#Articles — 07.01.2022

Focus Stratégie d'Investissement : Janvier 2022

Edmund Shing, Global Chief Investment Officer

Résumé

  1. Le repli du marché pétrolier est source d’opportunités d’investissement : le baril de Brent ayant reculé de 4-5 USD en dessous de son pic d’octobre, la baisse des cours du brut offre des points d’entrée intéressants dans les ETF/fonds spécialisés dans les matières premières qui exploitent le « roll yield », ainsi que dans les actions des producteurs de pétrole.
  1. Nous attendons toujours trois relèvements des taux d'intérêt par la Fed cette année. Une hausse des taux en juin, bien que les risques soient désormais plus tôt, ne se ferait que deux fois après la fin du tapering. L'évolution de l'inflation, liée aux perturbations du variant Omicron et de la chaîne d'approvisionnement, et l'amélioration du marché du travail seront essentielles pour déterminer la voie à suivre pour relever les taux d'intérêt.
  2. N'ayez pas peur de la Fed : en règle générale, les marchés actions continuent de progresser d’environ 10 % au cours des six mois suivant le premier relèvement des taux d’intérêt par la Réserve fédérale, comme ce fut le cas lors des précédents cycles de relèvement.
  3. Les valeurs de croissance ne se sont pas toutes aussi bien comportées qu’on aurait pu le penser : si l’action moyenne du S&P 500 a gagné 24 % en 2021, l’ETF américain ARK Innovation, très axé sur la croissance, a en revanche cédé 40 % depuis son pic de février 2021, et les récentes introductions en Bourse aux États-Unis sont en moyenne 27 % en dessous du pic.
    1. Dans l’attente d’un déclencheur pour relever le fixed-income : compte tenu de la faiblesse historique des rendements souverains à 10 ans et des spreads du crédit investment grade, il est encore trop tôt pour se repositionner à l’achat sur ces deux classes d’actifs. Nous attendons soit a) des niveaux de rendement plus attractifs, soit b) des signes clairs de baisse rapide des taux d’inflation avant de relever le crédit et les emprunts d’État.

La Réserve Fédérale hausse le ton sur sa politique monétaire

Les minutes de la dernière réunion du FOMC ont confirmé le pivot de la Fed et ont montré une plus grande inquiétude à l'égard de l'inflation. Les discussions sur la normalisation des politiques sont plus avancées que prévu par les marchés en ce qui concerne les taux directeurs et la sortie des bilans. La plupart des participants estiment que les conditions de relèvement des taux seront remplies « relativement rapidement », que la sortie du bilan devrait commencer plus tôt après la hausse des taux directeurs et être plus rapide que dans l'expérience précédente du Comité.

Cela est conforme à notre hypothèse de trois relèvements des taux d'intérêt cette année. Une hausse des taux en juin, bien que les risques soient désormais plus tôt, ne se ferait que deux fois après la fin du tapering (la réduction du programme de l’assouplissement quantitatif).

L'évolution de l'inflation, liée aux perturbations du variant Omicron et de la chaîne d'approvisionnement, et l'amélioration du marché du travail seront essentielles pour déterminer la voie à suivre pour relever les taux d'intérêt.

CONCLUSION

Soyons vigilants sur la passage de l'expansion à la surchauffe. Nous suivons de près plusieurs indicateurs clés, dont le spread du high yield, afin de déceler les signes d’un passage de la phase de réflation à la phase de surchauffe/pic du cycle.  Nous restons, pour le moment, toujours dans la phase d'expansion/réflation, favorables aux actions et aux actifs réels.

5 faits surprenants sur les marchés financiers en 2021

Nous savons tous que 2021 a été une année relativement bonne pour les investisseurs, qu’ils soient investis dans des actions, l’immobilier ou des matières premières comme le pétrole et le cuivre. Un investisseur en euros avec un portefeuille composé à 60 % d’actions internationales et à 40 % d’obligations mondiales aurait affiché une progression de plus de 13 % depuis le début de l’année, malgré la phase de consolidation récemment observée.

