#Articles — 12.05.2022

Perspectives mensuelles sur les devises

Guy Ertz, Chief Investment Advisor

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Résumé

  1. Le dollar s'est apprécié face à la plupart des principales devises. La valeur de l’euro est tombée en dessous de 1,06 dollar. L'indice dollar (DXY) est à son plus haut niveau depuis mars 2020. Cela s'explique par les anticipations de hausse de taux plus élevées de la Fed par rapport aux autres banques centrales.
  2. La livre sterling est sous pression en raison de la part importante de l’énergie importée au Royaume-Uni. Les derniers chiffres économiques suggèrent une moindre croissance économique et le marché anticipe donc moins de hausses de taux. Par conséquent, nous modifions notre objectif 3 mois de 0,82 à 0,84.
  3. Le Japon se trouve dans une situation similaire à celle du Royaume-Uni en ce qui concerne l'inflation énergétique importée. Cela affecte la confiance des entreprises. La politique monétaire devrait rester accommodante. Ces vents contraires nous conduisent à revoir notre objectif 3 mois de 118 à 124 à 3 mois et de 118 à 120 sur l'horizon 12 mois.
  4. Les exportations chinoises devraient ralentir dans les prochains mois en raison des nouvelles mesures de confinement. Nous avons revu à la baisse nos prévisions économiques pour cette année. Nous révisons également notre objectif de USDCNY 3 mois de 6,35 à 6,6. Nous maintenons notre objectif de 12 mois à 6,5. Le ralentissement en Chine pèsera également sur les exportations australiennes et néo-zélandaises et sur la demande mondiale. Nous modifions notre objectif à 3 mois de 0,76 à 0,73 pour l'AUD et de 0,70 à 0,68 pour le NZD.

 

VUE USD >>  CIBLE 12M VS EUR: 1.12

Le dollar au plus haut depuis 5 ans

L'euro a chuté de près de 5 % en avril et se négocie actuellement autour de 1,05 (valeur d'un euro).

Lors de sa réunion de début mai, la Fed a relevé ses taux de 50 pb et a déclaré que des hausses de 50 pb devraient suivre lors des prochaines réunions. La réduction du bilan débutera en juin via le non-réinvestissement des actifs arrivant à échéance. Jerome Powell a rappelé que l'inflation, qui a atteint 8,5 % en mars sur une base annuelle, est beaucoup trop élevée.

L'économie américaine s'est contractée au premier trimestre. Cette contraction s'explique principalement par l'aggravation du déficit commercial avec une forte hausse du coût des importations et une baisse du volume des exportations. La demande intérieure reste solide. Nous restons positifs pour les trimestres à venir. Les révisions à la baisse de la croissance économique dans la zone euro limitent la hausse de l'euro à court terme.

Sur un horizon d'un an, nous restons haussiers sur l'euro par rapport aux niveaux actuels. En effet, les incertitudes géopolitiques devraient baisser progressivement. De plus, nous prévoyons deux hausses de taux de la part de la BCE d'ici la fin de l'année, tandis que nous pensons que la Fed fera probablement moins que ce que le marché prévoit, l'inflation devant atteindre un pic dans les mois à venir.

Nous maintenons notre objectif 3 mois à 1,08. Sur l'horizon 12 mois, nous conservons notre objectif de 1,12 (valeur d'un euro).

VUE GBP >> CIBLE 12M VS EUR: 0.82

Ajustement de notre objectif 3 mois

L'EURGBP a été globalement stable en avril autour de 0,84 (valeur d'un euro). La Banque d'Angleterre (BoE) a relevé son taux directeur de 25 pb lors de sa dernière réunion, ramenant le taux bancaire à 1 %. La BoE travaille également sur un plan visant à commencer à vendre les emprunts d'État accumulés.

La banque prévoit un pic d'inflation autour de 10 % en octobre. Les prix augmenteront plus rapidement que les revenus de nombreux ménages et entraîneront un ralentissement de la croissance économique. L'économie britannique est également affectée par les ruptures logistiques en Chine. La banque s'attend à ce que l'inflation revienne à son taux cible d'ici deux ans. Le conseil d'administration de la BoE n'a pas modifié ses prévisions de croissance pour 2022, qui devraient s'établir à 3,25 %.

