#Articles — 18.07.2022

Flash : Perspectives EURUSD

Xavier Timmermans, Chief Investment Advisor

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Synthèse

  • Les craintes de récession ont progressivement remplacé l'inflation comme principale source d'inquiétude. Une baisse potentielle de la demande est la principale explication donnée à la chute des prix des matières premières depuis mai.
  • Les fondamentaux de l'offre ne se sont pas améliorés, car les contraintes dues au manque d'investissements dans de nouvelles capacités de production ces dernières années vont persister longtemps. Les baisses liées aux craintes d'un affaiblissement de la demande en cas de récession doivent donc être considérées comme des opportunités d'achat à moyen terme.
  • Les craintes de récession pourraient nous accompagner pendant un certain temps. C'est pourquoi nous préférons investir dans des actions de producteurs de pétrole ou de métaux de base qui versent entre-temps des dividendes élevés.
  • Nous prévoyons que les prix du Brent resteront en moyenne supérieurs à 100 USD au cours du second semestre de 2022, avec de possibles pics temporaires, car les faibles stocks rendent les prix vulnérables à tout type de perturbation de l'offre. Investir dans des produits liés au pétrole peut également être considéré comme une couverture..

Energie

Les prix du Brent sont loin de leurs sommets de juin.  Quelles en sont les raisons ? Quelles sont les perspectives pour les prix du pétrole brut ? Les investisseurs doivent-ils y voir une opportunité ou s’en inquiéter ?

Les prix du pétrole ont baissé de plus de 20 % depuis leur sommet de début juin, lorsque le marché évaluait les impacts de l'interdiction progressive par l'Europe des importations de pétrole russe par voie maritime et de la reprise de la demande chinoise après la crise sanitaire. Depuis lors, des données économiques américaines plus faibles que prévu ont renforcé les craintes que la demande de pétrole ne soit affectée par une récession mondiale.

Aux États-Unis, les prix du gaz naturel ont également baissé (de 34 % par rapport au sommet atteint début juin, passant de 9,3 à 6,2 dollars par million d'unités thermiques britanniques) à la suite d'une explosion dans le terminal GNL de Freeport au Texas, qui va paralyser pendant trois mois près de 20 % des capacités d'exportation de gaz naturel liquéfié (GNL) des États-Unis. Le surplus de gaz qui en résulte a fait baisser les prix.

À l'inverse, en Europe, les prix du gaz naturel ont augmenté car le volume des importations en provenance des États-Unis sera limité jusqu'à l'automne. En outre, le flux de gaz russe dans le gazoduc Nord Stream1 a été réduit à 40 % de sa capacité en raison de prétendus problèmes techniques. En conséquence, les prix du gaz naturel en Europe ont bondi de 100 %. Nord Stream1 sera fermé pendant 10 jours à partir du 11 juillet pour les travaux de maintenance habituels.

Notre vue

Acheter ou augmenter une exposition au pétrole en-dessous de 100 $ pour le Brent pourrait être une stratégie de couverture judicieuse. Les stocks sont très bas par rapport à leur moyenne des 5 dernières années. Les prix du brut restent donc très vulnérables à toute perturbation de l'offre qu’elle soit climatique, politique ou technique.

La courbe des prix à terme reste en forte ‘backwardation’ (c'est-à-dire que plus la date d'expiration du contrat à terme est éloignée, plus le prix à terme est bas), ce qui indique clairement l'absence de surabondance de l'offre. Le rendement provenant du renouvellement des contrats à terme est toujours très élevé (11,5% sur 1 an au 13/7 toutes choses restant égales par ailleurs).

Le risque d'un arrêt complet du gazoduc Nord Stream1 semble faible car il serait trop coûteux pour le budget russe, tandis que le maintien d'un flux réduit de gaz présente deux avantages majeurs : conserver le prix maximum pour le plus petit volume possible et maintenir la pression sur les gouvernements européens au cours de l'hiver prochain en les empêchant de constituer des stocks suffisants d'ici octobre..

Néanmoins, le marché pourrait incorporer dans ses prix le risque d’une forte réduction de la demande en cas de récession (un risque croissant mais pas notre scénario principal).  C'est pourquoi nous préférons profiter de la correction pour acheter des actions des ‘majors’ pétrolières. Leur rentabilité reste très élevée même avec des prix pétroliers plus bas et les hauts dividendes permettent aux investisseurs d'attendre le moment inévitable où la demande se heurtera à nouveau aux limites de l'offre.

