont modestes
Que nous regardions les anticipations d'inflation à long terme intégrées dans les obligations américaines ou de la zone euro, nous voyons le même résultat. Dans les deux cas, elles sont revenues à leur moyenne de long terme, soulignant la détente du marché obligataire concernant les perspectives d'inflation. À titre d’exemple, les bons du Trésor américain à 10 ans intègrent actuellement une inflation moyenne anticipée à 10 ans de 2,3 %, tandis que le Bund allemand à 10 ans prend en compte 2 %.
Les prix de l'énergie sont essentiels à l'évolution de l'inflation à long terme
Les prix de l'énergie sont un facteur clé de l'inflation mondiale à long terme. Les prix du pétrole brut, des produits pétroliers et du gaz naturel sont revenus en-deçà de leurs niveaux d'avant 2022 ce qui suggère peu de pressions inflationnistes liées aux prix de l'énergie.
Des perspectives d'inflation stables sont favorables aux obligations
Ces perspectives d'inflation plus stables après une période de volatilité extrême devraient profiter à la fois aux emprunts d'État et aux obligations d'entreprises. La baisse des taux d'intérêt directeurs des banques centrales soutient davantage les marchés obligataires, en particulier les obligations à court terme.
Les obligations d'entreprises commencent à performer
Les obligations d'entreprises internationales ont généré une performance de +2 % en euro depuis le début de l'année 2024.
Certains sous-secteurs plus risqués des obligations d'entreprises se sont encore mieux comportés : I) les obligations d'entreprises européennes à haut rendement ont généré une performance de +3,2 % depuis le début de l'année ; II) les obligations convertibles contingentes des banques européennes AT1 ont généré un rendement supérieur à 5 % ; et III) l'ETF Janus Henderson CLO US AAA- a enregistré une performance de près de 4 % depuis le début de l'année.
Envolée des incertitudes liées aux élections
Élections législatives en France et au Royaume-Uni en juillet
En Europe, l'attention politique s'est reportée sur la France et le Royaume-Uni, où des élections législatives surprises ont été annoncées par le président français et le premier ministre britannique (en juin/début juillet).
Cela fait suite aux élections parlementaires européennes qui se sont tenues début juin, au cours desquelles une forte augmentation du nombre de sièges occupés par les partis d'extrême droite a été enregistrée. Selon Chatham House, un groupe de réflexion, on fait référence aux :
- Groupe des conservateurs et réformistes européens (ECR, dirigé par l’italienne Giorgia Meloni,
- Groupe Identité et Démocratie (ID, y compris le Rassemblement national),
- Alternative pour l'Allemagne (AfD) et Fidesz en Hongrie
Ensemble, ils comptent désormais 156 députés européens, soit près de 22 % du total des 720 députés siégeant.
Le groupe du Parti Populaire Européen (PPE) de centre-droit, les Socialistes et Démocrates (SD) de centre-gauche et le groupe libéral Renew Europe restent les trois plus grandes formations du Parlement européen. Mais les partis d'extrême droite ont clairement gagné en importance.
Cette représentation plus importante des partis d'extrême droite au Parlement européen reflète la tendance actuelle à travers l'Europe, les partis d'extrême droite faisant aujourd'hui partie de gouvernements de coalition en Italie, aux Pays-Bas et en Suède.
Le risque sur les marchés financiers augmente, mais reste limité jusqu'à présent
Depuis l'annonce d’ E. Macron le 9 juin, l'incertitude politique en Europe s'est renforcée. Cela se reflète dans la chute des prix des actions et des obligations françaises, ainsi que dans la faiblesse modérée de l'euro.
C’est beaucoup moins évident concernant les prix des actifs britanniques, avec la livre sterling à nouveau stable par rapport au dollar américain et à l'euro, tandis que les rendements obligataires britanniques chutent (et les prix augmentent) depuis l'annonce des élections du 22 mai par le Premier ministre Sunak.
D'après l'indice Citi Macro Risk, les élections législatives françaises et britanniques, ainsi que l’élection présidentielle américaine de novembre, n'ont pas encore entraîné d'augmentation significative du risque sur les marchés financiers internationaux.