Mais voici 5 faits financiers pour 2021 que vous n’avez peut-être pas remarqués :

1. Les valeurs de croissance ne se sont pas aussi bien comportées qu’on aurait pu le penser : si l’action moyenne du S&P 500 a gagné 24 % en 2021, celle du Nasdaq 100 n’a gagné que 14 % l’année dernière. L’ETF américain ARK Innovation, très axé sur la croissance, a même perdu 22 % depuis le début de l’année, et l’introduction en Bourse moyenne a perdu 9 % l’année dernière, selon l’indice Renaissance IPO.

2. Avec une capitalisation boursière de près de 3 000 milliards USD, Apple est aujourd’hui plus importante que le total des 100 plus grandes entreprises britanniques de l’indice FTSE 100. Et les 5 premières méga-caps technologiques américaines sont maintenant plus grandes que l’ensemble du marché européen !

. Les ménages ont considérablement augmenté leur épargne liquide depuis le début de la pandémie : aujourd’hui, les ménages américains disposent d’une épargne record de 10 700 milliards USD, soit 900 milliards USD de plus qu’à la fin de 2019. Les ménages allemands détiennent 2 900 milliards EUR en dépôts auprès des banques, malgré un taux d’intérêt de 0 % !

4. Le prix des combustibles fossiles a explosé malgré, ou à cause de, l’impulsion donnée aux énergies renouvelables. Les prix du gaz naturel en Europe sont 5 fois plus élevés qu’au début de l’année dernière, tandis que les prix du charbon en Australie ont doublé par rapport à janvier 2021 et que ceux du Brent sont 50 % plus élevés qu’au début de l’année dernière.    

5. Les crédits d’émission de carbone européens, l’une des matières premières les plus performantes l’année dernière. Actuellement à plus de 80 EUR/tonne d’émissions de CO2, le prix des crédits carbones européens a progressé de près de 160 % depuis début 2021, dopé par une demande énergétique robuste et une production d’électricité à partir de sources renouvelables (éolien, solaire) inférieure aux attentes.

CONCLUSION

Premièrement, le système financier regorgeait encore de liquidités à la fin décembre, de la « puissance de feu disponible » que les investisseurs pourront engager. Deuxièmement, les matières premières se sont nettement redressées, après des années de sous-performance et de négligence. Troisièmement, toutes les actions n’ont pas été aussi performantes qu’on aurait pu le penser, offrant ainsi de nombreuses opportunités d’investissement en 2022.

3 tendances à surveiller en 2022

L’inflation galopante pourrait-elle s’infléchir étonnamment rapidement en 2022 ?

2021 s’est révélée une année de forte reflation, grâce à des mesures de relance abondantes, au dynamisme des marchés des matières premières et au début du resserrement monétaire des banques centrales. Quelles sont les principales tendances sur lesquelles les investisseurs devraient se concentrer en 2022 ?

1. Inflation galopante aujourd’hui, mais désinflation surprenante demain ? Alors que le consensus du marché est passé de façon spectaculaire du discours d’une inflation « transitoire » à une banque centrale américaine susceptible de ramener la croissance à moyen terme en dessous de 2 %, nous pensons que ce discours pourrait à nouveau changer début 2022.

La vitesse de normalisation des chaînes d’approvisionnement mondiales, centrée sur la production de puces à semi-conducteurs et l’allègement des carnets de commandes logistiques, sera l’une des variables clé.  Les effets de base sur l’inflation dus à la faiblesse des prix en 2020 et aux baisses ponctuelles de la TVA vont disparaître en 2022, tandis que les composantes inflationnistes liées à la chaîne d’approvisionnement, à l’instar des prix des véhicules neufs et d’occasion, des billets d’avion et des prix de l’énergie pour les ménages, devraient toutes perdre de la vigueur. Nous pourrions même être surpris par un retour à un scénario de croissance macroéconomique « de Boucle d’or ».

