#Articles — 05.03.2021

Focus Stratégie d'Investissement : Mars 2021

Edmund Shing, Global Chief Investment Officer

Lettre de stratégie d'investissement : Décembre 2019 I BNP Paribas Wealth Management

Résumé

  1. La baisse des taux d’infection à la Covid-19 stimule l’activité : Les taux d’infection et d’hospitalisation à la Covid continuent de chuter aux États-Unis et dans la plupart des pays européens. Conjuguée à des programmes de vaccination efficaces, cette évolution favorable améliore les perspectives de réouverture des économies au deuxième trimestre.
  2. Hausse des prévisions de croissance du consensus américain : Le consensus table désormais sur une croissance du PIB américain de 5 % en 2021, soutenue par des mesures de relance supplémentaires, une consommation solide et des activités robustes de construction.
  3. Pas de risque de changement de politique des banques centrales : La perspective d’une hausse temporaire de l’inflation aux États-Unis n’inquiète pas la Réserve Fédérale américaine. Des mesures de relance monétaire et budgétaire sont favorables à une forte croissance économique.
  4. Pourrions-nous assister à un nouveau super cycle des matières premières ? Le raffermissement de la demande et le caractère tendu de l’offre entraînent une hausse généralisée des prix des matières premières. Nous sommes positifs quant aux perspectives des métaux industriels, dopées par la croissance des énergies renouvelables et des véhicules électriques.
  5. Les valeurs cycliques bénéficient d’un mois de février porteur: Un regain d’optimisme à l’égard de la croissance a entraîné une hausse des secteurs cycliques liée à la réouverture des économies, et aux moyennes et petites capitalisations. Nous demeurons positifs en ce qui concerne l’exposition aux actions à petites et moyennes capitalisation américaines et européennes.
  6. Révision à la hausse des banques, révision à la baisse des services aux collectivités : Une courbe des taux plus pentue, de bons résultats au T4 2020 et la reprise des versements de dividendes sont autant de facteurs qui confortent notre opinion positive sur les banques. Nous révisons à la baisse notre opinion  sur les services aux collectivités à négatif et celle de la santé à neutre.
  7. Les actifs britanniques bénéficient d’une dynamique très positive : La livre sterling s’apprécie face au dollar américain et à l’euro, dopée par les prévisions de sortie du confinement au deuxième trimestre. Nous sommes positifs à l’égard des actions à moyenne capitalisation britanniques.

Vue d’ensemble

Tout le monde a-t-il peur d’un krach boursier ?

Les prévisions de krach boursier sont-elles largement répandues ? Le nombre de recherches sur Google sur l’expression « krach boursier » a fortement augmenté au cours du dernier mois. En général, les marchés baissiers ne commencent pas lorsque tout le monde s’y attend.

À l’inverse, la fin d’un marché haussier des actions est généralement marquée par une euphorie excessive et par un rétrécissement du profondeur des marchés boursiers en faveur d’une poignée de valeurs de premier plan. Concrètement , on peut déceler des fissures dans le récit haussier du marché bien avant qu’un krach ne se matérialise.

En 2007, il y avait des signes avant-coureurs sur le marché immobilier résidentiel américain en surchauffe. En 2000, les indicateurs de la profondeur du marché américain se détérioraient déjà depuis le début de l’année 1998, un signe que de moins en moins de mégacaps étaient responsables de la hausse du marché dans son ensemble.

Surveiller les banques centrales : Plus important encore, les banques centrales menées par la Réserve Fédérale américaine ont relevé leurs taux d’intérêt à court terme bien avant chaque récession et chaque marché baissier qui ont suivi - en 1988-89, en 1999-2000 et en 2004-06.

Le marché reflète déjà des relèvements plus précoces des taux américains : Alors que la probabilité d’un programme d’aide de grande ampleur aux États-Unis a augmenté, les investisseurs ont réévalué la trajectoire des hausses de taux d’intérêt aux États-Unis. Celles-ci ont été avancées et revues à la hausse. En décembre 2020, le marché des contrats à terme sur fonds fédéraux anticipait seulement la moitié d’un relèvement de taux en 2024. Fin février, ce marché tablait sur une hausse totale du taux directeur de 25 points de base d’ici le début de l’année 2023 et sur deux hausses supplémentaires en 2024.