En règle générale, l'incertitude liée aux élections et le risque sur les marchés financiers atteignent des sommets au moment des élections, comme ce fut le cas lors de l'élection présidentielle américaine de 2016, de l'élection présidentielle française de 2017 et de l'élection parlementaire italienne de 2022. Mais après le résultat final des élections, le risque sur les marchés financiers tend alors à diminuer relativement rapidement.
Couverture contre un regain d'incertitude
Afin de se couvrir contre ce contexte de plus en plus volatil, les investisseurs peuvent se tourner vers :
A) des valeurs refuges telles que l'or physique et les obligations à court terme,
B) des thèmes de croissance tels que les infrastructures électriques/énergétiques et l'eau propre,
C) des solutions structurées offrant une protection contre le risque baissier.
Allocation d'actifs : garder le cap sur le long terme
Liquidité et conditions financières toujours favorables
Si les investisseurs s'inquiètent actuellement de l'issue des élections, nous restons concentrés sur le long terme pour déterminer notre allocation d'actifs.
Les principaux facteurs sur lesquels nous nous appuyons sont les suivants :
- Liquidité (favorable) : la liquidité macroéconomique mondiale continue d'augmenter, stimulée par les grandes banques centrales et la croissance de la masse monétaire.
- Conditions financières favorables : les conditions financières sont accommodantes, soutenues par l'amélioration des volumes de prêts bancaires, la baisse des rendements obligataires à long terme et le resserrement des spreads de crédit.
- Croissance modeste et tendance à l’inflation modérée (favorables) : un environnement macroéconomique de ce type, à savoir ni trop chaud ni trop froid, est généralement favorable aux actions et aux obligations d'entreprises.
- Niveau de risque faible selon notre radar composite : notre combinaison d'indicateurs de risques économiques, de volatilité et de marché n’obtient qu’un score de 2 sur 9, ce qui ne traduit pas un niveau de risque élevé pour les marchés financiers.
Dans la mesure où les tendances sous-jacentes de ces quatre facteurs n'ont pas significativement évolué ces derniers temps et continuent de soutenir les actifs risqués, nous ne voyons aucune raison de modifier nos principales recommandations d'allocation d'actifs.
Qu'est-ce qui modifierait ce point de vue ?
Un risque croissant de récession économique mondiale est le risque évident, le plus probablement déclenché par une forte détérioration du marché de l'emploi américain. Nous continuons de suivre de près les inscriptions au chômage et le taux de sous-emploi aux États-Unis en quête de signes d'augmentation du risque.
Pourquoi l'or constitue un excellent investissement quelle que soit la configuration
Selon nous, une exposition à l'or physique constitue une source de diversification hautement souhaitable au sein des portefeuilles des investisseurs. Nous maintenons notre objectif de cours de l'or à 12 mois à 2600 USD/once, ce qui représente un potentiel de hausse de plus de 10 % par rapport au cours actuel. L'or devrait selon nous progresser grâce aux facteurs suivants :
- Demande des banques centrales ;
- Demande des investisseurs asiatiques (Chine, Inde) ;
- Réserves de valeur à long terme en période d'inflation et de volatilité des devises ;
- Forme de monnaie dont l’offre est très limitée avec une croissance de 1 % -1,5 % par an ;
- Bon comportement lorsque des banques centrales telles que la Réserve fédérale américaine abaissent leurs taux directeurs.
Depuis janvier 2000, l'or a gagné 581 % en dollars américains, soit un taux de croissance annuel moyen de 8,1 %. Il a largement surperformé les actions mondiales (+271 %), les obligations mondiales (+114 %), les autres matières premières (+70 %) et les liquidités en dollars américains (+58 %).
Depuis la fin de l'année 2021, l'or a de nouveau généré des performances supérieures, loin devant ces autres classes d'actifs au cours des 2,5 dernières années.
Positif sur les métaux précieux : l’exposition à l'or constitue un excellent outil de diversification, compte tenu de sa tendance à la hausse en période de crise, lorsque les autres classes d'actifs ont tendance à baisser. Nous continuons de recommander une exposition à cette sous-classe de matières premières, car les moteurs sous-jacents de la demande mondiale demeurent en place.
Edmund Shing, PhD
Global Chief Investment Officer