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06.08.2024
#MACROECONOMIE

La réaction excessive des marchés financiers - Quo vadis ?

Guy Ertz, Deputy Global CIO et Édouard Desbonnnets, Senior Investment Advisor BNP Paribas Wealth Management

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Messages clés

  • Les turbulences actuelles sur les marchés s'expliquent par deux raisons : la hausse des taux inattendue de la Banque du Japon et la faiblesse des chiffres de l'emploi aux États-Unis.
  • Nous ne voyons aucune raison de modifier nos perspectives de reprise économique progressive au cours des prochains trimestres et maintenons notre allocation actuelle. Nous anticipons toujours une performance positive des actions au cours des prochains mois.
  • La correction pourrait donner lieu à des opportunités d'achat. Cependant, nous recommandons de patienter le temps que les choses se calment. D'autres communications suivront.


La BoJ a surpris les marchés…

Alors que la plupart des acteurs du marché anticipaient une hausse progressive des taux par la Banque du Japon (BoJ) à partir de septembre, celle-ci a surpris les marchés en relevant ses taux fin juillet, période caractérisée par une liquidité limitée du fait des congés des opérateurs de marché.

Le gouverneur Ueda estime que l'inflation se rapproche de l'objectif de 2 % et que les taux directeurs réels (hors inflation) sont nettement inférieurs à leurs niveaux neutres, que la BoJ estime entre -1 % et 0,25 %. Par conséquent, la BoJ a l'intention de « continuer à relever les taux directeurs et à ajuster le degré d'assouplissement monétaire ». Ce ton a surpris les marchés.

À la suite de cette hausse, le taux d'intérêt réel est d'environ -2 %, soit un niveau nettement inférieur à la fourchette estimée par la BoJ, ce qui suggère de nouvelles hausses de taux à venir. Nous pensons que la BoJ va procéder à des hausses de taux jusqu'à ce que le taux directeur soit proche du taux neutre. 

En supposant un taux d'inflation de 2 % et l'estimation la plus prudente du taux directeur réel de -1 %, nous pensons que la BoJ relèvera ses taux relativement rapidement jusqu'à ce que le taux nominal atteigne environ 1 %, puis ralentira le rythme de hausse par la suite.

Nous anticipons une prochaine hausse de 25 pb des taux en octobre, lorsque le rapport sur les perspectives économiques de la BoJ sera publié, suivie par d’autres en janvier 2025, en avril 2025, en octobre 2025 et en avril 2026, jusqu’à ce que le taux directeur atteigne 1,5 %. Cela représente un changement substantiel par rapport à nos prévisions précédentes d'une normalisation plus progressive des taux, où nous tablions sur un taux directeur à 0,25 % fin 2024 et à 0,75 % fin 2025. Nous anticipons donc deux hausses de taux supplémentaires.


… et la règle Sahm a été déclenchée

La règle Sahm suggère que la phase initiale d'une récession commence lorsque la moyenne mobile sur trois mois du taux de chômage américain est supérieure d'au moins 0,5 % au plus bas sur 12 mois. C'est désormais le cas avec les données de juillet.

Cependant, l’auteure de la règle, Claudia Sahm n'est pas encore convaincue, disant que les États-Unis ne sont pas actuellement en récession, bien que la dynamique évolue dans cette direction. Toutefois elle souligne que la récession n'est pas inévitable. Nous sommes d'accord avec ce point de vue, d'autant plus que nous pensons que la forte décélération des créations d'emplois a été, dans une certaine mesure, influencée par l'ouragan Beryl. Nous ne pensons pas qu'une récession soit probable pour le moment. La Fed devrait baisser ses taux en septembre. Nous sommes en train de réviser notre scénario qui pourrait inclure une deuxième baisse des taux cette année.
 

