Perspectives mensuelles sur les devises

Résumé
1.L’indice dollar US (DXY) était en baisse de presque 2% en mars pendant que l’indice euro (EXY) a augmenté de 1,85%.
2.Aux États-Unis, la fragilité du secteur financier a poussé les décideurs politiques à réagir rapidement et de manière conséquente à cette affaire, mais le problème pourrait persister, en particulier pour les banques régionales américaines. En Europe, les incertitudes bancaires s'atténuent. La hausse de 50 pb de la BCE en mars a été suivie d'un message suggérant une nouvelle baisse à l'avenir. La Fed devrait déjà s'arrêter en mai. Cela a soutenu l'euro malgré les fortes incertitudes du secteur bancaire.
3.Les membres de l'OPEP ont convenu de réduire l'offre le 2 avril de 1,16 millions de barils/jour en plus des 2 millions en place jusqu'à fin 2023. Par la suite, le prix du pétrole a augmenté de 6 %. L'effet initial sur les devises sensibles au pétrole (CAD, AUD, NOK) est resté relativement modéré.
4.Au Royaume-Uni, l'inflation a étonnamment bondi à 10,4 % en mars, contre 10,1 % en février. Cela peut être attribué principalement aux denrées alimentaires et aux boissons non alcoolisées. De plus, la Grande-Bretagne reste fortement dépendante des importations d’énergies étrangères. Ce phénomène pourrait encore augmenter si le nouveau premier ministre écossais Humza Yousaf soutient un second référendum sur l'indépendance qui devrait avoir lieu en 2024.
VUE USD >> CIBLE 12M VS EUR: 1,08
Les valorisations sont élevées à ce stade
L'EUR/USD a cassé les 1,09 à la hausse depuis son point bas du 15 mars (1,05), principalement en raison de l'évolution des anticipations de taux entre la Fed et la BCE. Aux États-Unis, le secteur bancaire se redresse suite à l'effondrement de la Silicon Valley Bank le 10 mars, ce qui a fortement affecté les anticipations de la Fed. Le marché intégrait un taux terminal bien inférieur à 5 % le 16 mars, contre près de 6 % avant le stress bancaire. La Fed a relevé son taux cible à 5 %, l'inflation restant une préoccupation majeure malgré la crise bancaire. Nous n'anticipons qu'une seule hausse de taux supplémentaire de 0,25 % au mois de mai avec un taux final de 5,25 %. En Europe, comme largement anticipé, la BCE a relevé son taux cible de 50 points de base à 3 %. Les tensions dans le secteur bancaire n'ont pas modifié leur perception de la nécessité de relever davantage, et nous prévoyons toujours un taux final de 3,5 % atteint en juin.
La dynamique économique devrait également soutenir davantage l'euro. Aux États-Unis, nous anticipons une récession au second semestre, tandis que la croissance devrait se stabiliser juste au-dessus de zéro dans la zone euro. Une grande partie des nouvelles favorables à l'euro sont probablement intégrées par le marché à ce stade et nous maintenons notre objectif à 12 mois à 1,08.
Au cours des prochains mois, les incertitudes pourraient toutefois rester élevées et le le dollar pourrait s’apprécier a court terme.
Nous maintenons notre objectif à 3 mois à 1,06 et notre objectif à 12 mois à 1,08 pour l'EUR/USD.
VUE GBP >> CIBLE 12M VS EUR: 0,88
Pas de tendance claire
Depuis le début de l'année, l'EUR/GBP (valeur d'un euro contre livre sterling) se situe autour de 0,88. Cela s'explique essentiellement par la combinaison de facteurs économiques et politiques au Royaume-Uni. Récemment, l’EUR/GBP a franchi la barre des 0,88 points, l'inflation britannique ayant surpris le marché en progressant de 10,4 % contre 10,1 % en janvier. Cela a en effet incité la Banque d'Angleterre (BOE) à laisser la porte ouverte à de nouvelles hausses de taux afin d'éviter de nouvelles surprises inflationnistes. L'indice PMI composite est ressorti à 52,2, tandis que l'indice PMI manufacturier s'est établi à 48, soit un niveau inférieur aux attentes. L'indice PMI des services est toutefois resté à 52,8, dopé par une bonne dynamique dans le secteur du tourisme. En outre, le PIB du quatrième trimestre 2022 a progressé de 0,6 %. Cela suggère une plus grande résilience de la croissance, mais aussi davantage de risques pour l'inflation. Les fortes fluctuations récentes du différentiel de rendement entre la zone euro et le Royaume-Uni semblent exagérées. Nous ne pensons pas que la BoE relèvera davantage ses taux. La récente vigueur de la livre sterling devrait donc être temporaire.