Le prix des contrats à terme sur fonds fédéraux de décembre 2020 était conforme aux prévisions d’absence de hausse du taux directeur avant la fin de l’année 2023 de la Fed. La réunion du FOMC de mars 2021 mettra à jour les prévisions économiques et de taux.

Optimisme des analystes à l’égard de la croissance économique américaine : À en juger par les prévisions de croissance du consensus pour 2021, les États-Unis sont bien placés pour bénéficier des mesures combinées de relance budgétaire et monétaire, une croissance de près de 5 % étant désormais attendue pour cette année. La Chine prévoit également un fort rebond de la croissance à 8,4 % cette année, aidé par l’accélération de la production industrielle et des ventes au détail.

CONCLUSION

Généralement, les marchés baissiers n’apparaissent pas lorsque tout le monde les attend. La clé est un risque croissant de récession économique, généralement déclenchée par une hausse des taux d’intérêt par les banques centrales afin de ralentir une économie en surchauffe. Ce n’est pas le cas aujourd’hui, la perspective d’une accélération de l’inflation dans un avenir proche n’inquiétant pas les banques centrales. Compte tenu de la hausse des prévisions de croissance pour 2021e, nous restons optimistes.

Radar des risques

La rotation cyclique a-t-elle commencé ?

La correction « momo » arrive : Le mois dernier, j’ai écrit que la hausse de l’euphorie spéculative se manifestait dans différents segments soumis au « momentum » des marchés financiers mondiaux. Le modèle Citi Panic/Euphoria, pour prendre l’exemple d’un indice de confiance du marché, a atteint un score d’euphorie de 2,1 en février, un niveau extrême jamais atteint dans son histoire en remontant jusqu’en 1987.

À la fin du mois de février 2021, nombre de ces actifs très spéculatifs tels que les entreprises de Big Tech, les Sociétés d’acquisition à vocation spécifique et le Grayscale Bitcoin Trust commençaient à enregistrer une correction par rapport à leurs plus hauts niveaux de 2021, atteints en fevrier.

La rotation cyclique est en cours : Toutefois, ce n’est certainement pas vrai pour tous les actifs risqués. À la fin du mois de février, l’indice S&P 500 était encore en hausse de 1,7 % par rapport à début 2021, le secteur de l’énergie (+ 27 %) et les banques régionales américaines (+ 24 %) prenant la tête de la hausse des actions « value » cycliques au détriment des valeurs de croissance momentum. En Europe, les groupes miniers ont enregistré une hausse de 17 % depuis le début de l’année, tandis que les banques de la zone euro ont progressé de 15 %.

La hausse n’est jamais sans heurts : Lors des précédentes phases haussières prolongées des marchés actions, comme l’épisode de 1991-2000 lorsque l’indice Nasdaq Composite a progressé de 1375 % en un peu plus de 9 ans (soit un tauxeffet de croissance annuel composé de plus de 30 % par an), de nombreux soubresauts ont été ressentis sur la route du sommet.

Au cours de cette période de plus de 9 ans, le Nasdaq a en effet chuté de plus de 10 % à plus de sept occasions distinctes (malgré la poursuite de l’expansion économique), et une chute de 30 % a même été enregistrée au T3 1998 au moment de la crise de LTCM.

Faut-il prévoir une rotation des leaders du marché ? Nous ne devons donc pas conclure que toute correction du marché est le prélude à une chute bien pire de la bourse. Toutefois, il est possible que nous assistions à une résurgence des actions « value », au fur et à mesure de la réouverture progressive des économies à travers le monde et de l’accélération de la consommation intérieure.

Ainsi, la fin du marché haussier sera annoncée par un changement de politique monétaire de la part des banques centrales, via des taux d’intérêt plus élevés qui déclenchent généralement une récession.

CONCLUSION

La mini-correction tant attendue des valeurs de croissance momentum (comme les actions FAANG américaines) ne présage pas nécessairement d’une correction durable de l’ensemble du marché boursier. Comme le montrent les années 1990, les corrections périodiques font partie intégrante de tout marché haussier prolongé. Mais nous pouvons nous attendre à une nouvelle rotation sectorielle vers les secteurs cycliques, au détriment des valeurs de « croissance » qui ont fortement surperformé depuis 2009.

Thème du mois

Un nouveau super cycle des matières premières ?

