#Articles — 07.04.2021

Focus Stratégie d'Investissement : Avril 2021

Edmund Shing, Global Chief Investment Officer

Lettre de stratégie d'investissement : Décembre 2019 I BNP Paribas Wealth Management

Résumé

  1. Révision à la hausse de la croissance américaine : Outre le plan America Rescue d’un montant de 1 900 milliards d’USD, nous prévoyons un programme « Build Back Better » qui pourrait apporter 2 250 milliards d’USD de relance budgétaire supplémentaire au cours des 10 prochaines années. Nous prévoyons une croissance du PIB réel américain de 6,9 % en 2021 et de 4,7 % en 2022.
  2. Une hausse des taux est à prévoir aux États-Unis : Des perspectives de croissance et d’inflation supérieures aux attentes plaident en faveur d’une hausse des rendements obligataires, surtout aux États-Unis où le débat sur la réduction du programme d’achat d’obligations s’intensifiera au second semestre 2021. Nous revoyons à la hausse notre prévision de taux de rendement des obligations du Trésor américain à 10 ans dans 12 mois à 2 % (contre 1,4 %) et à 0% pour son homologue allemande. Il est encore trop tôt pour revenir vers les obligations souveraines à long terme des États-Unis ou de la zone euro.
  3. Mais il est prématuré pour s’inquiéter de l’inflation : Alors que l’IPC américain va sans doute rebondir au cours des prochains mois (dû largement à un effet de base), il est trop tôt pour conclure que nous sommes confrontés à une poussée inflationniste durable. Dans la zone euro et au Japon, il y a peu de signes d’inflation réelle.
  4. Des conditions financières extrêmement favorables soutiennent les actions : Les conditions financières américaines et mondiales restent extrêmement accommodantes en dépit de la hausse des rendements obligataires, ce qui soutient les marchés actions.
  5. Les actions value, pas Big Tech : Nous pensons qu’il existe toujours des risques sur les actions de croissance de grande capitalisation américaines, nous restons donc relativement prudents sur ce segment. Privilégier une exposition aux  actions value dans les secteurs bancaires et des matériaux de base aux États-Unis.
  6. Immobilier - la prochaine réouverture commerciale : L’immobilier continue d’offrir des décotes par rapport aux ANR et des rendements attractifs. Nous voyons des opportunités pour les investisseurs à long terme dans les REITs résidentiels et dans l’immobilier privé axé sur la logistique et l’immobilier de bureau « prime ».

Vue d’ensemble

L’économie américaine décolle

Regain d’optimisme à l’égard de la croissance américaine : Les économistes ont travaillé d’arrache-pied pour réviser à la hausse leurs prévisions de croissance aux États-Unis pour cette année. La Réserve fédérale elle-même s’attend désormais à ce que l’économie américaine enregistre une croissance exceptionnelle de 6,5 % cette année. Depuis février, les prévisions du consensus sur le PIB américain pour 2021 sont passées de 4 % à 5,7 %.

Nous avons revu à la hausse nos prévisions de croissance mondiale suite au déploiement rapide de la vaccination dans certaines régions du monde et aux importantes mesures de relance budgétaire, en particulier aux États-Unis. Outre le plan America Rescue d’un montant de 1 900 milliards d’USD, nous prévoyons un programme « Build Back Better » qui pourrait apporter 2 250 milliards d’USD de relance budgétaire supplémentaire au cours des 10 prochaines années. Cela suggère que la croissance du PIB réel américain pourrait atteindre 6,9 % et 4,7 % en 2021 et 2022 respectivement.

Nous prévoyons également une croissance européenne supérieure aux attentes du marché (le consensus table sur une croissance de 4,2 % en 2021 et 2022), comblant l’écart avec les États-Unis. À l’inverse, nous sommes devenus plus prudents à l’égard de la Chine. Selon nous, les facteurs positifs potentiels sont maintenant plus importants que les risques négatifs.

La croissance chinoise et américaine aura des répercussions sur le reste du monde : Bien qu’il soit dirigé vers les États-Unis, ce stimulus budgétaire américain aura également des effets positifs indirects sur la croissance mondiale, étant donné son impact sur la consommation et l’investissement, en grande partie alimentés par les entreprises étrangères.

La question clé est la suivante : Les marchés financiers ont-ils déjà intégré dans les cours tout cet optimisme en matière de croissance ? Nous pensons que NON - pour la simple raison que les conditions financières globales, tant pour les États-Unis que pour le reste du monde, restent très accommodantes, ce qui encourage la croissance et, ce faisant, augmente le potentiel de bénéfices des entreprises.