De surcroît, l'incertitude politique persiste au Royaume-Uni, compte tenu de la victoire de Humza Yousaf à la tête du Parti national écossais (SNP). Nous suivrons de près l'évolution économique et politique dans les deux régions.
Nous maintenons nos objectifs à 3 et 12 mois à 0,88 (valeur d'un euro), ce qui suggère une évolution latérale de la devise par rapport à son niveau actuel.
VUE CHF >> CIBLE 12M VS EUR: 0,98
Le franc suisse devrait rester fort
L'EUR/CHF (valeur d'un euro) se négocie à des niveaux proches de la parité, récupérant ainsi son point bas de mars 0,98. Cet affaiblissement du franc suisse s'explique probablement par une réaction excessive aux événements de Credit Suisse et par une appréciation de l'euro. La Banque nationale suisse (BNS) a relevé son taux directeur de 50 pb à 1 % en décembre, avec une nouvelle hausse de 50 pb à 1,5 % le 23 mars. Même si l'inflation est tombée à 2,9 % en mars (contre 3,4 % en février), une nouvelle hausse est attendue en juin. Dans l'intervalle, la BNS devrait continuer de vendre des devises étrangères, une mesure destinée à renforcer le franc suisse, dont la valeur est élevée.
En dépit d'un indicateur avancé KOF inférieur aux attentes (98,2) en mars, les fondamentaux économiques de la Suisse restent robustes et le PIB devrait croître d'un trimestre sur l'autre.
Une hausse significative de l'appétit pour le risque serait nécessaire pour affaiblir le franc suisse. Cela semble peu probable dans les mois à venir. Le différentiel de rendement entre l'euro et le franc suisse s'est creusé au cours des quelques mois, ce qui favorise l'euro et limite le potentiel d'appréciation du franc suisse.
Nous maintenons nos objectifs à 3 et 12 mois à 0,98 (valeur d'un euro), ce qui suggère une légère appréciation du franc suisse par rapport aux niveaux actuels.
VUE JPY >> CIBLE 12M VS USD: 128
Renforcement du yen
Le yen (JPY) a gagné 2,5 % face au dollar en mars. Les fortes révisions des anticipations du taux de fin de cycle de la Fed suite à l'effondrement de la Silicon Valley Bank ont entraîné un rebond du yen, ramenant la valeur d'un dollar (USD/JPY) à 130 le 25 mars, plus proche de nos objectifs (voir ci-dessous).
Le nouveau gouverneur de la banque centrale K. Ueda a laissé la porte ouverte à une nouvelle normalisation de la politique monétaire. Nous continuons de penser que le Japon maintiendra son YCC (contrôle de la courbe des taux) tout en adoptant une vision légèrement plus restrictive en élargissant sa fourchette de contrôle de la courbe de taux de 0,5 % à 0 % ± 1,00 % au cours du premier semestre. Cela devrait soutenir le yen dans les mois à venir.
Les chiffres du mois de mars ont fait état d'une balance commerciale négative, toutefois supérieure aux attentes, soutenue par la hausse des exportations et la réouverture de la Chine. L'inflation sous-jacente de l'IPC a augmenté à 3,1%. À terme, la réduction de l'offre de pétrole de l'OPEP devrait réduire l'excédent de la balance courante et limiter le potentiel de hausse de la devise. La baisse de la demande japonaise d'actifs obligataires américains cette année devrait également soutenir la vigueur du JPY, ainsi que d'autres dynamiques de flux.
La dynamique économique devrait également être plus favorable à la devise japonaise, alors que les États-Unis s'enfoncent lentement dans une récession au second semestre.
Nous maintenons notre objectif à 3 mois à 130 (valeur d'un dollar) et notre objectif à 12 mois à 128.
