Focus Actions avril 2023
Face aux nouvelles incertitudes, favoriser la Qualité

Points clés
1.Le mois de mars a été dominé par l'émergence de tensions bancaires aux États-Unis, causées par les défaillances de banques régionales américaines, une conséquence du cycle de hausse rapide des taux d'intérêt de la Fed. Ce stress financier s'est propagé en Europe, forçant l'acquisition de Credit Suisse par UBS.
2.La forte baisse des rendements obligataires à long terme, qui a résulté d'une réévaluation du risque de récession, a soutenu les actions hors financières, tandis que la dynamique économique relativement robuste à court terme soutient les estimations de bénéfices en Europe et en Chine.
3.Les actions européennes résistent de manière étonnante : hormis les banques, les cours des valeurs européennes et britanniques sont revenus à leurs sommets. Les résultats des entreprises européennes restent relativement solides alors que la baisse des prix de l'énergie améliore les perspectives économiques. De manière générale, les surprises économiques ont été plus positives en Europe ces derniers mois. Les autres principales régions (États-Unis, Chine) rattrapent rapidement leur retard, avec une croissance au T1-2023 aux États-Unis qui devrait être bien au-delà des attentes.
4.Favoriser le facteur Qualité dans les mois qui viennent : la crise bancaire a créé de nombreuses incertitudes et réduit la visibilité. Dans de telles circonstances, il est préférable d'éviter d'être surexposé aux valeurs risquées/surendettées et de privilégier les valeurs de qualité.
Principales recommandations
Privilégier les actions de qualité. Nous apprécions globalement le secteur de la santé, mais aussi certains services aux collectivités (ce secteur est rehaussé à Positif pour l’Europe, cf. thèmes de l'électrification et des énergies propres), ainsi que certaines technologiques (Semi-conducteurs, cloud, cybersécurité).
Sur le plan géographique, le Japon, l'Europe, la Chine et les autres marchés émergents sont plus attractifs que les États-Unis (où les valorisations sont plus élevées).
Nous abaissons notre recommandation sur les Financières américaines à Neutre car il y a trop d’incertitudes en ce moment. Les marges bénéficiaires vont être sous pression.
Prudence/ sélectivité avec certains segments de marché chers, tels que les biens de consommation de base, certaines grandes capitalisations technologiques américaines & certains biens de consommation cycliques : les derniers résultats montrent que le pouvoir de fixation des prix diminue et que les bénéfices d'exploitation sont sous pression en raison de la hausse des coûts. Certains ratios cours/bénéfice très élevés sont désormais difficiles à justifier compte tenu des perspectives de BPA (bénéfice par action) 2023.
Principaux risques : la Réserve fédérale américaine et/ou la BCE pourraient relever leur taux d'intérêt plus que prévu, déclenchant un ralentissement économique plus marqué, voire une récession.
Une forte correction du marché du logement américain ou de l’immobilier commercial pourraient peser sur la consommation, voire engendrer des mauvais prêts.
Perspectives des actions
L’effondrement en mars de plusieurs banques est relativement contenu
Le mois de mars fut très volatile tant pour les actions que pour les obligations suite à l’effondrement de la Silicon Valley Bank et de la Signature Bank aux États-Unis, ainsi que du Credit Suisse, ce dernier étant vite absorbé par la solide banque suisse UBS. Heureusement, les autorités semblent avoir retenu les leçons des crises bancaires précédentes; elles furent rapides pour trouver une solution relativement crédible (« la moins mauvaise ») pour les banques en question et pour mettre en place des mesures de soutien plus systémiques. Nous avons expliqué dans plusieurs publications qu’il ne s’agit PAS ici d’une nouvelle grande crise financière mais de banques qui souffraient de problèmes idiosyncratiques. Il y a bien des tensions mais elles sont loin d’atteindre les niveaux atteints en 2008 ou en 2020 (voir page 7).