Un retour de l’inflation ? Nous prévoyons une accélération temporaire de l’inflation et des anticipations inflationnistes. La morosité persistante du marché du travail devrait empêcher une accélération durable de la croissance des salaires. Des forces structurelles telles que la numérisation et la démographie limiteront également les pressions à la hausse. L’inflation américaine devrait atteindre 2,5 % cette année, mais revenir à 2,2 % en 2022. En zone euro, nous prévoyons 1,7 % et 1,4 % respectivement.

CONCLUSION

Nous avons revu à la hausse nos prévisions de croissance du PIB américain à un niveau supérieur aux prévisions du consensus (5,7 % de croissance du PIB en 2021), car nous pensons que la combinaison de la réouverture de l’économie et des mesures de relance stimuleront d’abord la consommation, puis les infrastructures et l’investissement des entreprises. Ne soyez pas pessimistes quant aux perspectives européennes : l’économie européenne étant orientée à l’exportation, elle devrait bénéficier du dynamisme des États-Unis et de la Chine.

Perspectives sur les obligations, le crédit et le marché des changes

Hausse des rendements américains à long terme à prévoir

Le marché obligataire teste la Fed : Au lendemain de la récente réunion de la Fed et de la conférence de presse qui a suivi, les obligations du Trésor américain ont réagi à l’absence d’inquiétude apparente de la Fed à l’égard des pressions inflationnistes en augmentant encore les rendements à 10 ans, à 1,7 % (chiffre de mars 2021). À ce niveau, les rendements sont finalement revenus à leurs niveaux de février 2020, avant le krach boursier provoqué par la pandémie.

Les points morts d’inflation américains à 10 ans, les meilleures estimations du marché obligataire pour l’inflation moyenne à long terme aux États-Unis, se sont fortement redressés, passant d’un point bas de moins de 0,8 % atteint en mars 2020 à 2,3 %. À ce niveau, les anticipations d’inflation aux États-Unis se sont complètement renormalisées, se situant désormais à 0,3 % au-dessus de leur moyenne entre 2010 et février 2020.

Aujourd’hui, la question pour un champion est la suivante : « Jusqu’où les rendements des obligations américaines à long terme peuvent-ils augmenter avant que la Réserve fédérale ne soit contrainte d’agir pour freiner la hausse des coûts d’emprunt pour le gouvernement américain ? »

Les coûts d’emprunt fédéraux sont faibles : À quel moment le budget du gouvernement américain commencera-t-il réellement à souffrir de la hausse des charges d’intérêt ? L’échéance moyenne de l’encours de la dette du Trésor américain est d’environ 6 ans. En moyenne sur 12 mois, le taux de rendement des emprunts d’État américain à 5 ans s’établit à 0,4 %, son niveau moyen le plus bas depuis plus de 30 ans. De plus, le gouvernement américain peut toujours réduire la charge d’intérêt de la dette en émettant de nouveaux emprunts à échéance plus courte - le taux de rendement de l’emprunt d’État américain à 2 ans se situe à un niveau dérisoire de 0,15 %, toujours incroyablement bon marché.

À quel moment la hausse des taux d’intérêt à long terme affectera-t-elle la croissance économique ? À 3,3 %, le taux hypothécaire fixe à 30 ans n’est que légèrement supérieur à son plus bas niveau de 3 % en décembre 2020, et reste bien inférieur à sa moyenne de 5,1 % depuis 1999.

Jusqu’à présent, la hausse des taux d’intérêt ne semble avoir eu que peu d’impact, les ventes de logements existants atteignant un niveau annualisé de 6,69 millions, le chiffre le plus élevé depuis 2004, ce qui est bon pour la croissance économique globale.

CONCLUSION

Les investisseurs devraient accepter la hausse des rendements obligataires américains comme conséquence naturelle d’un taux de croissance nominal américain qui pourrait atteindre 7 % à 10 % cette année. Nous prévoyons désormais une hausse du taux de rendement des obligations du Trésor américain à 10 ans à 2 % à un horizon d’un an, ce qui implique un rendement annuel négatif des obligations américaines. Nous continuons d’éviter les obligations souveraines à long terme allemandes et américaines

Radar des risques

« Caveat emptor » (acheteurs prenez garde) sur la technologie

Le NASDAQ risque de sous-performer : Attention au Nasdaq! Nous savons tous que les grandes entreprises de la technologie ont enregistré une progression phénoménale en 2020 après le krach de la COVID-19, mais le graphique de l’indice Nasdaq Composite ne nous apparaît pas « sain » en ce moment.