Le Royaume-Uni est fortement dépendant des importations de gaz naturel pour l'électricité, ce qui renforce les tensions inflationnistes déjà élevées, en particulier sur les biens. L'inflation atteint un taux annuel de 7 %, un plus haut sur 30 ans. L'enquête sur les entreprises britanniques (PMI composite) a reculé en avril de 60,9 à 57,6, reflétant la baisse des nouvelles commandes et les incertitudes liées aux chaînes d'approvisionnement.

Le marché prévoit désormais des taux d'intérêt à 2,5 % d'ici le milieu de l'année prochaine, ce qui est probablement trop élevé selon la banque centrale.

À court terme, la livre sterling subit la pression de l'inflation importée et de son déficit de la balance commerciale. Nous ajustons donc notre objectif de 0,82 à 0,84. La politique plus restrictive de la Banque d'Angleterre devrait soutenir la livre sterling au cours des 12 prochains mois. Nous maintenons notre objectif de 12 mois à 0,82 (valeur d'un euro).

VUE CHF  >>  CIBLE 12M VS EUR: 1.08

CHF toujours très fort

L'EURCHF est resté stable en avril à 1,02 (valeur d'un euro). Les incertitudes géopolitiques et la baisse des perspectives de croissance dans la zone euro soutiennent le franc suisse.

Lors de sa réunion de mars, la Banque nationale suisse (BNS) a laissé son taux directeur inchangé à -0,75 %. Le marché anticipe actuellement une hausse des taux de 25 pb pour le quatrième trimestre 2022 et d'autres hausses sont anticipées pour 2023. Toutefois, il existe diverses incertitudes quant au schéma du resserrement de la politique monétaire. En effet, l'inflation en Suisse reste sous contrôle à 2,4 %. La Banque nationale suisse devrait rester à la traîne de la BCE en termes de hausse des taux. Nous pensons que ces facteurs devraient conduire à une baisse du franc suisse qui pourrait évoluer vers 1,08 (valeur d'un euro) au cours de l'année prochaine.

Récemment, le conseil de la BNS a confirmé qu'il n'interviendrait pas pour affaiblir le franc suisse. En effet, la moindre inflation en Suisse compense le coût supplémentaire pour les importateurs de biens suisses. Cela devrait permettre au franc suisse de rester fort dans notre horizon à 3 mois.

Le franc est très loin de sa parité de pouvoir d'achat et une baisse progressive de l'aversion au risque pourrait peser sur la devise.

Nous maintenons notre objectif 3 mois à 1,03 et notre objectif 12 mois à 1,08.

VUE JPY >> CIBLE 12M VS USD: 118

Révision des objectifs pour l’USDJPY

Le JPY a poursuivi sa baisse en avril et est en baisse de plus de 6 % sur les 30 derniers jours, avec un niveau proche de 130 (5 mai). La divergence des politiques monétaires entre la Fed et la Banque du Japon (BoJ) et le fait que le Japon soit un importateur net d'énergie expliquent la forte baisse du yen.

Les capitaux continuent de sortir du Japon face à des rendements plus attractifs dans d'autres pays en raison des politiques de resserrement monétaire, notamment aux États-Unis. La balance commerciale du Japon est déficitaire depuis plus de 8 mois et s'est fortement dégradée ces derniers mois face à l'inflation des prix de l'énergie en tant qu'importateur net. Le Flash PMI Composite d'avril est resté stable à 50,9, contre 50,3 en mars, porté par la bonne activité dans les services. Dans le secteur manufacturier, les entreprises continuent de faire état de fortes pressions sur les coûts.

Depuis 2016, la Banque du Japon a mis en place un contrôle de la courbe des taux. Lors de sa réunion d'avril, la BoJ a réitéré son intention de racheter indéfiniment la maturité 10 ans à un taux de 0,25 %. Toutefois, la détérioration des termes de l'échange ainsi que l'amélioration des rendements à l'étranger affaiblissent significativement le yen. La BoJ pourrait revoir l'objectif de 0,25 % à un niveau plus élevé pour défendre le yen. La faiblesse du yen exerce une forte pression sur les marges des entreprises ainsi que sur le pouvoir d'achat des ménages, notamment en raison de l'inflation énergétique importée.

Nous révisons notre objectif 3 mois de 118 à 124 et de 118 à 120 pour notre objectif 12 mois. Le JPY apparaît survendu comme l'indique l'indicateur de résistance relative (RSI). Nous prévoyons une appréciation modérée par rapport aux niveaux actuels.

