#Articles — 25.06.2020

Fonds alternatifs - Nouvelles opportunités

Guy ERTZ, Chief Investment Advisor & Pascal CHROBOCINSKI, Senior Advisor – Alternative Investments

Investment theme 7 | BNP PARIBAS WEALTH MANAGEMENT

EN UN MOT :

Les Investissements Alternatifs ont prouvé au 1er trimestre leur capacité à limiter le risque de baisse. Depuis, ils continuent de démontrer leur capacité à bénéficier de la volatilité des marchés. La hausse de la volatilité ainsi que l'impact différencié de la crise COVID-19 et des mesures de relance sur les entreprises constituent un facteur positif clé pour les performances futures. « Macro » et « Long Short » font toujours partie de nos stratégies préférées.  Ce mois-ci, nous avons décidé de passer la « Relative Value » à « positive » et  l’« Event Driven » à « neutre ».

Quelles sont les stratégies d'investissement alternatives ?

Les fonds d'investissement alternatifs offrent différentes sources de rendement aux classes d'actifs traditionnelles comme les actions et les obligations, et cherchent ainsi à rendre un portefeuille d'investissement moins sensible aux fluctuations des marchés financiers en optimisant l'équilibre entre risque et rendement, c'est-à-dire en réduisant la volatilité. 

Que les marchés évoluent à la hausse ou à la baisse, le gestionnaire de fonds alternatifs utilisera des techniques et des stratégies d'investissement spécifiques, souvent sur l'ensemble des instruments financiers, dans le but de générer des rendements absolus positifs (c'est-à-dire indépendants d'un indice de référence). Un exemple est la vente à découvert : dans le cadre duquel un gérant cherchera à couvrir partiellement une position longue ou à tirer profit du cours surévalué d'une action. 

Toutefois, les fonds alternatifs sont également exposés aux mêmes problèmes de classe d'actifs et de liquidité du marché que les autres investissements, ainsi qu'à d'autres risques spécifiques tels que le recours à l'effet de levier (endettement) ou le risque lié à l'homme clé qui est associé aux sociétés de gestion qui comptent sur un ou quelques individus talentueux pour définir et mettre en œuvre leurs stratégies d'investissement. La plupart du temps, ces personnes clés sont investies de manière significative dans leurs fonds aux côtés d'investisseurs externes, alignant ainsi les intérêts.

Stratégies d'investissement alternatives

Type

Description

Moteurs de performance

Long short equity

Les niveaux élevés de dispersion entre les actions offrent à la fois des opportunités « longues » (plus-values tirées de la hausse des prix) et « courtes » (plus-values tirées de la baisse des prix).

La volatilité, les écarts entre les anticipations des marchés et les fondamentaux des entreprises, les perturbations et les changements structurels qui créent des gagnants et des perdants.

Event driven

Capter l'écart de valeur créé lorsque les entreprises subissent des événements d'entreprise transformateurs qui doivent encore être valorisés par les marchés mais qui devraient avoir un impact significatif sur la valeur actionnariale.

L'activité de fusions-acquisitions, les perturbations technologiques, les réformes fiscales et la consolidation du secteur.  Autres événements d'entreprise et restructurations tels que les scissions, les échanges de classes d'actions, etc.

Relative value fixed income

 

Les gérants se concentrent sur l'arbitrage des actifs obligataires mal valorisés, les anomalies des écarts de rendement ainsi que la réversion moyenne des prix. 

La volatilité, les anomalies de valorisation, le niveau élevé des écarts de rendement, l'augmentation des émissions d'obligations.

Global macro

 

Opportunités liées aux changements dans les économies mondiales provoqués par les politiques gouvernementales avec impact sur les marchés des taux d'intérêt, des devises, des obligations et des actions.

Certaines stratégies quantitatives suivent les tendances de marché sur plusieurs classes d’actifs.

Volatilité, nouvelles tendances structurelles. Les politiques fiscales, les tendances du marché et les indicateurs macroéconomiques.

Source: BNP Paribas WM



Vue d'ensemble de la performance

En mars, le blocage de près de la moitié de la population mondiale a plongé l'économie mondiale dans une récession sans précédent, et les marchés boursiers mondiaux ont suivi, par exemple, le S&P500[1] a perdu 34% (en USD) en 30 jours (du 19 février au 23 mars), malgré le biais « technologique » important (GAFA) qui a surperformé les autres secteurs de l'indice. 

Les investissements alternatifs, mesurés par l'indice HFRI[1] (Asset Weighted Composite Index) : La performance moyenne d'une agrégation très large de différentes stratégies alternatives a reculé de 9% en mars (données mensuelles), tandis que l'indice HFRU[1] (composite USD, composé de fonds réglementés européens qui fournissent des données quotidiennes) a reculé de moins de 12% sur la même période (du 19 février au 23 mars).             

Par nos propres mesures, nous avons vu encore moins de baisse sur les investissements alternatifs, bien qu'à partir d'un échantillon beaucoup plus restreint de fonds présélectionnés par nos experts.  La performance moyenne de la sélection a reculé de 1% depuis le début de l'année en février et de seulement 6% depuis le début de l'année à la fin du mois de mars[1]. Dans le cadre de la sélection, nous avons observé une certaine dispersion des performances, certains fonds ayant généré des performances absolues positives sur la période ; la grande majorité ayant réduit de manière significative le risque baissier avec des performances négatives très faibles (à un chiffre) ; et d'autres fonds ayant perdu un peu plus.  Au total, les performances ont été largement en ligne avec les attentes, et en particulier, dans la plupart des cas, en ligne avec leurs stratégies d'investissement et le degré inhérent de risque de marché (volatilité) qu'elles prennent.