Fin du cycle baissier de long terme, début du cycle haussier : À en juger par l’indice équipondéré des matières premières Refinitiv, les matières premières en tant que classe d’actifs sont dans un marché baissier volatil depuis 2008. Depuis son apogée, cet indice de matières premières a chuté de plus de deux tiers, un investissement médiocre lorsque les marchés des actions et obligataires se sont révélés si solides.

La hausse des anticipations inflationnistes aux États-Unis a généralement déclenché un rebond des matières premières ; mais jusqu’à présent, la réaction des cours des matières premières a été particulièrement modérée.

Depuis le point bas atteint en mars 2020, cet indice global des matières premières a déjà regagné 46 %. La liste des matières premières qui ont enregistré de fortes hausses de prix est très large, allant du rhodium et de l’étain dans le domaine des métaux, au bois et au soja dans celui des matières premières agricoles.

Méfiez-vous de la solidité de tout super cycle : Bien qu’il n’y ait pas deux super cycles identiques, il convient de noter que le dernier super cycle, de 1999 à 2008, a vu cet indice de matières premières progresser de plus de 220 % du creux au pic.

Raisons de croire en un nouveau super cycle : 1) Une forte croissance de la demande grâce à la reprise de l’économie mondiale, tirée par la Chine et les États-Unis. La forte reprise industrielle chinoise stimule la demande mondiale de matières premières, la Chine étant l’acheteur marginal de nombreuses matières premières industrielles. Les États-Unis et l’Europe vont également stimuler la demande de plusieurs métaux industriels via leurs plans de dépenses en infrastructures axés sur les énergies renouvelables.

2) L’offre de plusieurs matières premières reste très limitée, en raison d’une gestion par quotas (pour le pétrole) et d’un sous-investissement persistant dans de nouvelles mines lié à la faiblesse des prix. Les stocks dans les entrepôts pour plusieurs métaux (par exemple le cuivre et l’étain) sont tombés à des niveaux qui n’ont pas été aussi bas depuis plusieurs années. Dans les secteurs des métaux et de l’agriculture, le cycle d’investissement est long, donc l’offre risque de rester limité à court-terme.

3) La demande d’investissement reste soutenue pour les matières premières de la part d’investisseurs en quête de diversification par rapport aux actions et aux obligations, et de protection contre la dévalorisation des devises papier à un moment où les rendements réels restent fermement négatifs.

CONCLUSION

Les données ne sont pas encore totalement concluantes, mais plusieurs facteurs liés à l’offre et à la demande laissent entrevoir le début d’un nouveau super cycle des matières premières, qui devrait durer plusieurs années. La question clé reste celle de la durabilité de la croissance de la demande chinoise, toujours le plus grand consommateur marginal de matières premières au monde.

Perspectives des marchés des actions et des matières premières

Il est trop tôt pour s’inquiéter de l’inflation

N’ayez pas peur de la hausse des rendements obligataires : Les rendements des emprunts d’état américains ont augmenté au cours du mois passé de 1,0 % à 1,5 % à début-mars en grande partie à cause de la hausse des anticipations inflationnistes.

Comme le montre le graphique, historiquement, une augmentation de l’inflation aux États-Unis n’est pas un obstacle à la performance du marché des actions, tant que le taux d’inflation reste entre 1,5 % et 4 %. En fait, les meilleures performances de l’indice S&P 500 ont été enregistrées lorsque l’inflation se situe entre 1,5 % et 2,5 %.

Des courbes de taux plus pentues sont favorables aux valeurs cycliques : Cela conforte notre préférence pour une exposition cyclique. En effet, les valeurs cycliques devraient bénéficier le plus de la hausse des prix. Le secteur clé sur lequel se concentrer en période de pentification des courbes de taux est le secteur bancaire, qui a régulièrement sous-performé depuis 2009. Le retour des distributions de dividendes cette année est un facteur favorable supplémentaire pour les banques. Nous avons donc revu à la hausse notre opinion sur ce secteur, à positive.

En revanche, nous avons revu à la baisse notre exposition sectorielle défensive, ramenant notre opinion sur les services aux collectivités de neutre à négative, et celle sur les secteurs de la santé et de la technologie européenne de positive à neutre.