VUE SEK >> CIBLE 12M VS EUR: 11
Perspectives positives
La devise suédoise (SEK) a perdu 1,5 % face à l'euro en mars. Depuis le début de l'année, elle oscillait dans une fourchette autour de 11,20. Ceci est lié à la forte hausse du différentiel de rendement en faveur de l'euro. Les deux banques centrales relèvent leurs taux, mais les anticipations ont évolué en faveur de nouvelles hausses de la part de la BCE. Alors que l'inflation sous-jacente ressortait supérieure aux attentes en mars à 12 %, les marchés anticipent une hausse des taux de 25 pb par la banque centrale suédoise en avril.
Le marché du logement en Suède est préoccupant, la hausse des taux hypothécaires ayant diminué la demande de logements. Les prix des maisons ont chuté d'environ 15 % depuis leur sommet du printemps de l'année dernière. Il s'agit d'une chute plus importante que pendant la crise financière mondiale et les prix pourraient encore baisser dans les mois à venir. Cela représente un risque baissier car la plupart des prêts hypothécaires ont des taux variables, ce qui expose les ménages à la hausse des taux d'intérêt.
Les principaux facteurs semblent pour l'instant largement intégrés dans les cours. Dans l'ensemble, nous n'observons aucune tendance claire par rapport aux niveaux actuels pour les mois à venir.
Nous maintenons nos objectifs à 3 et 12 mois à 11 (valeur d'un euro).
VUE NOK >> CIBLE 12M VS EUR: 10,3
Potentiel de hausse modéré
La devise norvégienne (NOK) a poursuivi sa tendance baissière depuis le début de l'année avec une baisse d'environ 2,5 % en mars. Cela s'explique par la prudence de la banque centrale norvégienne à l'égard de futures hausses de taux. En effet, depuis 2022, le différentiel de taux à 2 ans a de plus en plus évolué en faveur de l'euro.
Les récentes réductions d'offre de pétrole de l'OPEP et les perspectives d'une hausse des prix du pétrole pourraient soutenir la NOK dans les mois à venir.
L'indice PMI manufacturier a légèrement progressé à 48,3 au mois de mars. Les prix de l'immobilier ont augmenté de 0,2 % en glissement annuel.
Le différentiel de rendement entre la NOK et l'EUR a diminué ces dernières semaines. Nous anticipons davantage de normalisation. Dans un contexte de hausse des prix du pétrole, ceci devrait se traduire par une appréciation de la NOK.
Nous maintenons nos objectifs à 3 et 12 mois à 10,6 et 10,3 (valeur d'un euro) respectivement, ce qui suggère une appréciation modérée du NOK par rapport aux niveaux actuels.
VUE AUD >> CIBLE 12M VS USD: 0,73
Potentiel de hausse.
Le dollar australien (AUD) a connu une volatilité plus faible en mars et reste aux alentours de 0,67 (valeur d'une AUD) début avril. La hausse des anticipations du marché à l'égard de la banque centrale australienne a été supérieure à celle de la banque centrale américaine, ce qui s'est traduit par une récente hausse du différentiel de taux à 2 ans. Cela devrait avoir un impact positif sur l'AUD à l'avenir. La baisse surprise du taux de chômage à 3,5 % en février a continué de soutenir la devise. En outre, la baisse de l'offre mondiale de pétrole pourrait favoriser l'AUD, une devise sensible aux matières premières.
La dynamique économique américaine s'est améliorée ces derniers mois, mais cette tendance devrait s'inverser avec le ralentissement de la croissance économique et l'imminence d'une récession au second semestre. Parallèlement, la réouverture de la Chine et la hausse de la demande pour les principales matières premières industrielles, en particulier celles nécessaires pour les batteries et l'électronique, devraient améliorer les termes de l'échange de l'Australie et soutenir l'appréciation de l'AUD.
L'excédent commercial s'est réduit en décembre, mais la Chine étant le principal partenaire commercial de l'Australie, cet excédent devrait de nouveau s'élargir.
Nous maintenons notre objectif à 3 et 12 mois à 0,70 (valeur d'un AUD) et 0,73 respectivement.
VUE NZD >> CIBLE 12M VS USD: 0,65
Appréciation modérée
En mars, le NZD s’est légèrement apprécié contre l’USD atteignant 0,63 (valeur d'un NZD) le 3 avril. La banque centrale a relevé ses taux de 50 pb lors de sa réunion de février. La banque centrale a relevé ses taux directeurs de 4,75 % à 5,25 %, ce qui a surpris les marchés qui attendaient une hausse de 0,25 %. La révision à la baisse des anticipations de taux aux États-Unis suite à l'effondrement de la Silicon Valley Bank a permis au NZD de rebondir à 0,63.