Évolution récente de la situation

Si les marchés ont très fortement rebondi après l'annonce de mesures gouvernementales et des banques centrales (sortie progressive du confinement, politiques de relance économique, taux bas plus longtemps...), l'environnement à court terme reste incertain. Il est probable que les marchés actions connaîtront une correction avant de retrouver le chemin de la hausse. Le regain de tensions commerciales entre les Etats-Unis et la Chine, les défis à relever pour financer la reconstruction européenne et l'impact de la « démondialisation » sont susceptibles d'être des facteurs clés de la volatilité mais pourraient aussi être sources de nouvelles opportunités. La recherche de rendement restera un moteur structurel sur les marchés financiers. Notre scénario économique central à moyen terme implique une reprise progressive au second semestre, avec une accélération de la croissance au cours de l'année prochaine (reprise en U).

Les stratégies alternatives ont également bénéficié de la reprise rapide du marché, et de nombreux gérants gèrent désormais leurs stratégies avec des niveaux de risque plus faibles en raison à la fois de la volatilité plus élevée du marché et des valorisations actuelles du marché. Notre propre sélection de fonds d'investissement alternatifs (comme mentionné précédemment) est désormais en territoire positif depuis le début de l'année (performance moyenne de la sélection +0,3% le 16 juin, nette de frais, classes d'actions €[1]) alors que les principaux indices continuent de rattraper leur retard.

[1]La flexibilité de leurs stratégies d'investissement est un avantage évident dans ces conditions et instinctivement, ces gérants cherchent à préserver le capital de leurs investisseurs en cas de nouvelle correction de marché, puis à redéployer le capital au fur et à mesure des nouvelles opportunités. Dans l'intervalle, ils continuent de trouver des opportunités intéressantes dans les dislocations actuelles du marché.

La hausse de la volatilité est un facteur positif clé pour la performance future de toutes les stratégies. Les stratégies macro devraient bénéficier des nouvelles tendances liées à la politique monétaire (taux bas pendant plus longtemps et écarts de rendement en baisse, renversement potentiel de la tendance du dollar), à la politique budgétaire (retournement potentiel des matières premières par exemple) et aux changements structurels tels que la démondialisation ou les innovations perturbatrices.

La crise va sans doute créer de la dispersion entre les entreprises, offrant des opportunités long/short attrayantes pour les gestionnaires qui se basent sur les fondamentaux. Les restrictions relatives à l'utilisation de stratégies « short » en Europe continentale ont également été levées. Cela devrait offrir de nombreuses opportunités aux gérants « long short ».

« Macro » et « Long Short » font donc toujours partie de nos stratégies préférées. Nous avons apporté quelques changements à nos autres préférences, plus précisément les stratégies « Event Driven » et « Relative Value ». Regardons de plus près.

Changements d'opinion

Vue positive sur la «Relative Value » : la crise ne fera qu'exacerber les conséquences sur les marchés des obligations d'entreprises entre les survivants et les plus susceptibles de se heurter à des difficultés. Cela crée ainsi des opportunités long/short plus attrayantes sur les marchés du crédit, en particulier dans la mesure où les « anges déchus » sont requalifiés comme des obligations à haut rendement. Les anomalies de marché vont continuer à se présenter au fur à mesure que les entreprises se refinancent, se restructurent et révisent leurs prévisions de bénéfices à la lumière de l’évolution de leur chiffres d’affaires.  Les nouvelles émissions ont augmenté de manière spectaculaire, y compris sur les marchés des obligations convertibles où nous identifions de nouvelles opportunités. Nous pensons que les stratégies de crédit long/short flexibles et activement gérées devraient permettre de saisir les opportunités de ces marchés tout en offrant une certaine protection contre le risque baissier dans la mesure où l'incertitude demeure élevée.

Dégradation de l’« Event Driven » à neutre : Les opérations de fusions-acquisitions qui étaient en discussion avant la crise du COVID-19 ont été réévaluées et parfois suspendues voire annulées à cause des conséquences économiques du confinement mondial.

Cette dislocation du marché a été une opportunité pour les gérants Event Driven qui comprennent parfaitement les clauses juridiques qui régissent l'activité des entreprises, y compris en période de crise. Cette anomalie de valorisation s'est sensiblement réduite depuis mars, les marchés voyant la plupart des opérations aboutir. Toutefois, les incertitudes économiques à court terme qui subsistent laissent de nombreuses entreprises réticentes à poursuivre toute nouvelle croissance externe et les volumes de fusions-acquisitions (nouvelles opérations) sont actuellement en baisse. 

Toutefois, à moyen terme, il est clair que les effets complets de la crise du COVID-19 permettront de trier les gagnants des moins performants. Il y aura un regain d'intérêt pour les fusions-acquisitions et autres opérations sur titres à mesure que les entreprises cèdent des actifs et concluent des accords stratégiques pour se consolider et se renforcer, soit avec des concurrents (intégration horizontale) soit avec des chaînes d'approvisionnement (intégration verticale). Le protectionnisme contre les acquisitions étrangères va quelque peu fausser le marché, mais cela va sans doute changer l'orientation des entreprises par opposition à tempérer les appétits.

 

[1] Source: Bloomberg Les performances passées ne sont pas un indicateur fiable des performances futures