COVID-19 : MISE A JOUR DU 13 MARS

Florent Bronès & Guy Ertz & Roger Keller & Xavier Timmermans & Alain Gérard & Edouard Desbonnets

Notre scénario est incertain à court terme car la psychologie domine, l’irrationnel face à la pandémie prend le dessus, et la panique se généralise. Mais nous restons persuadés que cette phase est transitoire.

BNP Paribas Wealth Management

Notre scénario est incertain à court terme car la psychologie domine, l’irrationnel face à la pandémie prend le dessus, et la panique se généralise. Mais nous restons persuadés que cette phase est transitoire.

On constate le 13 mars un rebond des marchés actions après l’effondrement d’hier. La volatilité élevée que l’on constate depuis deux semaines se poursuit.

Sur le front de l’épidémie de Covid-19, le nombre de nouveaux cas d’infection en Chine est presque nul, il se stabilise en Corée. Par contre en Europe, la hausse rapide des infections se poursuit. Aux Etats-Unis, le nombre de cas demeure faible et le risque d’une accélération notable durant les prochains jours est souvent évoqué.          

Les marchés financiers rebondissent car sur le plan des politiques économiques, les nouvelles  vont dans le sens d’un stimulus fiscal et monétaire généralisé. Aux Etats-Unis, la Fed a injecté de très importantes liquidités sur le marché monétaire ; sa réunion de mercredi 18 mars devrait concrétiser une nouvelle baisse des taux officiels et peut être une reprise du « Quantitative Easing », achats sur le marché d’obligations d’entreprises avant tout. Les taux souverains sont déjà très bas, une reprise des achats d‘obligations gouvernementales ne servirait pas à grand-chose. En Europe, la BCE a pris des mesures significatives qui ont un peu déçu les marchés, mais le stimulus monétaire supplémentaire est bien là (augmentation du QE et nouveau TLTRO).

Mais c’est surtout sur le plan de la politique fiscale que des éléments nouveaux apparaissent. En Europe, M. Macron a clairement dit que la priorité est sanitaire « la santé n’a pas de prix ». Les contraintes budgétaires apparaissent secondaires. En Allemagne, plusieurs membres du gouvernement dont Mme Merkel annoncent que des liquidités illimitées seront à disposition si nécessaire pour aider les entreprises et les ménages durant cette crise. L’Union Européenne prévoit de lever les contraintes budgétaires à cause de la clause de crise des accords internationaux. On se rappelle du « whatever it takes » de M. Draghi durant la crise régionale pour sauver l’Euro. Ce qui se passe en ce moment commence à ressembler à un « whatever it takes » fiscal face à la pandémie du Covid 19.

Aux Etats-Unis, un accord entre Républicains et Démocrates pour un ensemble de mesures destinées à lutter contre les effets de l’épidémie est en bonne voie de négociation. Un vote au Congrès pourrait avoir lieu dans les prochaines heures mais ce point reste à confirmer car M.Trump ne s’est pas exprimé sur ce nouveau programme budgétaire

Sur le plan des risques, il faut continuer de surveiller les marchés du crédit aux entreprises où les tensions restent manifestes et la liquidité étroite.

QUELS SONT LES ELEMENTS CLES DE NOTRE SCENARIO ?

1)     L’épidémie de Covid-19 suivra-t-elle partout l’évolution constatée en Chine, où après des mesures de confinement dures elle s’est calmée en un mois et demi ? Pour le savoir, il faudra suivre chaque cas spécifique. Le prochain pays est la Corée, où le nombre de cas serait à son point haut. Cela signifierait que les pays européens ont encore plusieurs semaines difficiles devant eux. De même aux Etats-Unis, où le nombre de cas commence seulement à augmenter.

Il y a beaucoup d’incertitudes autour du Covid19, mais un point est commun à toutes les analyses : cette épidémie sera transitoire.

2)     Face à l’impact très négatif à court terme sur la croissance économique (et sur les marchés financiers), les autorités politiques feront ce qu’il faut pour restaurer la confiance. D’une part avec les mesures nécessaires sur le plan sanitaire. D’autres part, en utilisant tous les outils à leur disposition en termes de politiques économiques.

3)     Nous avons ajusté notre scénario de croissance économique ; une récession technique globale (deux trimestres de contraction d’activité) est maintenant notre scénario de base. Mais avec le stimulus de politique économique couplé à l’inévitable cycle des stocks, le rebond de la croissance au second semestre devrait être fort. Nous sommes bien sur un scénario en U et non plus en V compte tenu des développements récents (pandémie).