Un certain retour au calme est en train d’avoir lieu. La plupart des grands indices se sont bien repris, en particulier l’indice CAC 40 qui vient d’atteindre des nouveaux sommets en avril. L’indice FTSE 100 progresse également et offre des opportunités vu sa décote persistante (ratio C/B = 10x).
L’environnement économique reste plutôt favorable pour les bourses, de même que la saisonnalité (voir page 6). Mais au vu des nouvelles incertitudes, nous encourageons à plus de prudence (baisse de notre recommandation sur le secteur financier américain de + à =) et à revisiter les actions de Qualité (voir page 5). Certaines se sont bien reprises, voire ont déjà atteint de nouveaux sommets. Donc, là aussi, une certaine sélectivité s’impose. Nous apprécions notamment la santé et les actions liées aux thèmes de la sécurité, de l’indépendance énergétique et de l’électrification que prônent nos gouvernements. Il y aussi des thèmes intéressants à jouer au sein des technologiques : l’intelligence artificielle, la robotique, l’automatisation, etc.
En fait, toutes ces thématiques ont besoin de « moteurs » pour tourner et progresser. Ce sont les semi-conducteurs hauts de gamme, une industrie qui a de belles années devant elle et pour laquelle les carnets de commande sont bien remplis (à l’exception des semiconducteurs mémoires de type DRAM et FLASH, plus basiques et que l’on retrouve dans les PCs ou les smartphones, et pour lesquels il y a des surcapacités de production).
D’autres opportunités existent dans des secteurs à la traîne, et qui pourtant devraient profiter de la reprise économique en Chine, notamment les minières. Celles-ci sont fort en retard par rapport à la progression des cours des matières premières.
Préférence pour la Qualité
Nous restons constructifs sur les actions mais favorisons désormais le facteur Qualité
La crise bancaire a créé de nombreuses incertitudes et réduit la visibilité pour les prochains mois. Dans de telles circonstances, il vaut mieux éviter d'être surexposé à des noms risqués/trop endettés et favoriser les actions de qualité. En outre, plusieurs études et indices montrent une surperformance du style Qualité sur le long terme.
Une action/une société de qualité se caractérise par la supériorité de sa croissance, de sa solidité, de sa rentabilité, de son pouvoir de fixation des prix, de sa notation ESG, de son retour aux actionnaires et par un faible endettement. Il s’agit en général de sociétés matures et relativement larges.
Les secteurs où l'on trouve traditionnellement de nombreuses actions de qualité élevée sont les soins de santé, surtout les pharmaceutiques, les biens de consommation de base, la technologie, les produits de luxe, l'assurance et certaines chimiques.
Notre secteur favori pour miser sur la qualité en ce moment est la santé. De nouvelles opportunités sont apparues dans d’autres secteurs avec les robots de conversation (Chat-Bot), nouvelle étape dans le développement de l’intelligence artificielle ou encore avec l’électrification, l’indépendance énergétique et la sécurité que prônent nos gouvernements. On peut jouer ces thèmes via des actions de qualité dans les secteurs des semi-conducteurs, des services aux collectivités, de l’agroalimentaire, de la chimie, du cloud, voire de la cybersécurité.
Il ne s’agit pas ici d’un virage à 180 degrés par rapport à notre recommandation sur les facteurs Valeur/ actions cycliques lancée fin 2022 (dans ces segments, de nombreuses actions ont d’ailleurs de bons fondamentaux). Mais il faut s’assurer pour les mois qui viennent de ne pas être surexposé à des titres aux fondamentaux faibles car ils pourraient être délaissés par le marché à la suite de la réévaluation du facteur risque.
Prévisions de bénéfices pour 2023
Croissance incertaine des profits aux États-Unis en 2023
Aux États-Unis, les profits avaient légèrement baissé (-3%) au T4 2022 en glissement annuel. Il devrait en être de même au T1 et au T2 2023 (baisses attendues de l’ordre de -5% avant un rebond). On note des pressions importantes sur les marges opérationnelles suite à la hausse des coûts et à la diminution du pouvoir de fixation des prix.