Remarquez sur le graphique ci-dessous que le Nasdaq est non seulement passé en dessous de sa ligne de tendance haussière, mais qu’il n’a toujours pas retrouvé ses récents sommets, contrairement à l’indice S&P 500 équipondéré ou aux petites capitalisations américaines.

Les sources d’inquiétudes fondamentales incluent le risque d’une augmentation de la réglementation sur ces grandes entreprises de la technologie en Europe et aux États-Unis, ainsi que le risque d’une hausse de la charge fiscale des entreprises, potentiellement en partie via une nouvelle taxe mondiale sur les ventes numériques.

Pour les investisseurs désireux d’investir dans une croissance tirée par la technologie, nous accorderions notre préférence aux secteurs des semi-conducteurs, de la cybersécurité ou des technologies asiatiques, plutôt qu’aux valeurs FANMAG américaines.

Doit-on s’attendre à une baisse de la volatilité ? : L’indice de volatilité VIX, souvent appelé « l’indice de la peur », est revenu tester le niveau de 20, le bas de sa fourchette de négociation depuis la correction liée à la COVID-19 de février-mars 2020.

L’indice de prime de risque de BNP Paribas reste à des niveaux modestes à la fin du mois et l’indice de stress financier de la Fed de St. Louis est proche de ses niveaux les plus bas, ce qui indique un faible niveau de risque sur les marchés financiers.

Dans le même temps, la liquidité reste abondante, les conditions financières restent très accommodantes et la croissance économique mondiale est en cours de révision à la hausse, ce qui suggère une amélioration des perspectives économiques.

Si l’indice VIX venait à passer au-dessous du seuil des 20 points et à y rester, nous pourrions entrer dans un nouveau régime de faible volatilité pour les actions. Ce serait un facteur favorable pour les marchés des actions mondiaux au cours des prochains mois.

CONCLUSION

Tout rebond à court terme des valeurs technologiques américaines (par exemple l’indice Nasdaq 100) devrait être considéré comme une occasion de réduire les pondérations, au profit d’une exposition aux moyennes et petites capitalisations et aux secteurs cycliques. L’envolée des rendements obligataires américains semblant se calmer au-dessous de 1,7 %, les actifs risqués tels que les actions, les matières premières et l’immobilier semblent bien positionnés pour les prochains mois. 

Perspectives des marchés des actions et des matières premières

Au revoir « TINA » ?

Les actions sont bon marché par rapport aux obligations d’État et des entreprises : L’argument de longue date en faveur de l’achat d’actions, à savoir qu’il n’existe pas d’alternative (« There Is No Alternative », TINA), est aujourd’hui dépassé, selon moi, étant donné la hausse importante des taux de rendement des obligations américaines. Pour les investisseurs étrangers prêts à accepter un risque en dollar américain non couvert, ces rendements pourraient une fois de plus être au moins acceptables.

Mais nous restons optimistes à l’égard des marchés des actions, car nous nous attendons à ce que l’augmentation de la croissance des États-Unis et mondiale stimule la croissance des bénéfices des entreprises dans le monde entier, tandis que les primes de risque des actions américaines, britanniques et de la zone euro restent généreuses (de 5 à 9 %). Ainsi, la valorisation des actions, même après leur solide performance depuis novembre de l’année dernière, reste attrayante par rapport aux rendements obligataires réels.

N’oubliez pas que les marchés des actions sont alimentés par la liquidité, et qu’ils continuent donc de profiter d’un environnement financier extrêmement accommodant, dopé dernièrement par le plan de relance budgétaire du président Biden et soutenu également par l’augmentation des achats d’obligations de la BCE. Nous conservons notre biais en faveur des secteurs et des marchés cycliques, et des moyennes et petites capitalisations.

Pas d’arrêt de la tendance des matières premières : Il ne fait aucun doute que les marchés des matières premières sont entrés dans un nouveau marché haussier : l’indice CRB Raw Industrials est en hausse de 37 % et l’indice CRB Industrial Metals a augmenté de 70 % par rapport à leur points bas du cycle de mai 2020.