VUE SEK >> CIBLE 12M VS EUR: 10.70

Première hausse de taux

La SEK s'est très légèrement dépréciée au cours des 30 derniers jours. Lors de la réunion de fin avril, la banque centrale (Riksbank) a relevé son taux repo de 0 à 0,25 %. La banque a indiqué qu'il y aurait encore entre 2 et 3 hausses de taux cette année et que le taux repo serait progressivement relevé en dessous de 2 % au cours des 3 prochaines années. La Riksbank a également indiqué une réduction du rythme des achats d'actifs au second semestre, de 74 Md SEK à 37 milliards. La Riksbank s'attend à une croissance plus faible en Suède en raison de la baisse de la demande des entreprises et des ménages dans un contexte d'inflation élevée et d'incertitudes mondiales.

L'inflation annuelle atteint 6,1 %, principalement tirée par les composantes énergétiques, mais la hausse des prix s'étend désormais à davantage d'éléments d'où la nécessité d'un resserrement monétaire progressif. Le marché anticipe déjà 9 hausses de taux de 25 pb d'ici fin 2024. Le potentiel d'appréciation du SEK est donc limité à ce stade.

Nous maintenons donc nos objectifs de 10,4 et 10,7 pour l'horizon 3 et 12 mois.

VUE NOK >> CIBLE 12M VS EUR: 9.60

Taux inchangé

La couronne norvégienne s'est dépréciée de plus de     2 % au cours des 30 derniers jours. La banque centrale (Norges Bank) a laissé ses taux inchangés lors de sa réunion de début mai et devrait relever ses taux de 25 pb en juin, ce qui ramènerait le taux de référence à 1 %. Historiquement, le resserrement en Norvège a généré une appréciation de la couronne.

La Norvège continue de montrer plusieurs signes de surchauffe de son économie avec un taux de chômage inférieur à 2 %, un niveau élevé des capacités d’utilisation et des prix élevés du gaz et du pétrole. Nous prévoyons que le différentiel de taux avec la BCE ainsi que les prix élevés du pétrole soutiendront la devise à l'avenir. Trois hausses de taux sont prévues en 2022 et quatre autres en 2023. L'inflation salariale face aux pénuries de travailleurs et à l'inflation importée nécessite une augmentation progressive des taux. L'inflation a atteint 4,5 % en glissement annuel, même si l'inflation sous-jacente reste modeste à 2,1 %. Les derniers chiffres d'inflation ont été inférieurs aux attentes.

Nous maintenons nos objectifs à 3 et 12 mois à 9,6, suggérant un potentiel d'appréciation de la NOK par rapport aux niveaux actuels.

VUE AUD >> CIBLE 12M VS USD: 0.76

Sous pression

Sur un mois, l'AUD perd près de 5 % contre l’USD en raison du confinement en Chine qui pèse sur les exportations australiennes. En outre, la baisse de l'écart de taux entre l'Australie et les États-Unis pèse sur la devise.

La Reserve Bank of Australia (RBA) a annoncé une hausse des taux de 25 pb, portant le taux monétaire à 35 pb. Le comité de la RBA juge nécessaire de retirer certaines des mesures monétaires exceptionnelles. L'inflation, qui s'établit à 5,1 % en glissement annuel, a en effet atteint un niveau supérieur aux attentes. Le RBA devrait relever ses taux de 25 pb à chaque réunion jusqu'en décembre, portant ainsi le taux à environ 210 pb d'ici la fin de l'année.

Les perspectives de l'économie australienne sont positives. Le pays est soutenu par un taux de chômage inférieur à 4 %, des bilans solides des ménages et des entreprises. En outre, le revenu national est actuellement dopé par les prix des matières premières.

Nous restons convaincus que ces facteurs offriront un soutien à long terme à l'AUD. Toutefois, nous ajustons notre horizon de 3 mois suite aux récents confinements en Chine qui pénalisent l'Aussie à court terme. En effet, la Chine représente plus de 35 % des exportations australiennes.

Nous modifions notre objectif d'AUDUSD 3 mois de 0,76 à 0,73 (valeur d'un AUD) et nous maintenons notre objectif 12 mois à 0,76. Cela implique un potentiel d'appréciation de l'AUD au cours de l'année à venir.

VUE NZD >> CIBLE 12M VS  USD: 0.70

Même pression que pour l’AUD

Le NZD a chuté de plus de 6,5 % en avril suite aux mesures de confinement en Chine et au discours moins offensif que prévu de la banque centrale de la Nouvelle-Zélande (RBNZ).