La dynamique économique devrait également favoriser le NZD, les États-Unis étant susceptibles d'être confrontés à une récession au second semestre.
Nous anticipons désormais un écart commercial avec les États-Unis privilégiant le NZD. La croissance économique néo-zélandaise a ralenti au T4 avec 2,2 % en glissement annuel, en forte baisse par rapport à 6,4 % au T3 et en dessous de l'estimation de 3,3 %.
La balance courante du quatrième trimestre 2022 a enregistré une forte baisse. De surcroît, le marché immobilier du pays a fortement chuté, perdant plus de 20 % sur l'année 2022. Cela pourrait légèrement peser sur la croissance économique et limiter le potentiel de hausse du NZD.
Nous maintenons nos objectifs à 3 et 12 mois à 0,65 (valeur d'un NZD). Cela suggère une appréciation modérée du NZD par rapport aux niveaux actuels.
VUE CAD >> CIBLE 12M VS USD: 1,30
Nous attendons une appréciation plus forte
Le dollar canadien (CAD) s'est apprécié de 0,5 % en mars et les récentes révisions à la baisse des prévisions de taux d'intérêt aux États-Unis ont renforcé le potentiel d'appréciation du CAD. En mars, la Banque du Canada (BoC) a maintenu son taux au jour le jour à 4,50 % et a signalé une pause probable dans son cycle de resserrement monétaire en raison des signes de ralentissement de l'économie face à la hausse des coûts d'emprunt. L'inflation diminue légèrement, l'IPC sous-jacent ressortant inférieur aux attentes à 4,7 % en mars sur un an, restant relativement élevé. Dans l'ensemble, le différentiel de taux à 2 ans a commencé à diminuer et suggère une nouvelle appréciation du CAD.
La baisse de l'offre mondiale de pétrole pourrait également soutenir le la devise. Le pétrole étant la principale composante des marchandises exportées au Canada. Les ventes au détail sont restées stables tandis que l'indice PMI manufacturier a baissé à 48,6 en avril. La balance commerciale du mois de janvier est redevenue positive, avec un excédent de 1,92 milliards, et le PIB du quatrième trimestre 2022 s'est établi à 2%. En outre, les intentions d'investissement restent positives et la dynamique économique est plus favorable qu'aux États-Unis, Le marché immobilier constitue une menace majeure pour l'économie, compte tenu de la forte part de l'investissement résidentiel dans le PIB et de l'endettement élevé des ménages en % du revenu disponible net. C'est pourquoi la BoC a décidé de maintenir le statu quo.
Nous maintenons notre objectif 3 et 12 mois a 1,32 et 1,30. Cela suggère un potentiel d'appréciation modéré par rapport aux niveaux actuels.
VUE CNY >> CIBLE 12M VS USD: 6,50
Une vigueur accrue à l’horizon.
En mars, l'USD/CNY (valeur d'un dollar) est resté dans la fourchette des 6,8-6,95. La facilité de prêt à moyen terme (MLF) reste inchangée. La banque centrale a annoncé aucune modification de son taux directeur le 15 février, conformément aux attentes du marché. En mars, la Banque Populaire de Chine a annoncé une baisse du taux de réserve obligatoire (RRR) de 25 points de base (pb) pour toutes les banques, à l'exception de celles qui ont instauré un taux de réserves de 5 %, à compter du 27 mars. L'amélioration récente du sentiment à l'égard des actions et du crédit à haut rendement a contribué à la récente appréciation du yuan. De surcroît, la récente baisse du différentiel de taux à 2 ans devrait se poursuivre et soutenir la devise chinoise.
La lenteur de la reprise des revenus des ménages et l'offre excédentaire de logements dans les petites villes continuent de susciter des inquiétudes. Malgré cela, l'indice PMI manufacturier officiel de la Chine est ressorti à 51,9 au mois de mars, soit un niveau supérieur au consensus du marché. L'indice PMI composite s'est également amélioré à 57. La nomination récente de Zhu HEXIN au poste de gouverneur de la banque centrale et l'engagement à soutenir la croissance par des injections de liquidités accrues est positif pour le yuan.
Nous maintenons nos objectifs à 3 et 12 mois à 6,75 et 6,50 respectivement (valeur d'un dollar). Cela suggère une appréciation modérée du CNY par rapport aux niveaux actuels.