Même si les résultats du T1 2023 devraient être bons pour les grandes banques américaines (premières publications le 14/4), la hausse attendue des coûts et le ralentissement économique qui résulteront de la crise bancaire (conditions de crédit plus strictes) pourraient affecter les prévisions de bénéfices des financières et du marché US en général.
Par contre, la réouverture de la Chine et l’amélioration des chaînes d’approvisionnement devraient aider à combattre l’inflation et les attentes de hausses des prix.
Les valorisations restent élevées aux États-Unis avec un ratio cours-bénéfice de 18,3x. Les secteurs de la technologie et des biens de consommation se traitent avec un C/B moyen supérieur à 20. Pour 2023, le consensus IBES table sur une croissance quasi nulle des bénéfices aux États-Unis.
Stabilisation des prévisions de bénéfices en Europe
En 2022, les bénéfices ont progressé de +18% en Europe, mais, tout comme aux États-Unis, une croissance quasi nulle des profits est attendue en 2023. Les résultats des entreprises au T4 2022 ont toutefois été meilleurs que prévu en Europe.
L'Europe présente un ratio C/B prévisionnel de 12,5x. Ceci reste bon marché malgré la belle hausse des actions européennes depuis le début de cette année. Certains secteurs qui se comportent bien en période d'inflation restent très bon marché : l'énergie, les financières, mais aussi les matériaux, compte tenu du potentiel de reprise de la Chine.
Ces derniers mois, les révisions à la hausses des perspectives bénéficiaires se sont concentrées en Europe dans les secteurs des voyages & loisirs, des banques, de la technologie, des services aux collectivités et de l’assurance. Par contre, les secteurs de l’énergie, des ressources de base, des services financiers, de l’immobilier, des télécoms, de l’automobile, des soins de santé et de la consommation de base ont subi des révisions à la baisse.
Vue sur les actions asiatiques
Chine : Continuer à accumuler sur replis
• Le dernier Congrès du Parti Communiste Chinois a montré que le gouvernement s'attache à atteindre un objectif de croissance du PIB de 5 % pour cette année, même si la dynamique récente des statistiques économiques suggère qu‘elle pourrait être supérieure. Pour la première fois depuis 2017, l'objectif de hausse de l’emploi a également été relevé, grâce à des mesures destinées à remédier au problème urgent du chômage des jeunes diplômés. Dans l'ensemble, le résultat est tout à fait conforme à nos anticipations d'une reprise progressive de la demande intérieure et d'un meilleur environnement pour l'immobilier au fil de l'année.
• La Banque centrale chinoise a abaissé le ratio des réserves obligatoires (RRR) des banques ce mois-ci afin de tenter de contenir la liquidité au sein du système financier et de stimuler l'économie. La baisse surprise du RRR indique que la politique monétaire chinoise conserve un biais accommodant.
• Nous restons Positifs sur la Chine. Nous prévoyons que la politique monétaire restera accommodante, même si la reprise économique progressive devrait favoriser un biais prudent. De plus, le marché domestique des actions A pourrait être plus épargné par les turbulences bancaires à court terme. Une fois la situation normalisée, les marchés chinois (onshore et offshore) devraient surperformer dans leur ensemble.
Changements sectoriels
Biais plus défensif
Les Financières américaines passent de Positif à Neutre
Le monde financier a été très surpris par la faiblesse et la gestion douteuse de plusieurs banques régionales américaines, d’une taille pourtant relativement importante, en particulier SVB et Signature Bank. Beaucoup pensent que cette crise, exacerbée par la remontée rapide des taux d’intérêt, pourrait durer encore longtemps. Alors que certains bilans outre-Atlantique paraissent moins solides que de prime abord, la rentabilité de certaines banques américaines risque en outre d’être mise à mal du fait de la nécessité de renforcer les structures bilantielles, des coûts supplémentaires attendus (contrôles, nouvelles régulations) et des conditions plus strictes à l’octroi de crédit. Ces incertitudes vont perdurer, d’où notre baisse de recommandation de Positive à Neutre pour les financières américaines. Nous préférons les européennes (+), très bon marché, en particulier les solides banques retail du noyau de la zone euro qui ont des parts de marché domestiques importantes.