4)     Ce profil en U dirige nos objectifs sur les marchés financiers : baisse des taux courts (banques centrales accommodantes) et longs (baisse de l’inflation et refuge vers des actifs peu risqués) au premier trimestre puis reprise ultérieure au second semestre (voir nos objectifs chiffrés dans la tableau ci-joint).

5)     Les marchés actions auront le même profil, avec une baisse qui dépasse largement notre scénario antérieur puis un rebond. Les profits des entreprises seront revus en baisse dans de nombreux secteurs, notamment ceux qui sont liés aux échanges internationaux (compagnies aériennes, tourisme, restauration…) et tous ceux qui ont des chaines de production internationales où le poids de la chine est important. Le secteur pétrolier souffrira également beaucoup de l’effondrement des prix du pétrole. Le rebond des marchés actions devrait anticiper le rebond des économies. Le point bas est cependant extrêmement difficile à localiser dans ces moments de paniques. Nous avons peu d’exemples historiques de tensions aussi extrêmes des indicateurs de sentiment, rarement le pessimisme aura été aussi dominant. Il n’est pas impossible que les bourses retrouvent fin 2020 leurs niveaux de début d’année car les valorisations se sont nettement améliorées.

6)     Notre nouvel objectif sur les prix du pétrole est un range 45/55$ pour le Brent. Le scénario de base est que la guerre des prix va amener une baisse importante des prix qui durera un semestre, au moins. L’ajustement du côté de l’offre de pétrole américain prendra quelques mois et le rebond de la demande se concrétisera avec le rebond de la croissance mondiale au second semestre. Dans un scénario moins probable, les négociations entre OPEP et Russie pourraient reprendre, car cette guerre des prix sera très douloureuse pour tout le monde, sauf pour les pays importateurs de pétrole.

Au total donc, notre scénario est incertain à court terme car la psychologie domine, l’irrationnel face à la pandémie prend le dessus, et la panique se généralise. Mais nous restons persuadés que cette phase est transitoire, comme la récession et la fuite vers la qualité à laquelle nous assistons. Nous maintenons un profil de rebond de la croissance économique, des taux d’intérêt et des bourses dans la seconde partie de l’année. Le détonateur du rebond pourrait être une action concertée des banques centrales et des gouvernements comme au Royaume-Uni.

DES RISQUES EXISTENT BIEN SUR

a)     Le Covid-19 n’est pas bien connu. Un rebond du nombre de personnes infectées en Chine ou en Corée serait un scénario de risque amenant à allonger la durée de la pandémie. Pour l’instant, le nombre de nouveaux cas ne cesse de baisser en Chine et en Corée.

b)     Une réaction insuffisante des autorités, sur le plan sanitaire ou économique, n’est pas notre scénario, mais ce n’est pas impossible. On le voit sur la réaction des marchés le 12 mars, séance postérieure au discours du Président Trump qui a déçu et que les décisions de la BCE n’ont pas réussi à calmer.

c)     Le risque le plus sérieux et le mieux identifié, est le risque de crédit. Des entreprises vont faire face à des difficultés de trésorerie et les tensions sur les marchés du crédit et sur les « prêt à effets de levier » renchérissent les conditions financières. Le secteur du pétrole de schiste aux Etats Unis est très endetté et représente une part importante du High Yield. Avec la récession technique que nous anticipons, les taux de défaut vont augmenter. Attention donc au risque « boule de neige » de ce segment des marchés financiers.

SCENARIO MACROECONOMIQUE

Notre scénario central pour 2020 est désormais une récession technique au premier semestre de cette année, car nous pensons qu'une réponse politique appropriée permettrait un rebond de l'économie une fois le choc dissipé. Il s'agirait toutefois d'une reprise en forme de U. Des mesures drastiques pour limiter la contagion, comme en Chine et en Corée du Sud, ont généré des résultats prometteurs. Cela a toutefois un impact significatif à court terme sur l'activité économique. Si la correction des marchés financiers dure trop longtemps, elle pourrait peser beaucoup plus sur l'économie réelle. En effet, la forte baisse des cours des actions et l'élargissement des spreads de crédit pourraient aggraver les perspectives par l’effet richesse, elle pourrait même affecter la capacité des entreprises à faire face à un choc sur leurs flux de trésorerie. Mais ce n'est pas notre cas de base.