2. Bénéfices de la résolution des problèmes urgents d’aujourd’hui : d’énormes quantités de capitaux ont été investies dans les dernières tendances et modes technologiques, notamment les cryptomonnaies et la blockchain, les véhicules électriques et les équipements de fitness à domicile connectés. Il y a donc des opportunités pour les investisseurs de contribuer à résoudre les problèmes pressants, qui résultent d’un sous-investissement chronique. Les goulets d’étranglement de la logistique maritime et routière en sont l’un des domaines, la production des métaux pour batteries nécessaires à la mobilité énergétique et aux solutions de stockage dans une économie décarbonée en est un autre.  Le besoin persistant de combustibles fossiles « plus propres » et d’énergie nucléaire à titre de solutions provisoires sur fond d’électrification de l’économie mondiale en est un troisième.

3. Doit-on s’attendre à la revanche des petites/moyennes capitalisations ? 2021 a très certainement été une année pour surponderer les méga-caps technologiques américaines, puisque l’indice DJ Global Titans 50 a gagné près de 25 %, contre 13 % pour le MSCI World Small Caps. Toutefois, depuis 1999, les petites capitalisations mondiales ont enregistré une performance cumulée de 749 % en dollars, contre seulement 261 % pour le Global Titans. Des fondamentaux de croissance solides favorisent le retour des petites et moyennes capitalisations en 2022.

CONCLUSION

Les investisseurs doivent se méfier d’un certain nombre de bulles d’investissement émergentes dans des tendances actuellement « populaires », où les valorisations ont été gonflées par une très forte dynamique des prix, surpassant la croissance fondamentale. Plutôt que d’extrapoler les tendances de 2021, nous préférons nous concentrer sur les inflexions potentiellement intéressantes de ces tendances susceptibles de donner lieu à d’excellentes opportunités d’investissement.

Perspectives sur les marchés des actions et des matières premières

La première hausse des taux de la Fed n’est pas néfaste aux actions

N'ayez pas peur de la Fed : en règle générale, les marchés actions continuent de progresser pendant au moins six mois après le premier relèvement des taux d’intérêt par la Réserve fédérale, à en juger par les précédents cycles de relèvement. Un examen des 7 derniers cycles de hausse des taux de la Fed depuis 1983 permet de constater que l’indice S&P 500 s’est apprécié d’environ 5 % avant le premier relèvement des taux et de 5 % en moyenne dans les 6 mois qui l’ont suivi. Toute correction initiale est généralement de faible ampleur et se traduit par de nouvelles progressions sur les marchés actions au cours des mois suivants.

L'indice de la prime de risque souligne le potentiel de rebond : l'indice de la prime de risque de BNP Paribas se situe à des niveaux extrêmes, laissant entendre que le pire pourrait déjà être intégré dans les prix des actifs risqués tels que les actions. Dans la même veine, l’indice CNN Money Fear and Greed pointe vers un sentiment de peur (Fear – 26/100), ce qui contraste fortement avec le sentiment d’appât du gain extrême de novembre (Extreme Greed – 78/100).

Mais il est peu probable que les nouveaux leaders du marché restent les mêmes : après la consolidation d’un revers boursier, il est courant d’assister à une rotation du leadership des marchés actions. Aujourd’hui, cela tendrait à prouver qu’il est peu probable que les méga-caps technologiques alimentent une nouvelle progression du marché.

Le pétrole : une pause bienvenue dans un contexte de risques haussiers

Le prix du baril de Brent a reculé de 6 % par rapport à ses plus hauts niveaux de fin octobre, pour s’établir à 81 USD. Les investisseurs doivent-ils considérer ce repli comme une opportunité ou un danger ?

Nous prévoyons une stabilisation des prix du Brent aux alentours de 70-80 USD le baril au premier semestre 2022 et de 80-90 USD le baril au second. Si, comme nous le pensons, la croissance économique mondiale ralentit mais reste supérieure à la tendance, le Brent pourrait dépasser les 100 USD en 2023-2024.

La faiblesse des prix du pétrole à court terme devrait permettre aux investisseurs de renforcer leurs positions sur les ETF/fonds pétroliers et sur les actions des sociétés pétrolières.

La structure des prix du pétrole sur le marché des contrats à terme reste en backwardation (c’est-à-dire que plus la date d’échéance du contrat à terme est lointaine, plus bas est son prix). En d’autres termes, les ETF et les fonds qui investissent par le biais de contrats à terme bénéficient d’un rendement supplémentaire généré par le renouvellement des contrats arrivés à échéance en un contrat à plus long terme. Ce rendement, connu sous le nom de « roll yield », est au 3 janvier 2022 de 7,4 % sur 1 an pour le Brent et de 8,5 % pour le WTI.

