Les élections sont-elles importantes? Se concentrer sur les politiques et non la politique
L'élection américaine du 3 novembre, très attendue, approche à grands pas. Beaucoup d'encre a coulé sur ce sujet. S'il s'agit sans aucun doute d'un grand événement politique, on peut se demander à quel point il peut être important d'un point de vue économique.

Point sur les intentions de vote
Biden est donné favori dans les sondages nationaux avec une avance d'environ 7-8 %. L’autre fait marquant, est que ses résultats de sondage ont été relativement stables, contrairement à Hillary Clinton en 2016. Par ailleurs, 26% des électeurs étaient indécis en 2016, alors qu’aujourd’hui ce nombre n'est estimé qu'à environ 10-15%. On notera qu’en 2016, les sondages se sont resserrés dans la marge d'erreur au cours des dernières semaines de l'élection et cela a suffi pour que les principaux états pivots se portent en faveur de Trump.
Actuellement, Biden domine par rapport à Hilary Clinton en 2016 dans les principaux Etats clés. Pour que les élections soient serrées, il faut un rétrécissement des sondages en amont des élections, notamment dans ces États pivots. Dans le cas contraire, il est possible non seulement pour Biden de l’emporter, mais aussi de reprendre le Sénat et d’avoir la majorité au Congrès (vague bleue) . Ce sera un domaine clé à surveiller dans les dernières semaines de la campagne. Bien sûr, des questions ont également été soulevées concernant l'exactitude des sondages, compte tenu des dernières élections de 2016 où la marge d'erreur était un facteur déterminant.
Que se passe-t-il si une élection est contestée ?
Le vote par correspondance a augmenté lors des élections précédentes, passant de 7,8% en 1996 à 20,9% en 2016, et augmentera encore pour cette élection à venir. Chaque État fixe ses propres règles en ce qui concerne la date à laquelle le bulletin est comptabilisé. Certains États clés comme la Floride commencent à compter sles bulletins avant l'élection, et les refusent après le jour de l'élection. D'autres États peuvent comptabiliser le bulletin jusqu'à plusieurs semaines après le jour des élections. Par conséquent, si les résultats sont serrés, des recomptages, des affaires judiciaires et des retards pourraient survenir et ce n'est pas sans précédent. Les affaires judiciaires et retards lors de l'élection de Bush/Gore en 2000 ont duré 34 jours après le jour des élections, Al Gore n'ayant concédé qu'après une décision de la Cour suprême. Le S&P 500 a baissé de 4% en cinq semaines.
Néanmoins, cette fois-ci, la probabilité d'une élection contestée est importante. Ce risque pourrait déjà être totalement ou partiellement intégré dans les cours, comme en témoigne le renforcement de la volatilité implicite jusqu'en janvier. La volatilité devrait baisser après l’indication claire d'un résultat, ce qui donne l'opportunité d'utiliser des instruments de volatilité avant l'élection. Si le résultat devait être définitif, au lieu d'être contesté, les marchés pourraient rebondir compte tenu de la prudence déjà prise en compte.
Comment les actions réagissent-elles lors d'une année électorale ? Quelle différence de performance observe-t-on dans le temps selon le parti élu ?
En moyenne, le marché actions est en hausse au cours d'une année électorale, et aussi de manière cruciale après l'élection, quel que soit le parti qui gagne. Toutefois, il y a des cas où le marché est en baisse durant l'année électorale. Un exemple avec 2008, où la performance a été négative en raison de la grande crise financière. De toute évidence, le cycle économique a un impact beaucoup plus important sur les marchés financiers que les élections en général.
Si l'on regarde dans le passé, ironiquement, la performance de la Bourse sous une administration républicaine ou démocrate contrôlant les deux chambres du Congrès est similaire à 14,5%. Par ailleurs, avec un Congrès divisé, les marchés action sous un président démocrate semblent avoir surperformé. Toutefois, comme nous l'avons souligné plus haut, le parti au pouvoir peut influer sur le cycle économique, mais il n'en a absolument pas le contrôle. Inévitablement, le président en fonction est loué ou blâmé pour l'économie, même si cela peut souvent être une corrélation sans lien de causalité.
Jusqu'à présent, 2020 a été une année inhabituelle avec l'événement du cygne noir, la pandémie de Covid-19. Cela a conduit à une récession mondiale, qui a été le principal moteur d'un repli brutal mais rapide des marchés en début d'année. Les marchés boursiers se sont depuis redressés compte tenu des mesures massives de relance monétaire et budgétaire, ainsi que des nouvelles concernant les vaccins. Néanmoins, la reprise économique reste timide et n'est pas encore totalement terminée. Dans cette optique, il est intéressant de noter qu'une récession a généralement un impact négatif sur le président en poste, puisque seulement 2 des 7 présidents sortants sont revenus au pouvoir avec une récession avant leur réélection. Bref, le contexte semble favorable pour Joe Biden
Quels seront les secteurs potentiellement gagnants/perdants de cette élection ?
