Focus Stratégie d'Investissement : Juillet 2022
Résumé
- Le durcissement des conditions financières pèse sur les valeurs boursières et le crédit : la hausse des taux d'intérêt à court et long terme a continué d'affecter les marchés boursiers, du crédit et de la dette souveraine en juin. Les matières premières ont également subi un revirement mensuel du fait du durcissement des conditions financières. L'amélioration des conditions financières est un prérequis à l'adoption d'un positionnement plus positif sur les actifs risqués (valeurs mobilières, crédit, immobilier).
- Les craintes d'une récession s'accentuent du fait des coûts extrêmes de l'énergie : l'économie paie un lourd tribut à la nouvelle flambée des prix du gaz naturel européen consécutive à la contraction de l'offre en Russie, ainsi qu'à la hausse des prix du diesel. Le net repli des rendements des obligations allemandes à long terme depuis mi-juin reflète un risque de récession accru.
- Le résultat ? Baisse des anticipations inflationnistes sous l'effet d'un tassement de la demande et d'une amélioration de l'offre de marchandises : avec la première baisse des statistiques mensuelles sur l'inflation aux États-Unis, le recul de la consommation intérieure se reflète dans la faiblesse de l'activité économique. La croissance devient la première cause d'inquiétudes, devant l'inflation.
- Une révision à la hausse des valeurs boursières et du crédit est prématurée : alors que le moral des investisseurs est au plus bas, nous attendons des signes plus clairs de revirement des conditions financières (assouplissement) et de l'inflation (baisse). Nous restons neutres sur les valeurs boursières et le crédit.
- Des investissements séduisants : pour les investisseurs plus prudents, nous privilégions le crédit investment grade américain à court/moyen terme. Les investisseurs plus dynamiques peuvent investir dans les actions qui distribuent des dividendes/rachats d'actions et dans les producteurs d'énergie/matières premières. Mais prudence à l'égard de l'immobilier résidentiel aux États-Unis et au Royaume-Uni.
Nos principales convictions : un biais en faveur des actifs réels
Acheter :
- Actions britanniques
- Entreprises énergétiques et minières mondiales
- Or et métaux précieux
- Entrepôts/immobilier logistique
- OPCVM/fonds alternatifs mondiaux macro/de suivi de tendances
Eviter :
- Liquidités en euro
Zoom du mois de juillet : que nous réservent les prix de l'énergie ?
Pression maximale de la Russie via l'approvisionnement en gaz
La Russie réduit ses exportations de gaz naturel vers l'Europe : depuis la fin de l'année dernière, les exportations russes de gaz vers les pays de l'Union européenne ont été réduites de 60%, passant de plus de 10 milliards de mètres cubes à un peu plus de 4 depuis juin 2022.
En juillet, le gazoduc Nordstream 1 devrait être fermé pour maintenance pendant 10 jours. Le risque est que la Russie ne reprenne pas ses exportations de gaz par pipeline vers l'Europe à ce rythme moins soutenu, empêchant cette dernière de reconstituer ses stocks avant l'hiver.
Cette baisse des exportations de gaz russe se traduit par un doublement du prix du gaz européen en un mois jusque début juillet, ce qui pèse encore davantage sur l'économie européenne et en particulier sur l'Allemagne, les Pays-Bas et l'Italie.
Les prix du diesel entraînent une hausse des coûts logistiques : le transport de marchandises par route et par mer dépend essentiellement de moteurs diesel. Le doublement des prix du diesel aux États-Unis et en Europe depuis début 2020 est un facteur clé de l'inflation sous-jacente, les entreprises intégrant cette hausse des coûts logistiques dans les prix des biens et des services.
Les prix de l'essence ont-ils enfin atteint un point haut aux États-Unis ? Les prix de l'essence aux États-Unis, qui au final suivent la baisse des prix du brut, représentent une lueur d'espoir. Une nouvelle baisse des prix de l'essence, dans la mesure où les ménages et les entreprises réduisent la demande d'énergie, serait déjà d'une aide précieuse, plutôt qu'un poids sur les dépenses discrétionnaires des ménages. La baisse des marges du raffinage est la clé d'une baisse des prix de l'essence et du diesel, qui restent anormalement élevés à l'heure actuelle.
Conclusion en matière d'investissement
Les indicateurs d'une destruction de la demande sur les marchés de l'énergie doivent se multiplier pour que les prix du gaz naturel, du diesel et de l'essence baissent par rapport à leurs niveaux actuels, car il est peu probable que l'offre augmente de manière significative à court terme. Jusqu'à présent, la destruction de la demande a été limitée. Le contexte promet de rester porteur pour les producteurs d'énergie, tant au niveau des pays que des entreprises.