Comme nous l'indiquons plus en détail ci-dessous, nous prévoyons une combinaison de mesures budgétaires et monétaires visant à réduire l'impact négatif de l'épidémie de virus dans les principales économies. Le Royaume-Uni a joué un rôle de premier plan, notamment en termes de mesures fiscales. Les principaux risques pesant sur notre scénario sont :

- Une nouvelle hausse des cas infectés dans des pays comme la Chine et la Corée du Sud.

-  Les premiers signaux d'un soi-disant resserrement du crédit - c'est-à-dire que les entreprises sont confrontées à des contraintes de liquidité même si elles conservent une solvabilité saine à moyen terme. Dans un tel scénario, les taux de défaut augmentent fortement et deviennent auto-réalisateurs. Les gouvernements et les banques centrales sont conscients de ce risque et semblent engagés à le limiter.

NOUS MODIFIONS NOS HYPOTHÈSES EN TERMES DE POLITIQUES MONÉTAIRES ET DE RENDEMENTS OBLIGATAIRES.

La Réserve fédérale américaine récemment augmenté ses injections de liquidité dans le marché monétaire car les taux interbancaires montrent des signes de tension, légers mais persistants. Nous anticipons une baisse de taux de 75 points de base lors de la réunion du 18 mars, pour les mettre dans la fourchette 0-0,25% comme pendant la crise financière de 2008. La Fed devrait aussi reprendre ses achats d’obligations et de titres adossés à des créances hypothécaires (Mortgage-Backed Security). Elle pourrait être tentée d’acheter de la dette privée, comme le fait la BCE. Cependant, il lui faut l’accord du Congrès, à moins qu’elle n’invoque l’extraordinaireté de la situation. C’est ce qu’elle avait fait en 2008 pour acheter des obligations de très court terme (dette émise par des entreprises ou des sociétés financières). Une fois la situation sanitaire stabilisée, l’appétit pour le risque devrait revenir et la Fed pourrait alors relever ses taux d’intérêt lentement avec l’objectif de revenir à une situation d’avant choc sanitaire. Les taux Fed funds pourraient donc être dans la fourchette 0,50-0,75% dans douze mois.

 

En zone euro, la BCE a déçu le marché lors de sa réunion du 12 mars en avouant à demi-mot le rôle limité qu’elle peut jouer dans cette crise et en ne baissant pas le taux de dépôt. Elle a cependant pris des mesures fortes pour limiter l’impact économique du coronavirus et éviter une vague de faillites en augmentant son enveloppe d’achat d’obligations de 120 milliards et en offrant des solutions de refinancement. Les banques pourront se financer auprès de la BCE à un taux négatif (-0,25%) voire très négatif (-0,75%) si elles prêtent aux entreprises. La BCE semble réticente à l’idée de baisser son taux de dépôt (-0,50%) mais pourrait être contrainte de le faire si l’euro s’appréciait trop face au dollar. Nous pensons que la BCE devra, à terme, augmenter encore ses achats d'obligations, ce qui pourrait l’obliger à élargir la réserve d'actifs disponibles.

 

Quant aux rendements obligataires, la volatilité devrait rester élevée à court terme et les rendements pourraient même atteindre des niveaux plus bas si les gouvernements tardent à délivrer des mesures de relance budgétaire. A horizon douze mois, les rendements devraient être plus élevés qu’aujourd’hui car la situation sanitaire devrait s’améliorer et les impacts des mesures budgétaires et monétaires se faire sentir. Nous voyons le rendement américain à 2 ans (obligation gouvernementale) atteindre 1% et celui à 10 ans à 1,25%. En ce qui concerne l’Allemagne, nous anticipons -0,70% pour le rendement à 2 ans et -0,40% pour le rendement du Bund. Ainsi, nos objectifs de rendement reflètent un scénario de reprise économique au second semestre. Les anticipations d’inflation devraient également se stabiliser. La courbe des rendements américaine serait légèrement pentue (rendement à 10 ans supérieur au rendement à 2 ans) et les rendements allemands resteraient négatifs, conséquence de la pénurie d’obligations AAA en zone euro.

 

Nous avons changé nos vues sur les obligations à haut rendement américaines (de neutres à négatives) et sur les obligations d’entreprise des pays émergents en devise forte le 9 mars (de positives à neutres).