M. Biden poussera à rendre les États-Unis neutres du point de vue du carbone d'ici 2050. Il s'agit d'un programme d'infrastructures de 2 trillions de $, dont des transports en commun à zéro émission, la modernisation de 4 millions de bâtiments pour l'efficacité énergétique et la mise aux normes contre les intempéries de 2 millions de logements. Par conséquent, les secteurs tels que les services aux collectivités, l'industrie, les énergies renouvelables, certains secteurs de l'automobile, les cycliques et les matériaux en général devraient en bénéficier. Les énergies traditionnelles/sales en souffriraient bien sûr. Ces projets seront financés par une hausse du taux de l'impôt sur les sociétés de 21% jusqu'à 28%.
Les politiques de Biden favoriseraient aussi les travailleurs et les individus, avec l'exemple d'un relèvement du salaire minimum à 15 $/heure. Ces politiques visant à offrir de meilleurs salaires aux travailleurs peu qualifiés soutiendraient la consommation et pourraient être modestement inflationnistes. Les politiques attendues dans les secteurs technologique et bancaire seront suivies de près, mais on s'attend à ce qu'elles soient évolutives et non révolutionnaires.
En revanche, si le président Trump remporte les élections à venir, il n'a aucune capacité à reconquérir la Chambre. Par conséquent, d'un point de vue politique, de nouvelles réductions d'impôts semblent peu probables. Les sujets ne nécessitant pas l'approbation du Congrès comme la déréglementation et les tarifs commerciaux devraient se poursuivre. L'environnement globalement à basse fiscalité et favorable aux entreprises le resterait également. Les républicains privilégient aussi traditionnellement des secteurs comme la défense et l'énergie. Comme Biden, le président Trump privilégie également les dépenses d'infrastructures.
Quel est l'impact sur le dollar et les rendements obligataires ?
Si Biden remporte les élections et que les démocrates obtiennent la majorité au Sénat, un stimulus budgétaire plus important pourrait être adopté en supposant qu'un ne soit pas le cas avant les élections. En particulier dans le cas d'un coup d’une majorité démocrate au Congrès, la courbe des taux pourrait se pentifier quelque peu en raison des anticipations d'une hausse des dépenses publiques. Notre prévision à 12 mois pour le rendement des bons du Trésor américain à 10 ans est de 1,25%.
Par ailleurs, compte tenu de la fin de l'incertitude des élections, le dollar pourrait s'affaiblir modérément. Dans le cas d'un coup de revirement démocrate, il y a un potentiel pour que le billet vert s’affaiblisse encore plus compte tenu de la hausse des déficits et de la relance budgétaire. Si le président Trump est réélu, la faiblesse du dollar devrait être moins prononcée, même si nous devrions encore assister à un affaiblissement modéré.
Comment les élections américaines ont-elles un impact sur les tensions commerciales sino-américaines ?
Il est clair que les relations avec la Chine resteront un problème, quelle que soit l'administration. Toutefois, dans le cas d'une victoire de Biden, elles peuvent devenir plus prévisibles et moins unilatérales. Les États-Unis pourraient réengager la Chine sur la voie de l'ouverture du marché en revenant à des tarifs moins élevés ou en les supprimant entièrement. Néanmoins, les droits de l'homme, l'accès au marché, les propriétés intellectuelles et les technologies clés resteront des questions cruciales. Quoi qu'il en soit, l’optimisme et le sentiment positif pourraient doper les devises asiatiques et certains secteurs du marché actions. Nous restons surpondérés sur les actions asiatiques, notamment : la Chine, Taïwan, la Corée du Sud, ainsi que Singapour, l'Inde, l'Indonésie.
Si Trump est réélu, (avec un Congrès divisé), le commerce est l'un des rares domaines où il est libre d'invoquer des actions exécutives et des mesures tarifaires. Par conséquent, il faut s'attendre à ce que les tensions demeurent, axées sur les pourparlers en vue de réaliser l'accord commercial de première phase. C'est également ce qui devrait être surveillé et le marché resterait sensible aux tensions commerciales à moyen terme
Résumé des répercussions potentielles sur les classes d'actifs
Source : BNP Paribas (WM) au 2 oct 2020 |
Conclusions
En résumé, cette élection offre un certain risque politique et crée des opportunités à mesure que la volatilité augmente. La volatilité, déjà à des niveaux élevés avant même les élections américaines, devrait baisser avec un résultat confirmé. La question la plus importante à poser après les élections est « où sommes-nous dans le cycle économique ? ». Nous prévoyons une poursuite de la reprise économique l'an prochain avec de meilleurs résultats. L'accent sera alors mis sur le montant des mesures de relance budgétaire, le développement de vaccins et la solidité persistante de la liquidité. Nous avions auparavant prévu un repli du marché par rapport aux niveaux surachetés en août et prôné une stratégie « barbell ». Nous continuons de recommander l'approche « barbell » à l'avenir - pour investir avec une exposition aux actifs risqués et acheter à découvert, d'une part, et pour nous couvrir avec des stratégies défensives comme l'or, les actions à dividende et les obligations d'entreprises de qualité, d'autre part. Ne laissez pas l'élection paralyser votre stratégie de portefeuille. Embrassez les opportunités que les incertitudes créent.