Perspectives

À court terme, toute perturbation de l'offre, comme le blocage des ports en Libye, les ouragans dans le golfe du Mexique ou de nouvelles restrictions russes, pourrait faire remonter les prix du brut à leur niveau le plus élevé de l'année, voire au-delà.

Pour la fin de l'année, la situation de l'offre et de la demande devrait s'améliorer un peu. La production américaine de pétrole de schiste augmente maintenant plus rapidement que prévu. La production totale de brut aux États-Unis pourrait atteindre 12,7 millions de barils par jour (contre 13 mb/j au plus haut en mars 2020), le pétrole russe devrait trouver son chemin hors de l'Europe et les prix élevés devraient entraîner une certaine destruction de la demande. 

L'OPEP+ a augmenté ses quotas de 648 000 b/j en juillet et août, mais dans la pratique, sa production reste inférieure aux objectifs.

Nous estimons que les prix du Brent devraient se traiter fin 2022 dans la fourchette de 105 à 115 dollars.  

Une bonne surprise pourrait venir d'une levée des sanctions à l'exportation touchant l'Iran. Les négociations sur le nucléaire ont repris, mais la probabilité d'un accord reste faible. En cas d'accord, l'Iran pourrait ajouter rapidement 1 million de barils par jour.

Du côté des risques, la Russie pourrait réduire sa production de pétrole en réaction à une tentative plafonnement des prix du pétrole russe proposé par les dirigeants du G7.

Conclusions pour les investisseurs

Le cours des actions des compagnies pétrolières sont très corrélées avec les prix pétroliers et ont donc sensiblement baissé avec ces derniers. Cette correction n’est peut-être pas terminée mais nous estimons que les niveaux atteints offrent des opportunités d’achat pour le moyen terme.

L'investissement dans les ETF/Futures pétroliers ou dans des actions de sociétés pétrolières peut en outre être considéré comme une couverture contre un scénario énergétique défavorable. 

Métaux de Base

La situation des métaux industriels est-elle la même que pour le pétrole ?

L'indice Bloomberg Base Metals Spot Price Commodity a perdu 37 % depuis son sommet de début mars, juste après l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Ici aussi, l'explication donnée est la crainte croissante d'une récession et la force du dollar. Par ailleurs, la réouverture de l'économie chinoise semble plus lente que prévu, les autorités s'en tenant à leur politique de contamination zéro face aux résurgences régulières du virus.

Le ministère chinois des finances vient d'annoncer qu'il envisage d'autoriser les gouvernements locaux à vendre 1 500 milliards de yuans (200 milliards de dollars) d'obligations spéciales au cours du second semestre de l'année, ce qui constitue une accélération sans précédent du financement des infrastructures visant à soutenir l'économie en difficulté. Ceci pourrait contribuer à stabiliser les prix des métaux de base bien que l’effet sur la demande ne devrait pas se faire sentir avant 2023.

Notre vue

Comme pour le pétrole, le problème structurel est le manque d'investissements récents dans de nouvelles capacités de production. Il faut plusieurs années, voire une décennie, pour ouvrir une nouvelle mine. L'élasticité de l'offre est donc faible alors que la demande pour les besoins de la transition énergétique va augmenter significativement. Cette dernière est renforcée par la volonté de réduire la dépendance au pétrole et au gaz russe.

À court terme, cependant, les perspectives sont assombries par les craintes de récession. Contrairement au pétrole, les courbes de prix à terme pour les principaux métaux sont en contango (hausse des prix en fonction de l'échéance du contrat à terme), ce qui montre que l'offre ne manque pas pour les prochains mois. Les stocks ont augmenté davantage que ceux du pétrole brut. Les prix des métaux de base sont donc plus vulnérables dans l'avenir immédiat.

L'impact positif de la politique budgétaire chinoise pourrait ne pas se faire sentir avant 2023.

Conclusions pour les investisseurs

Comme nous sommes convaincus que, tôt ou tard, la demande de métaux de base rebondira et se heurtera aux goulots d'étranglement de l'offre, acheter sur faiblesse des actions de sociétés minières qui continuent à générer d'énormes flux de trésorerie et à verser des dividendes élevés a du sens et est à préférer à une exposition directe aux métaux eux-mêmes. Les investisseurs devront peut-être attendre quelques temps pour une reprise durable des métaux de base, mais au moins, dans l'intervalle, ils seront bien récompensés par de gros dividendes.

Contrairement aux valeurs pétrolières, l’aspect couverture contre un scénario défavorable des prix de l’énergie n’existe pas, bien au contraire. Dans un tel scenario, la peur de la récession devrait prévaloir à court terme sur les perspectives positives à moyen terme.