 

LES OBLIGATIONS A HAUT RENDEMENT AMERICAINES

Les écarts de rendement se sont violemment tendus suite à la lourde chute du prix du pétrole. En effet 14% des entreprises HY sont dans le secteur de l’énergie, notamment dans le pétrole de schiste. Nombre d’entre elles sont surendettées et 2/3 de celles faisant de l’exploration et de la production traitent dans le marché à des niveaux stressés. L’accès au financement pourrait devenir problématique pour elles et on peut craindre des défauts de paiement. En plus de cela, la panique créée par la propagation du coronavirus fragilise grandement des secteurs comme les voyages et les loisirs. La liquidité se réduit sur la classe d’actifs, comme c’est généralement le cas en période de forte aversion au risque. Ceci pourrait déclencher une spirale où les fonds seraient obligés de vendre leurs actifs à des prix dégradés pour dégager de la liquidité afin de faire face aux rachats. Dans ce contexte, nous sommes devenus négatifs sur cette classe d’actifs.

 

LES OBLIGATIONS D’ENTREPRISES DES PAYS EMERGENTS EN DEVISE FORTE

Elles se sont fortement appréciées grâce à la baisse massive des rendements obligataires américains. Ces derniers ont touché des points bas historiques et l’on peut raisonnablement penser qu’ils n’iront pas beaucoup plus bas. Ainsi cette source de performance pour les obligations d’entreprises des pays émergents en devise forte nous semble épuisée. De plus, les entreprises liées au secteur de l’énergie, au Moyen-Orient par exemple, vont souffrir de la chute du cours du pétrole. Les probabilités de défaut risquent d’augmenter dans ce secteur. Aussi, nous préférons clôturer notre avis positif (initié en juin 2019) et adopter une vue neutre. En utilisant l’indice de référence cet investissement a généré un gain de 5%. Le rendement moyen est proche de 5%.

 

Les changements d'hypothèses concernant la politique monétaire et les rendements obligataires nous ont amené à changer de point de vue sur l'EUR/USD. Les ajustements sur les autres devises sont assez mineurs à ce stade.

 

REVISION DE NOS OBJECTIFS POUR L'EUR/USD

Les niveaux élevés de volatilité du marché devraient persister jusqu'à ce que des signaux plus clairs de stabilisation concernant l'évolution du virus soient observés. Combiné à la baisse des rendements américains, le différentiel de taux d’intérêt sur le dollar s'est estompé et ne devrait pas augmenter à court terme. Ces facteurs devraient affaiblir le dollar. Nous avons ainsi revu notre objectif 3 mois à 1,14 contre 1,12.

Au cours de l'année à venir, nous pensons que la réduction des écarts de rendement des obligations sera le principal moteur pour la faiblesse du dollar. La réponse budgétaire américaine devrait aussi entraîner un creusement du déficit courant, pesant sur la devise. De plus, les élections présidentielles prévues en novembre prochain devraient renforcer l'incertitude, ce qui pourrait accroître la volatilité du dollar. La surévaluation structurelle du dollar américain reste un deuxième facteur clé à long terme par rapport à l'euro. Par conséquent, l'environnement à court terme s'avère plus favorable à l'euro qu'auparavant. Nous avons ajusté notre objectif de 12 mois à 1,16 (contre 1,14).

OU VONT LES PRIX DU BARIL DE PETROLE ?

Aucune des parties ne peut sortir gagnante d’une guerre des prix. L’Arabie Saoudite a déjà essayé cette stratégie fin juillet 2014 et a abandonné après 1 an et demi en janvier 2016, se rendant compte que l’industrie du pétrole de schiste s’était adaptée grâce à des progrès technologiques. Or l’Arabie Saoudite part déjà avec un déficit budgétaire de 6% de son PIB.

Le but des saoudiens est vraisemblablement de démontrer qu’il vaut mieux coopérer pour stabiliser les prix que de se battre pour des parts de marché ; les récents événements ont une dimension géostratégique non négligeable.

Les prix du pétrole brut devraient remonter même dans le pire scénario

Si la guerre des prix se prolonge, l’offre de pétrole de schiste devrait diminuer après 4-5 mois suite à une réduction des investissements faute de financements. Rappelons que les puits de pétrole de schiste ont une durée de vie relativement courte et doivent être sans cesse renouvelés, ce qui est très couteux. Aux bas prix actuels, les producteurs ne parviennent plus à obtenir des financements via la bourse ou le marché des obligations High Yield.

D’ici quelques mois, une fois la pandémie terminée, la demande devrait repartir à la hausse. Un redémarrage synchronisé des économies mondiales devrait amplifier le phénomène. La croissance de la demande en 2020 devrait être proche de zéro (contre 1 million de barils par jour prévu avant le Coronavirus) mais les estimations pour 2021 tablent sur une croissance de 2,7 mb/j.