Vue d’ensemble
Aggravation des risques de récession sous l'effet de la flambée des prix de l'énergie
Dans un contexte d'accélération de la normalisation de la politique monétaire de la Fed, l'économie américaine connaît un net ralentissement. Une détérioration des indicateurs clés tels que l'enquête sur le sentiment des consommateurs de l'Université du Michigan et certains sondages auprès des entreprises laissent même penser qu'une récession est probable.
Deux indices du Conference Board sont utiles pour évaluer l'état de l'économie. Le Coincident Economic Index (CEI) suit l'activité économique actuelle et suggère que l'économie américaine devrait rebondir au deuxième trimestre, après une forte contraction au premier.
Le Leading Economic Index (LEI) permet d'évaluer les risques de récession futurs. Il combine 10 indicateurs identifiés comme étant en avance sur le cycle. Cet indice suggère un net ralentissement de l'économie américaine, en baisse pour le troisième mois consécutif en mai, principalement du fait d'une baisse de deux de ses composantes : l'indice S&P 500 et le nombre de permis de construire délivrés. Une troisième composante s'est également inscrite en repli : la confiance des ménages, qui a fortement reculé sous l'effet de la baisse du pouvoir d'achat.
La question est donc de savoir à quelle vitesse la détérioration du LEI va se poursuivre ? S'il chute rapidement, il est alors possible que l'économie américaine bascule en récession à la fin de cette année ou au début de l'année prochaine. Selon nous, une récession n'est pas le scénario le plus probable dans la mesure où le marché du travail reste très robuste. Pour les États-Unis, le principal risque est lié à une inflation plus élevée/plus soutenue. Le principal moteur d'un tel scénario est un changement structurel, ou « ancrage », des anticipations d'inflation. Celui-ci obligerait la Fed à relever encore davantage que ce qui est actuellement prévu pour briser cette tendance.
La croissance dans la zone euro ralentit avec la perspective d'une quasi-stagnation au prochain trimestre. Les principaux indicateurs avancés, notamment l'enquête IFO et celle de la Banque Nationale de Belgique auprès des entreprises, se sont effondrés, à l'instar de la confiance des ménages. La probabilité de perturbations importantes ou d'un arrêt des exportations de pétrole et de gaz de la Russie vers l'Europe s'est fortement accrue. Les importations de gaz constituent la principale menace pour la croissance de l'UE si les pays de la zone euro ne parviennent pas à reconstituer leurs stocks comme prévu. Cet élément doit être surveillé de près et pourrait nous conduire à revoir à la baisse les perspectives de croissance de la zone euro pour y inclure une récession temporaire.
Conclusion en matière d'investissement
Les risques de récession augmentent. Mais la récession reste un risque plutôt que notre scénario de base. Il est probable que l'inflation arrive à son plus haut dans les prochains mois. La normalisation sera toutefois très progressive et s'étendra sur les 18 prochains mois. Aux États-Unis, le principal risque est une inflation plus élevée et plus soutenue. Les importations de gaz constituent la plus grande menace pour la croissance de l'UE.
Perspectives sur les obligations et le crédit
Il est trop tôt pour se réjouir
Des performances catastrophiques depuis début 2022. Les obligations d'entreprises ont été à la peine depuis le début de l'année (voir le graphique) en raison de l'envolée des taux sans risque et de l'élargissement considérable des spreads de crédit. D'où cette question légitime : compte tenu de l'envolée des rendements, est-ce le moment d'acheter massivement ?
Un environnement difficile. La BCE ne soutient plus activement les obligations d'entreprises et la Fed retire des liquidités du système. Les conditions financières se durcissent, rendant le refinancement des entreprises plus cher et l'accès aux marchés de capitaux plus difficile.
Des fondamentaux au plus haut. Les fondamentaux des entreprises sont probablement à leur plus haut niveau. Les entreprises affichent en moyenne des bilans sains du fait de la croissance économique et de bons résultats au cours de l'année écoulée, ainsi que des niveaux d'endettement moins élevés. Qui plus est, les entreprises se sont massivement refinancées à des taux extrêmement bas l'année dernière. Par conséquent, le risque de défaut est relativement limité. Fitch Ratings ne voit qu'une poignée d'émetteurs susceptibles de faire défaut d'ici la fin de l'année. L'agence de notation s'attend à un doublement du taux de défaut du haut rendement, d'un niveau très bas de 1% en fin d'année à 2% en 2024.