Le pétrole brut surprend à la hausse : Même si nous nous sommes montrés positifs quant aux perspectives des marchés pétroliers, nous avons été surpris par la vigueur des cours du Brent et du WTI. En moins de 2 mois, ils ont tous deux gagné près de 30 % pour dépasser largement les 60 USD le baril. L’OPEP+ maintient sa discipline en matière de quotas, tandis que la demande de pétrole rebondit, à en juger par la baisse continue des stocks de brut aux États-Unis.

Cela étant, nous préférons la prudence en matière d’exposition au pétrole à ce stade, et choisirions de prendre nos bénéfices et d’attendre une correction avant de renforcer l’exposition à cette matière première.

Le cuivre et l’étain sont les leaders du groupe des matières premières : cependant, nous continuons de privilégier l’exposition aux métaux industriels affichant une solide dynamique haussière, en particulier ceux dont l’offre est manifestement contrainte à court terme. Les stocks des entrepôts du LME étant à leur plus bas niveau depuis 10 ans, le cuivre et l’étain restent parmi nos métaux industriels préférés, tant en raison d’un rebond de l’économie mondiale que de la croissance de la demande structurelle d’infrastructures d’énergie renouvelable.

CONCLUSION

Un environnement macroéconomique marqué par une hausse des prix à la production, une forte croissance nominale attendue et des rendements réels négatifs demeure un cocktail enivrant pour les actifs risqués tels que les actions et les matières premières, ainsi que pour le crédit à haut rendement. Nous révisons à la hausse notre opinion sur le  secteur bancaire à positive, compte tenu de la reprise des versements de dividendes en 2021 et des avantages d’une pentification de la courbe des taux. Dans le secteur des matières premières, nous maintenons notre biais positif sur les métaux industriels, qui continuent de bénéficier d’une solide dynamique positive.

Perspectives sur les obligations, le crédit et le marché des changes

Début d’année médiocre pour les emprunts d’État

Accélération de la pentification de la courbe des taux américaine : De moins de 0,6 % en août 2020 et 0,9 % en début d’année, les rendements des bons du Trésor américain à 10 ans menacent de revenir à leurs niveaux d’avant la pandémie, atteignant récemment le seuil des 1,4 % pour la première fois en un an.

Appétit pour le risque depuis novembre 2020 : Depuis le début du mois de novembre, les investisseurs ont privilégié les actifs risqués tels que les actions, les matières premières et les obligations à haut rendement. En revanche, le marché obligataire mondial a affiché un rendement de -3 % (en euros) depuis novembre et de -2 % (en dollars) depuis le début de l’année.

L’essentiel des dégâts a été causé par les anticipations d’inflation : Alors que les taux d’inflation sous-jacente sont restés bien inférieurs aux objectifs des banques centrales aux États-Unis et dans la zone euro, les cours des marchés obligataires reflètent à présent une hausse des anticipations d’inflation à moyen terme, en particulier aux États-Unis.

Nous restons prudents à l’égard des obligations souveraines des principaux pays.

Rebond de la livre sterling : La nette dynamique haussière de la livre sterling depuis septembre de l’année dernière a en effet  accéléré en février. Pour la première fois depuis début 2018, le câble (GBP/USD) a dépassé les 1,40 USD (alors que notre objectif à 12 mois était de 1,45 USD), tandis que la livre sterling s’est appréciée face à l’euro pour atteindre un taux de change de l’EUR/GBP inférieur à 86 pence par euro.

Coup de pouce des vaccins au Royaume-Uni : Cette vigueur de la devise de l’île est due à la réduction de l’incertitude liée au Brexit, mais plus encore au succès relatif du déploiement rapide du programme britannique de vaccination contre le coronavirus. À ce jour, plus de 25 % de la population a reçu au moins 1 dose. Le Premier ministre Boris Johnson a dévoilé les grandes lignes de la « feuille de route » du gouvernement britannique pour sortir des restrictions actuelles, laissant espérer une forte croissance de la consommation non satisfaite aux T2 et T3 de cette année.

CONCLUSION

Nous continuons de préférer les obligations d’entreprises aux obligations souveraines américaines et européennes, le crédit à haut rendement des anges déchus s’étant particulièrement bien comporté. Les obligations souveraines des marchés émergents libellées en dollar américain continuent de surperformer les emprunts d’État américains en valeur relative, tout en offrant un rendement global de près de 4 %. Le dollar américain semble reprendre sa trajectoire baissière - nous préférons l’exposition à la livre sterling et aux devises liées aux matières premières, par exemple le dollar canadien et le dollar australien.