Les surplus devraient rester toutefois importants ce qui plaide pour une remontée dans la fourchette 45-55$ et pas au-delà en absence de disruptions involontaires.  

 

VOLATILITE DURABLE SUR LES MARCHÉS ACTIONS

De bonnes opportunités d’achat dans une perspective à moyen terme

Nous maintenons notre message d’achat sur replis. Concrètement, nous considérons que les niveaux actuels sont très attrayants dans une optique à moyen terme. Un retour graduel à la normale de l’activité économique au fil de l’estompement de la pandémie, couplé à l’impact positif provenant des mesures de stimulation de nature monétaire et budgétaire et à l’impulsion reflationniste du crash du prix du pétrole, alimentera le retour de l’appétit pour le risque.

Entre-temps, dans les prochaines semaines, les marchés devraient rester très volatiles, dans un contexte de publications de données macroéconomiques négatives et de révisions à la baisse des attentes de croissance des profits. Pour 2020, nous n’attendons plus de hausse des profits entre 1% et 5% (consensus à 8%). En raison d’un effet de levier opérationnel fortement négatif au premier semestre, d’une pression accrue des salaires et d’une poursuite de la hausse des charges financières aux Etats-Unis, nous envisageons un recul des profits de l’ordre de 10% au niveau mondial. Selon la rapidité de la reprise au second semestre, cette anticipation pourrait se révéler trop conservatrice.

En terme de valorisations, le PE prospectif de l’indice MSCI World AC est passé de 17 à 14 fois, soit un retour vers la moyenne à long terme. Comme nous considérons que la récession est liée à un facteur exogène, qu’elle est de nature technique et que l’activité devrait se redresser rapidement au second semestre, les risques à la baisse nous semblent désormais limités. Nous réitérons dès lors que nous sommes acheteurs dans une optique de forte remontée des cours d’ici la fin de l’année. Ils devraient revenir au moins vers leur moyenne mobile à 200 jours d’ici la fin de l’année, dans l’anticipation d’une poursuite de la croissance de l’économie mondiale en 2021 et compte tenu d’une absence d’opportunités de placements attrayantes dans d’autres classes d’actifs. En d’autres termes, nous tablons sur l’absence d’une crise des crédits, sur des mesures politiques suffisantes et l’absence d’une ré-accélération des cas de virus.

Nos préférences régionales demeurent inchangées. Les bourses émergentes devraient profiter d’une maitrise du virus par les pays asiatiques avant les autres régions et d’un potentiel de croissance des profits à moyen terme supérieur à la moyenne. Les Etats-Unis devraient capitaliser sur leur caractère plus défensif, la zone euro de son profil modérément pro-cyclique et le Royaume-Uni d’un stimulus monétaire et budgétaire le plus important depuis 1992.

 

IMPACT SECTORIEL

Focus d’abord sur le secteur de l’énergie (pétrole et gaz) qui était déjà bon marché avant la forte correction en cours : il l’est encore bien davantage maintenant. Les Majors européennes (BP, Royal Dutch, Total) ont chuté à des niveaux que l’on n’avait plus vu depuis la fin des années 90. A l’époque, le pétrole était tombé en-dessous de 20$, alors qu’en ce moment, il traite encore au-delà de 30$. Nous pensons que des prix aussi bas sont intenables pour les producteurs et que les prix devraient remonter minimum à 45$ d’ici la fin de l’année. En outre, les bilans financiers des entreprises énergétiques sont plus solides aujourd’hui qu’ils ne l’ont jamais été. Les dividendes de ces Majors sont particulièrement attrayants : rendements au-delà de 10%. Nous rappelons que même au pire de la grande crise financière de 2008-2010, ces sociétés ont continué à payer de bons dividendes (NB : BP avait annulé deux dividendes trimestriels en 2010 lors de la catastrophe de ‘Macondo’ mais avait vite repris ses distributions ensuite). Les ratios cours/ bénéfices sont tombés aux environs de 7 à 8x en Europe et 13,6 aux US. L’énergie pourrait toutefois rester volatile pendant quelques temps mais une telle occasion d’achat ne s’était plus produite depuis 1996! Nous restons positifs sur ce secteur.