CONCLUSION

N’ayez pas peur de la Fed : en règle générale, les marchés actions continuent de progresser pendant au moins six mois après le premier relèvement des taux d’intérêt par la Réserve fédérale, à en juger par les 7 cycles de relèvement ayant eu lieu depuis 1983. Au niveau sectoriel, nous identifions un point d’entrée intéressant dans les fonds de matières premières exploitant le « roll yield » des matières premières, sur fond de backwardation des courbes des taux à terme, ainsi que dans le secteur pétrolier et gazier après le repli des cours du pétrole.

Perspectives sur les obligations, le crédit et le marché des changes

Le cycle de hausse des taux des banques centrales se matérialise

La Banque d’Angleterre, dernière banque centrale à relever ses taux : après avoir surpris les marchés en ne relevant pas son taux directeur précédemment, la Banque d’Angleterre a finalement changé de position en relevant son taux directeur de 0,1 à 0,25 % en décembre. Un relèvement extrêmement léger, mais qui représente néanmoins le début d’un nouveau cycle de hausse des taux au Royaume-Uni.

Les banques centrales américaine, australienne et canadienne devraient relever leurs taux en 2022 : toutefois, selon les anticipations du marché (au 3 janvier 2022), les taux d’intérêt de référence devraient seulement atteindre 0,8 % aux États-Unis, en Australie et au Royaume-Uni d’ici fin 2022. Le Canada est la seule grande banque centrale susceptible de relever ses taux au-delà de 1 % (la prévision est à 1,3 %).

Pas de changement au sein de la zone euro ni au Japon : la BCE et la Banque du Japon ne devraient pas toucher à leur politique de taux d’intérêt zéro en 2022, maintenant leurs taux à zéro au moins jusqu’en 2023. Les liquidités vont donc continuer d’offrir des rendements réels négatifs en 2022 dans chacune de ces devises.

Rendements obligataires négatifs en 2021

Les obligations émergentes offrent des rendements attrayants : même si les obligations d’entreprises « investment grade » notées BBB n’offrent que 0,5 % en zone euro et 2,5 % aux États-Unis, les rendements des obligations à haut rendement (3,5 % en euros et 4,5 % aux États-Unis) et de la dette souveraine des marchés émergents (4,5 % pour les obligations libellées en dollars et 5,1 % pour les obligations en devise locale) se sont inscrits en hausse.

2021 – une année sous le joug de performances obligataires négatives (sauf pour les obligations indexées sur l’inflation et le haut rendement) : Les indices des rendements nominaux de la dette souveraine ont tous enregistré des performances légèrement négatives en 2021 (de -1 à -3 %), tout comme les crédits « investment grade » américains et européens (-1 %). Seules les obligations indexées sur l’inflation et le crédit à haut risque (corrélé avec les actions) ont affiché des performances positives (haut rendement américain à +3 % en USD, dette européenne AT1 hybride à +12 % en euros).

Les emprunts d’État américains et européens pourraient à nouveau enregistrer des performances négatives en 2022 : nous tablons sur des rendements obligataires à 10 ans de 0 % dans la zone euro (contre -0,1 % aujourd’hui) et de 2 % aux États-Unis (contre 1,7 % aujourd’hui) pour fin 2022.

CONCLUSION

En raison des perspectives positives pour les obligations souveraines des marchés développés, les investisseurs doivent s’attendre à une forte baisse des taux d’inflation sous-jacents en 2022 par rapport à leurs niveaux élevés actuels. Compte tenu de la faiblesse historique des rendements souverains à 10 ans et des spreads du crédit investment grade, il est encore trop tôt selon nous pour se repositionner à l’achat sur ces deux classes d’actifs. Nous attendons soit a) des niveaux de rendement plus attractifs, soit b) des signes clairs de baisse rapide des taux d’inflation avant de relever notre recommandation concernant le crédit IG et les emprunts d’État.