Les prix des matières premières sont-ils déjà trop élevés ? Si les matières premières ont affiché une reprise impressionnante, il convient de ne pas oublier que celle-ci intervient après plus de 10 ans de marché baissier. L’indice Bloomberg des matières premières n’est toujours que 3 % au-dessus de son plus haut de janvier 2020. De plus, valorisé en euro ou en renminbi chinois, il est en fait inférieur de 4 % à son plus haut de janvier 2020. Je pense qu’ils ne le sont donc pas du tout.

Le scénario de la crise financière : Entre décembre 2008 (faillite de Lehman Brothers) et avril 2011, l’indice CRB Metals a rebondi de 150 %, l’économie mondiale se redressant sous l’effet d’une vague de relances monétaires. Aujourd’hui, nous assistons à de plus grandes vagues de relances monétaires et budgétaires, mais jusqu’à présent, à un gain beaucoup plus modeste pour les matières premières dans leur ensemble.

CONCLUSION

Sur les marchés des actions, nous continuons de privilégier l’exposition à la reprise cyclique au Royaume-Uni, au Japon et dans la zone euro, tandis que nous restons neutres sur les États-Unis.

Sur les marchés des matières premières, nous privilégions les métaux industriels tels que le cuivre, le nickel et l’étain, ainsi que les métaux précieux bénéficiant d’une forte demande industrielle tels que l’argent, le platine et le palladium. Nous sommes neutres sur le pétrole brut, suite à la hausse récente du Brent jusqu’au niveau de 70 $ par baril.

Perspectives du marché de l’immobilier

Un retour de la valeur

Un retour de la valeur ? Plusieurs secteurs immobiliers tels que la distribution sont toujours confrontés aux problèmes liés à la poursuite des confinements et à la croissance du commerce en ligne ; toutefois, cette même tendance devrait profiter au secteur de la logistique (entrepôts). De même, je ne crois pas à l’idée très répandue selon laquelle tous les employés de bureau voudront continuer à travailler de chez eux, une fois que les restrictions liées à la COVID-19 seront assouplies.

Je pense plutôt que nous avons un besoin psychologique profond : a) de changer d’environnement pour séparer notre vie professionnelle de notre vie familiale ; et b) de rencontrer nos collègues et de discuter avec eux dans un environnement physique, où des conversations fortuites peuvent améliorer la productivité et la pensée créative et collaborative, ce qui n’arrive pas lorsque toutes les réunions ont lieu sur Zoom. La réouverture progressive des économies occidentales devrait être un facteur très positif pour le secteur immobilier au cours de l’année à venir.

Accent mis sur la logistique ; l’immobilier de bureau « prime » : BNP Paribas Real Estate privilégie l’exposition aux secteurs de la logistique et de l’immobilier de bureau « prime » en Europe au cours des prochaines années, anticipant une compression des rendements (augmentation des valeurs du capital) dans chaque segment. Cela devrait conduire à des rendements globaux de la logistique et des bureaux aux environs de 5 % à 6 %.

Le segment de l’immobilier résidentiel reste attractif à travers l’Europe, Madrid, Barcelone et Dublin offrant de la valeur en termes de ratio prix/loyer, tandis que l’offre de logements à louer dans ces villes est toujours limitée. En Allemagne, les 3 grandes sociétés de placement immobilier résidentiel cotées nous paraissent intéressantes. Elles offrent en effet une croissance des loyers régulière, des décotes par rapport aux valeurs liquidatives comprises entre 12 % et 29 % et des rendements des dividendes bien supérieurs à 3 %.

Cette demande locative robuste, conjuguée à des taux hypothécaires à des niveaux historiquement bas (moins de 2 % au Royaume-Uni et près de 1 % en France par exemple), soutient toujours fortement les marchés de l’immobilier résidentiel en Europe.

CONCLUSION

Bien que les secteurs immobiliers cotés en Europe et aux États-Unis aient sous-performé les autres secteurs des marchés des actions « de la réouverture » depuis le début de l’année, plusieurs domaines nous paraissent intéressants, en particulier dans le secteur résidentiel. Dans l’immobilier privé, les atouts à long terme des secteurs de la logistique et de l’immobilier de bureau « prime » en Europe nous intéressent toujours, mais nous restons plus prudents à l’égard de la distribution, à l’exception de l’exposition spécifique aux centres commerciaux et aux baux liés à des supermarchés. Nous recherchons une exposition aux distributeurs de produits alimentaires omnicanaux, alliant des achats physiques en supermarché à de la distribution en ligne.