Faut-il avoir peur du naufrage de la Silicon Valley Bank ?

Contexte boursier
Forte baisse du secteur bancaire et des marchés actions, à la suite de la recapitalisation annoncée de la Silicon Valley Bank (SVB), une banque régionale californienne. Jeudi soir (9 mars), l’indice S&P 500 chutait de 1,8% sur cette nouvelle, l’indice bancaire américain S&P 500 Banks corrigeant lui de 6,6%. L’Europe ouvrait en forte baisse vendredi, de l’ordre de -2% avant de se reprendre quelque peu. Ce lundi matin, les bourses européennes rechutent d’environ 3%.
Que s’est-il passé ?
La Silicon Valley Bank est spécialisée dans le financement de startups et de jeunes sociétés technologiques, un business risqué et qui l’est devenu encore davantage à la suite de la remontée des taux depuis un an.
Son business model provoque une baisse continue des liquidités au fur et à mesure que les sociétés avec lesquelles SVB travaille utilisent leur cash. Pour faire face à des retraits de liquidités, SVB a dû récemment vendre à perte une partie de ses placements obligataires, ce qui a grevé son capital. Pour se renflouer et tenter d’assurer sa pérennité, SVB avait décidé d’augmenter son capital de 2,25 milliards d’USD via une émission de nouvelles actions.
Sur ces nouvelles, l’action a chuté de 60% et c’est tout le système bancaire américain qui a été secoué en bourse. Bien sûr, ceci pose des questions quant à la liquidité du système bancaire en général et aux possibles risques de contagion.
Durant le weekend du 11-12 mars, le régulateur américain a finalement décidé de prendre le contrôle de SVB tout en garantissant ses dépôts et en permettant les retraits de cash. La banque rouvre ce lundi alors que l’action reste suspendue en bourse.
Faut-il craindre une contagion au système bancaire américain ?
Pas vraiment. On ne devrait pas avoir de mauvaises surprises avec des pertes non réalisées sur le portefeuille obligataire des grandes banques américaines, celles-ci le réévaluant à la valeur de marché, lors des publications trimestrielles de résultats.
En outre, globalement, les banques affichent une situation saine en termes de liquidités et n’ont donc pas besoin de vendre des obligations. Le cas de SVB est très particulier et ses soucis sont dus à une gestion particulièrement médiocre de ses liquidités et de son bilan en général (surtout compte tenu de son business model et de sa clientèle).
De manière générale, une certaine baisse des liquidités est observée dans le système bancaire américain, mais c’est après une croissance énorme des dépôts liée aux chèques que l’administration américaine avait fournis aux ménages lors de la crise de la covid afin de stimuler l’économie.
Les bilans des grandes banques américaines sont sains. Par contre, compte tenu du nombre élevé de banques régionales américaines, il est statistiquement possible que l’une ou l’autre enregistre des sorties de dépôts si leur bilan a été mal géré. Ce serait peu étonnant dans ce contexte.
L’un dans l’autre, on note que les CDS (les ‘primes d’assurances obligataires’) des banques américaines ont très peu augmenté, à peine quelques points de base. Et on est encore loin des pics atteints en octobre lors de la crise liée à la restructuration de Crédit Suisse.
Les spreads de crédit d’émetteurs de qualité ont augmenté d’environ 0,1% et ceux de qualité inférieure de l’ordre de 0,5%. C’est peu.
Les grandes banques américaines pourraient même profiter d’un éventuel transfert de dépôts de la part de clients qui avaient placé des liquidités dans des institutions moins solides.
Faut-il craindre une contagion au niveau européen ?
C’est encore moins probable. De manière générale, les CDS des banques européennes ont à peine augmenté. Celles-ci n’ont globalement PAS augmenté leurs poches obligataires ces dernières années et leurs bilans souffrent donc relativement moins de la remontée des rendements obligataires. Au contraire, leurs bilans maintenant très solides permettent dorénavant de prêter à nouveau à de belles conditions, plus vues depuis de nombreuses années, alors que leur financement, essentiellement via les dépôts des clients, reste très bon marché.
En outre, il n’existe pas vraiment de banques européennes spécialisées dans des niches similaires à la Silicon Valley Bank. En général, les banques européennes sont plus diversifiées et bien régulées.
Autres conséquences
Cette crise pourrait paradoxalement être positive pour les marchés actions, par exemple si la Réserve fédérale américaine tempérait son resserrement monétaire afin de soutenir la liquidité et la confiance du marché.
En outre, cet événement rappelle aux investisseurs les risques d’investir dans des petites sociétés pas toujours transparentes, ni bien gérées.
L’effet à court terme pourrait donc être un retour de l’appétit des investisseurs vers les sociétés de qualité montrant un bilan solide et suffisamment de liquidités alors que la tendance de ce début d’année a plutôt été marquée par un regain d’intérêt pour le risque et les sociétés de moindre qualité.
Les investissements plus illiquides et risqués devraient par contre voir leurs primes de risque augmenter.
Durant le weekend des 11-12 mars, outre la prise de contrôle de SVB par le régulateur américain, nous avons aussi appris que celui-ci mettait en place un mécanisme de liquidités/ refinancement de banques en difficulté : les institutions éligibles pourront obtenir des liquidités (sous forme de prêts allant jusqu’à un an) contre des obligations en portefeuille à un niveau de valorisation de 100% et non pas à la valeur de marché.
Conclusion
Les décisions rapides de soutien prises par les autorités américaines afin d’assurer la liquidité et d’enrayer une possible panique systémique vont dans le bon sens.
Nous pensons que cet événement devrait rester relativement contenu. Nous observerons les développements dans les jours et semaines qui viennent et s’il y a lieu de réviser notre opinion Positive sur le secteur bancaire (faiblement valorisé alors qu’il profite d’une explosion de ses profits liés à l’accroissement inédit des marges nettes d’intérêt).
Pour le moment, nous continuons de préférer les banques européennes aux banques américaines.