Lors de sa réunion d'avril, la RBNZ a relevé ses taux de 50 pb pour porter le taux à 1,5 %. La RBNZ a souligné son intention de relever ses taux d'intérêt maintenant plutôt que plus tard et n'a pas relevé son taux final, ce qui était anticipé par certains investisseurs. Cela a affaibli la devise.

L'économie a très bien résisté au cours des deux dernières années. L'économie montre des signes de surchauffe, l'inflation devant culminer à 7 % au premier semestre 2022, une forte demande, un taux de chômage très faible (inférieur à 3,5 %), des taux d'utilisation élevés et de fortes exportations. Toutefois, la banque centrale a mis en avant le ralentissement de la croissance économique mondiale dû aux incertitudes internationales et à l'inflation. De plus, la Chine représente 25 % des exportations néo-zélandaises et le ralentissement actuel dans ce pays exerce des pressions sur le NZD.

Dans ce contexte, nous révisons à la baisse nos perspectives à 3 mois de 0,7 à 0,68 (valeur d'un NZD).  Nous maintenons notre objectif de 12 mois à 0,7. Cela implique un potentiel d'appréciation pour le NZD.

VUE CAD  >> CIBLE 12M VS USD: 1.25

Dépréciation en avril

Le dollar canadien s'est déprécié de plus de 2,5 % en avril, les devises considérées comme risquées reculant le mois dernier. La Banque du Canada (BoC) a relevé son taux directeur de 50 pb lors de sa réunion d'avril et a annoncé plusieurs hausses de taux pour lutter contre l'inflation qui a atteint 5,7 % en mars, ce qui porte le taux à 1 %. La Banque a également entamé le resserrement quantitatif (réduction du bilan). L'activité économique au Canada reste soutenue grâce à des niveaux d'emploi élevés et à une forte demande. L'inflation devrait revenir à son niveau cible au second semestre 2023, autour de 2,5 %. Malgré les incertitudes mondiales, la BoC prévoit une forte croissance pour 2022 à 4,25 % et 3,25 % en 2023. 

Le cycle de resserrement monétaire de la Banque du Canada devrait être assez similaire à celui de la Fed.

En tant qu'exportateur de matières premières, le Canada bénéficie actuellement des prix élevés du pétrole (WTI). Nous restons convaincus que l'amélioration des termes de l'échange permettra une appréciation du CAD par rapport aux niveaux actuels.

Nous maintenons notre objectif USDCAD (valeur d'un dollar) à 1,25 pour l'horizon de 3 et 12 mois. Cela suggère un potentiel de hausse pour le CAD au cours de l'année prochaine.

VUE CNY >> CIBLE 12M VS USD: 6.50

La devise devrait se reprendre graduellement

Le CNY a fortement baissé en avril, passant de 6,35 à 6,6 en raison de nouvelles mesures de confinement en Chine.

L'indice PMI manufacturier est passé de 48,1 en mars à 46 en avril en raison de la détérioration des conditions d'activité due à la Covid-19 et aux perturbations de la chaîne d'approvisionnement. Les enquêtes de conjoncture sur les services (PMI) sont tombées à leur plus bas niveau depuis février 2020 à 36 (contre 42 en mars). Cela reflète la baisse des carnets de commandes ainsi que le faible niveau d'activité. Fin avril, le président a annoncé un plan d'infrastructure axé sur les transports, l'énergie et la conservation de l'eau afin de soutenir la croissance.

La dette chinoise à 10 ans offre désormais un rendement inférieur à celui de la dette américaine. L’inversion du différentiel de taux d'intérêt est un autre frein à l'appréciation de la devise. De plus, face au ralentissement actuel, la Chine pourrait abaisser le taux de  facilité de prêt à moyen terme de 5 pb.

Au cours de l'année prochaine, l'excédent structurel de la balance courante est toutefois un facteur de soutien pour le CNY, ce qui explique pourquoi nous ne prévoyons pas une dépréciation de la devise par rapport aux niveaux actuels. Une reprise économique progressive devrait également être favorable.

Nous modifions notre objectif 3 mois de 6,35 à 6,60 pour tenir compte de la faiblesse actuelle. Pour notre horizon à 12 mois, nous conservons notre objectif de 6,50. Cela suggère une appréciation modérée du CNY.