En revanche, les banques américaines vont être impactées par les défaillances attendues des acteurs les plus faibles du secteur énergétique (et peut-être dans d’autres industries si la crise venait à s’étendre). Le ralentissement économique attendu et la courbe des rendements sont devenus des vents contraires forts. De nouvelles baisses des taux directeurs de la Fed sont attendues dans un avenir proche. Dès lors, nous devenons plus prudents sur les banques US (nous baissons notre avis de positif à neutre de même que sur le secteur financier en général) en attendant d’y voir plus clair quant à l’impact économique des ‘black swans’ récents. Nous maintenons toutefois le secteur des assurances à positif, ses caractéristiques étant plus défensives et les niveaux de valorisation restant relativement attractifs (ratios cours/ bénéfices aux environs de 8x maintenant). Des points d’entrée fort intéressants commencent aussi à apparaitre pour les banques européennes (opinion neutre) mais il vaut mieux rester positionné sur les plus solides.

Certains secteurs défensifs que nous jugions chers en début d’année sont maintenant beaucoup plus attractifs. Après la forte baisse des marchés et des taux d’intérêt, le secteur des biens de consommation de base passe de négatif à neutre. Nous relevons le secteur des soins de santé de neutre à positif, d’autant que le ‘risque Sanders’ semble bien moins grand aujourd’hui depuis que l’establishment du Parti démocrate américain s’est rallié en très peu de temps derrière Mr. Biden, beaucoup plus modéré dans ses vues. La chute actuelle offre de superbes points d’entrée pour ce secteur maintenant à nouveau bon marché. Il est retombé à des ratios cours/ bénéfices de l’ordre de 14 à 15x alors qu’il devrait être peu affecté, voire bénéficier dans certains cas de la crise du Coronavirus. Depuis quelques trimestres, on observe un renouveau de croissance bénéficiaire solide, attendue à environ +10% en 2020.

Au sein des secteurs technologiques, nous continuons de favoriser l’Europe et aussi, globalement, les titres permettant de jouer la 5G et l’e-commerce. Les consommateurs et même les travailleurs vont être de plus en plus confinés chez eux dans les semaines qui viennent. Ceci va nécessiter de meilleures connections internet et engendrer un développement accéléré des loisirs et du shopping sur la toile.

Pour les autres secteurs, l’impact à moyen terme est plus incertain et nous ne changeons pas nos vues. Le secteur industriel (opinion négative) reste fort risqué et mettra davantage de temps que les autres à se reprendre. Outre le secteur aéronautique mal en point, nous attendons un report, voire une baisse significative des investissements industriels du secteur privé. L’impact final du Covid-19 est encore très peu clair et nous nous attendons dès lors à une volatilité persistante au moins jusqu’à la prochaine saison des résultats en avril-mai.

L’environnement reste compliqué aussi pour le secteur de la consommation discrétionnaire (opinion neutre). L’impact des crises actuelles sur la consommation finale est encore incertain même si la baisse des prix du pétrole représente un soutien inattendu. Comme mentionné à de nombreuses reprises, c’est un secteur fort disparate aujourd’hui. Il propose plusieurs ‘grands gagnants’ des nouvelles tendances de la consommation. Inversement, à court terme, nous continuerions à éviter les titres liés aux loisirs traditionnels (restaurants, cinémas, etc) et aux voyages en général tant que nous recevrons un flux de mauvaises nouvelles (cf. par exemple la fermeture complète des parcs Disney annoncée partout dans le monde ce 12 mars ou encore la fermeture des restaurants, bars, discothèques, etc annoncée par plusieurs gouvernements européens).

En conclusion, à la suite de la dislocation récente des marchés, les secteurs ‘value’ et cycliques cotent aujourd’hui à des niveaux particulièrement attractifs, avec des cours d’actions de sociétés réputées que l’on n’avait plus vus dans certains cas depuis plus de 20 ans ! Vu la très grande volatilité actuelle, nous pouvons concevoir que des investisseurs peuvent se sentir mal à l’aise avec ces secteurs. Dès lors, nous suggérons de se positionner d’une part sur les industries les plus décotées que sont l’énergie, certaines financières et de manière générale les sociétés solides qui payent de bons dividendes. D’autre part, pour atténuer le risque du portefeuille - et considérant qu’il est impossible de déterminer aujourd’hui si nous sommes enfin au ‘pic de la peur’ (qui correspondra sans doute au point bas des marchés d’actions) , nous suggérons d’atténuer la volatilité en se diversifiant vers de solides secteurs de croissance, notamment les soins de santé et certaines technologiques qui pourraient profiter de la crise actuelle, en particulier les valeurs liées à la 5G et à l’e-commerce.