Forte appréciation de la devise japonaise

Le yen s'est fortement apprécié ces derniers jours. Le premier passage d'environ 160 à 150 (valeur d'un dollar) a été observé avant même la décision surprise de la Banque centrale Japonaise. En effet, la hausse des anticipations de baisse des taux aux États-Unis suggère déjà une baisse du différentiel de taux d'intérêt. Cela a rendu le yen plus attractif. Deux événements clés ont renforcé la baisse attendue du différentiel de taux d'intérêt. Tout d'abord, la hausse des taux de la Banque du Japon a surpris la plupart des investisseurs. Deuxièmement, le rapport sur l'emploi aux États-Unis a été plus faible que prévu et les craintes d’un retour de la récession se sont accrues. C'est probablement la raison pour laquelle le marché anticipe aujourd'hui plus de 5 baisses de taux cette année. Ces deux changements dans les anticipations de taux d'intérêt indiquent un écart de taux plus faible, et c'est pour cette raison que la valeur d'un dollar contre le yen (USDJPY) a de nouveau fortement chuté, passant d'environ 150 à 142. L'évolution des anticipations de taux aux États-Unis semble toutefois largement exagérée dans la mesure où nous ne prévoyons pas de récession aux États-Unis. Nous maintenons nos perspectives à 3 mois pour l'USDJPY à 150, et 140 à 12 mois.


« Carry trades » et « deleveraging »

La forte hausse du yen a probablement été renforcée par le renversement des « carry trades ». Ces opérations impliquent qu'un investisseur emprunte dans une devise avec des taux d'intérêt très bas (typiquement le yen japonais) et investit dans des actifs avec des taux d'intérêt élevés (par exemple des obligations néo-zélandaises). L'inversion de ces positions entraîne une appréciation de la devise de financement et une dépréciation de l'autre. La baisse des emprunts pour investir dans des actifs financiers (« levier ») a probablement été une tendance plus générale. Ce « désendettement » explique probablement au moins partiellement la forte baisse des actifs hautement spéculatifs tels que le Bitcoin.


Autres réactions des marchés financiers

L'évolution des anticipations de baisse des taux de la Fed a entraîné une forte baisse des taux à 2 et 10 ans. Aux États-Unis, la baisse a été un peu plus marquée pour les obligations à plus long terme. En Allemagne, l'inverse a été vrai. Les obligations américaines à long terme sont souvent considérées comme des valeurs refuges. Les actions se sont repliées, notamment au Japon. D'autres marchés ont également enregistré des pertes, mais beaucoup moins importantes. Les valeurs technologiques et de petites capitalisations ont baissé par rapport aux grandes capitalisations. Au cours de la semaine, les matières premières ont reculé, notamment celles liées au cycle économique comme les matières premières industrielles et les pétrolières. 

 

Conclusion

La réaction actuelle du marché est assez typique lorsqu'une nouvelle négative surprend dans un contexte de faible liquidité. En effet, lorsque les investisseurs veulent échanger, ils ne trouvent pas facilement une contrepartie et les variations de prix peuvent être exceptionnellement importantes. Comme nous l'avons mentionné, les deux principaux facteurs déclencheurs ont été la hausse des taux plus précoce que prévu au Japon et les données du marché du travail américain plus faibles qu’anticipé pour le mois de juillet (déclenchement de la règle Sahm). Comme déjà évoqué, nous ne pensons pas que ces événements modifient nos perspectives macroéconomiques de base, et nous pensons que les réactions des marchés sont exagérées. Nous anticipons toujours une performance positive des actions au cours des prochains mois et restons optimistes à l'égard de cette classe d'actifs. Cela inclut le Japon car les principales raisons d'être positifs sont structurelles et restent largement en place (amélioration de la gouvernance d'entreprise, politiques favorables aux actionnaires et rachats d'actions attendus). D'autres préférences régionales et sectorielles restent également inchangées. Vous trouverez plus de détails dans notre Focus stratégie d'investissement du mois d’août.

Nous pensons que les corrections actuelles pourraient offrir des opportunités d'achat, en particulier pour les actifs pour lesquels nous avons une opinion positive et qui ont enregistré une correction plus marquée. Nous recommandons toutefois de patienter le temps que les choses se calment afin d'avoir une meilleure visibilité, de voir si les niveaux de soutien technique se maintiennent et de chercher une normalisation progressive de la liquidité. Nous surveillerons cela au cours des prochaines semaines et des communications suivront.