Les Services aux collectivités passent de Neutre à Positif en Europe
Le réchauffement climatique, la crise de la Covid et les tensions géopolitiques nous forcent à repenser notre sécurité et notre indépendance d’approvisionnement en termes de ressources naturelles, en particulier l’eau et l’énergie. Il s’agit aussi de lutter contre l’explosion récente de leurs prix.
La transition vers les énergies renouvelables est ainsi devenue encore plus urgente, ce qui a amené une série de restructurations et de nouvelles opportunités au sein du secteur des services aux collectivités. Les états apportent un très gros soutien, cf. l’ « Inflation Reduction Act » aux États-Unis. Des plans similaires ont récemment été votés en Europe, en particulier le « Green Deal Industrial Plan ». Alors que ces nouvelles opportunités semblent déjà bien intégrées dans les cours des « utilities » américaines, les européennes sont bien positionnées pour profiter de ce renouveau de croissance, d’où notre hausse de recommandation de Neutre à Positif pour les « utilities » européennes.
Allocation sectorielle : Financières US de + à =; Services aux collectivités EU de = à +
La récente crise bancaire a jeté un coup de froid sur les cycliques. Les resserrements monétaires et une certaine perte de confiance pourraient provoquer un ralentissement économique plus fort qu’attendu en début d’année. Au vu des nouvelles incertitudes détaillées dans les pages précédentes, nous sommes devenus plus défensifs et nous suggérons dorénavant une meilleure exposition aux actions de Qualité.
- Le secteur qui nous semble avoir le plus de potentiel dans ce contexte est la santé. Il renferme en effet de nombreuses actions de qualité, malmenées en début d’année, alors que l’appétit pour le risque était alors grand.
- Les investisseurs prudents peuvent se diversifier via d’autres actions à dividendes relativement sûrs et orientés à la hausse (par exemple l'assurance, certains services aux collectivités, voire certaines chimiques de croissance et/ ou qui profitent de la transition écologique).
- Certains segments de marché maintiennent un fort pouvoir de fixation de prix (les biens de luxe par exemple), contrairement à d’autres où les années de vaches grasses semblent toucher à leur fin. Les marges et les profits sont maintenant sous forte pression du côté des biens de consommation de base, d’où notre opinion négative sur ceux-ci.
Alors que nous suggérons de revisiter le facteur « Qualité », ce n’est pas pour autant qu’il faut vendre toutes les cycliques. Beaucoup sont (trop) bon marché et il vaut mieux rester diversifié. En outre, on retrouve des caractéristiques d’actions de qualité dans des secteurs traditionnellement assez cycliques. Par exemple, le luxe (consommation discrétionnaire) profite de la réouverture des économies. De leur côté, les semi-conducteurs sont indispensables notamment dans l’électrification, la robotisation et l’intelligence artificielle. Ces sous-secteurs ont de solides fondamentaux.
- Les grosses valeurs technologiques ont bien profité du « flight to quality » mais elles sont chères, donc il faut être prudent et sélectif de ce côté-là. Des opportunités thématiques demeurent (voir ci-dessus); on peut les jouer par exemple avec les semi-conducteurs.
- Il nous semble judicieux de rester couvert contre la forte inflation, notamment via une exposition aux secteurs du pétrole & gaz, des ressources de base et des financières européennes.
- La reprise en Chine laisse présager du retour d’une forte demande pour toute sorte de matériaux (matières premières, chimie, matériaux de construction, acier et autres métaux). Les matériaux (+) sont un autre secteur que nous privilégions. La Chine est en effet la plus grande consommatrice mondiale de matériaux.
- L’immobilier européen est peu cher mais volatile (incertitudes des refinancements et de la croissance dans certains segments).