Hausse des spreads. Les spreads n'ont cessé d'augmenter depuis le 1er janvier, reflétant une perception croissante du risque de récession. Les obligations moins bien notées ont davantage souffert. Selon nous, les risques continuent de pointer vers un creusement des spreads, les banques centrales restant déterminées à durcir les conditions financières, préférant lutter contre l'inflation plutôt que soutenir la croissance. Par ailleurs, un resserrement monétaire agressif implique une plus grande volatilité, ce qui nuit aux spreads des obligations d'entreprises, en particulier pour le haut rendement.
Niveaux clés des spreads IG. Les spreads de l'IG ont dépassé les niveaux clés de 150 pb aux États-Unis et 200 pb dans la zone euro (voir graphique). D'un point de vue historique, lorsque les spreads ont franchi ces niveaux, la plupart du temps (pas toujours !), ils se sont rapidement creusés et une récession s'est parfois ensuivie.
Rester défensif. Les valorisations ne sont plus onéreuses aux États-Unis, voire carrément bon marché dans la zone euro. Les obligations d'entreprises de qualité IG à court terme apparaissent comme une bonne solution défensive. Le risque est limité et le rendement attractif. Par exemple, le rendement moyen d'une obligation d'entreprise notée A de maturité inférieure à 3 ans s'élève à 2,3% en euro et à 3,8% en dollar.
Conclusion en matière d'investissement
Compte tenu de l'envolée des rendements, est-ce le bon moment pour acheter massivement ? Selon nous, les risques continuent de pointer vers un creusement des spreads. Compte tenu de l'environnement difficile, nous préférons rester défensifs. Les obligations d'entreprises de qualité IG à court terme apparaissent comme une bonne solution défensive.
Perspectives pour les actions
Un pessimisme extrême n'est pas suffisant
Un sentiment au plus bas depuis une décennie n'est pas suffisant : le sentiment des investisseurs professionnels et particuliers à l'égard des actions a atteint un point bas jamais atteint depuis 2008, au cœur de la grande crise financière.
Traditionnellement, ce degré de pessimisme est un bon indicateur à contre-courant de performances positives des marchés actions sur les 6 à 12 prochains mois. Mais cette mesure unique ne suffit pas à accréditer une opinion plus positive à l'égard des actions.
La faiblesse des valorisations n'est pas encore suffisante. Deuxièmement, les valorisations sont historiquement bon marché pour les valeurs boursières européennes, britanniques et japonaises en termes de ratio cours/bénéfice. Toutefois, elles ne sont que tout juste inférieures à la moyenne des valeurs boursières américaines, même après une baisse de 20% du cours des actions. Les valorisations ne sont donc pas suffisamment bas pour justifier un relèvement de notre recommandation neutre sur les marchés boursiers.
Des conditions financières plus favorables sont nécessaires. Les conditions financières, y compris les taux d'intérêt, les spreads de crédit, la volatilité des marchés financiers et la liquidité, doivent s'améliorer par rapport aux niveaux tendus d'aujourd'hui. Mais ce n'est pas encore le cas aux États-Unis ou en Europe.
Attention : les prévisions bénéficiaires sont susceptibles de baisser
Les prévisions bénéficiaires pour 2022/23 ne reflètent pas encore la réalité économique : les analystes restent peu enclins à abaisser leurs prévisions bénéficiaires. Jusqu'à présent, le fort ralentissement économique mondial s'est à peine reflété dans les prévisions de bénéfices des entreprises européennes, et pas du tout dans celles des entreprises américaines.
Selon nous, la saison de publication des résultats pour le T2 va déclencher une série de révisions à la baisse pour 2022 et 2023. Nous attendrons le début de la saison des résultats du deuxième trimestre pour voir comment les cours des actions réagissent à la baisse des prévisions de bénéfices avant d'envisager une attitude plus positive à l'égard des valeurs boursières.
Les opportunités existent : les fonds d'actions axés sur les dividendes élevés et les rachats d'actions et les ETF sont séduisants compte tenu de la solidité des bilans et de la génération de flux de trésorerie de plusieurs secteurs boursiers, notamment ceux liés aux matières premières, à la santé et à la finance.
Nous considérons également la forte correction récente des valeurs boursières mondiales des secteurs de l'énergie et minier comme une opportunité d'achat compte tenu de la vigueur de la demande à long terme et des perspectives limitées concernant l'offre sur de nombreux marchés liés aux matières premières.
CONCLUSION
En plus de la morosité du sentiment des investisseurs et des niveaux de valorisation plus attractifs (notamment dans la zone euro, au Royaume-Uni et au Japon), nous attendons des ajustements à la baisse des prévisions de bénéfices des entreprises et le catalyseur clé d'un assouplissement des conditions financières avant de relever notre position neutre actuelle sur les actions. Un apaisement inattendu des hostilités (et donc moins d'incertitude) dans le conflit ukrainien serait également un catalyseur positif.