Lettre de Stratégie d'Investissement : Février 2020

Update mensuel sur notre stratégie d'investissement :
- L’épidémie de coronavirus est un risque nouveau, très difficile à analyser, mais qui sera temporaire ; elle pèsera sur la croissance économique à court terme, surtout en Chine, puis en Asie. Mais elle ne change pas notre scénario de base de rebond. Le profil de la reprise dans l’industrie sera plus marqué. Des marges de manœuvre en terme de politique de relance existent.
- Nos convictions pour 2020 restent donc inchangées :
a) La croissance économique restera modérée et sans inflation, nous excluons le risque de récession. Une trêve a été signée entre les Etats-Unis et la Chine.
b) Les rendements obligataires remonteront quelque peu sur les niveaux actuels trop bas.
c) Les bourses délivreront une rentabilité positive grâce à la hausse des profits et aux dividendes. Les flux vers les actions continueront.
d) Il faut diversifier ses paris car la volatilité se rappellera à nous durant l’année.
3. La consolidation en cours n’est pas terminée; elle offrira une opportunité de renforcer les positions sur les marchés que nous mettons en avant, à savoir Eurozone, Etats-Unis et marchés émergents. Nos secteurs préférés sont les financières et l’énergie en global, la technologie et les matériaux en Europe. Nous devenons neutres sur la santé (prise de bénéfices). En termes de style, nous préférons la « value » à la croissance, les petites et moyennes capitalisations aux grandes capitalisations. Nous recommandons l’achat d’obligations convertibles européennes.
4. Nos objectifs de rendements obligataires à 12 mois restent inchangés ; 2% sur le taux 10 ans américain et -0,25% sur le Bund. Comme les taux ont baissé ces dernières semaines, nous attendons maintenant une hausse modérée des taux sur les niveaux actuels. Notre prévision concernant le dollar est inchangée : 1,12 pour 1€ à 3 mois, puis 1,14 à 1 an.
5. Nous réitérons notre opinion positive sur l’or, pour ses vertus de diversification (range revu en hausse de 50$ à 1450-1650$). Nos opinions neutres sont maintenues sur les matières premières industrielles. Nous passons positifs sur le pétrole (range inchangé à 60-70$ pour le Brent).
6. Dans l’alternatif, nous sommes maintenant également positifs sur les stratégies « event driven », qui s’ajoutent à nos stratégies favorites Global Macro et Long-Short Equity. Nous sommes neutres sur l’immobilier côté européen.
Le coronavirus
Les autorités chinoises ont pris des mesures fortes pour limiter autant que possible la contagion du coronavirus. Néanmoins, il se répand et est devenu un sujet de préoccupation international. Les incertitudes majeures demeurent quant à la durée de cette épidémie et à son impact général. Les marchés financiers seront très réactifs à toute information nouvelle sur ce sujet.
Quelques remarques sur les impacts économiques s’imposent :
1) Les mesures de contingentement prises par les autorités chinoises auront un impact conséquent à court terme sur l’activité.
2) L’économie chinoise est beaucoup plus importante pour l’économie mondiale aujourd’hui qu’en 2003, au moment du SARS, dernier épisode de contagion virale à laquelle on se réfère souvent en point de comparaison.
3) Les chaines de production sont beaucoup plus mondiales aujourd’hui, et il est à craindre que l’impact du ralentissement chinois soit global.
4) Il existe des marges de manœuvre en terme de politique économique pour répondre à ce choc. Dès les premiers jours de février, les autorités chinoises ont injecté des liquidités considérables, baissé les taux d’intérêt, pris des mesures administratives pour aider les entreprises en difficulté.
A cause de la nature intrinsèquement temporaire de cette épidémie virale, nous ne pensons pas, à ce stade, que le choc en cours soit suffisant pour modifier notre scénario de base pour 2020. L’impact sera important en Chine au premier trimestre, il prolongera probablement la faiblesse du secteur manufacturier dans son ensemble et ajoute un risque supplémentaire sur les marchés financiers. La tendance générale ne change pas, mais le profil en V sera plus accentué.
Notre scénario pour 2020 est inchangé
Examinons les éléments clefs de notre scénario économique et financier.
Croissance économique modérée, faible inflation
Depuis plus d’un an, l’industrie mondiale est en récession et les indicateurs avancés d’activité prédisent que cette tendance ne s’inversera pas dans l’immédiat. La récession dans le secteur de l’industrie provient, ces derniers 18 mois, de deux éléments. D’une part, les tensions commerciales entre la Chine et les Etats-Unis. Ce facteur s’amoindrit avec la signature de l’accord de phase 1, mais il ne disparaitra pas complètement car les difficiles négociations de phase 2 risquent de durer au moins jusqu’aux élections présidentielles américaines. D’autre part, la contraction du secteur de l’automobile. Le choc de l’épidémie va renforcer cette contraction manufacturière au premier trimestre 2020, pour un rebond potentiel dès la fin de l’épidémie.
Nous pensons toujours que cette récession industrielle ne se transmettra pas au reste de l’économie. Les services et les créations d’emplois restent suffisamment forts, notamment aux Etats-Unis et en Allemagne, pour que la croissance globale des économies soit positive, bien qu’en ralentissement. La hausse des salaires soutient la consommation sans accélérer l’inflation sous-jacente. Les dernières statistiques économiques ont été meilleures que prévues, notamment en Europe, mais il est à craindre que la Chine soit en ralentissement avec une contagion possible aux économies asiatiques. Dans ce scénario de base, le creux du premier semestre sera plus marqué que prévu à cause de l’épidémie, mais le rebond sera également plus fort qu’anticipé au second semestre. La croissance devrait ré-accélérer dans les économies matures en 2021, tout en restant modérée.
Les taux d’intérêt et les rendements obligataires resteront bas durablement
Les banques centrales américaine, européenne, britannique et japonaise ne devraient pas modifier leurs politiques monétaires accommodantes durant les prochains mois. C’est notre hypothèse de base. La Fed, en attente après avoir baissé ses taux trois fois en 2019, l’a de nouveau confirmé lors de sa réunion en janvier. La BCE continue d’utiliser tous les outils à sa disposition, taux officiels négatifs, TLTRO très favorable, système de « tiering » pour aider les banques et surtout nouvelle phase de « Quantitative Easing » avec des achats mensuels de 20 milliards d’obligations sur les marchés. Mme Lagarde a commencé une revue stratégique de la BCE, qui prendra du temps avant de produire d’éventuels changements.
De nombreuses autres banques centrales maintiennent un biais accommodant, notamment dans les économies émergentes et particulièrement en Chine avec l’épidémie actuelle.
Les taux obligataires sont également très bas. Ils ont baissé de 25 à 40 pbs récemment suite aux tensions en Chine. Néanmoins, comme notre scénario économique est inchangé, nous maintenons nos anticipations à 2% à 12 mois pour le 10 ans américain, à -0,25% sur le Bund. Les rendements obligataires devraient remonter si la reprise économique attendue se concrétise.
Il existe un cas où les taux obligataires pourraient remonter plus que prévu : si des politiques fiscales agressives de relance étaient adoptées pour prendre le relai des politiques monétaires en fin de cycle. C’est le souhait des banques centrales, notamment de la BCE, à condition que les états investissent. Pour l’instant, les mesures de relance demeurent très modérées, notamment dans les pays comme l’Allemagne ou la Chine, qui ont des marges de manœuvre mais pas la volonté politique. Au cas où les mesures de relance deviendraient plus fortes que prévues, nous pourrions réviser en hausse nos prévisions sur les taux obligataires.
Nous maintenons notre vue positive sur les bourses
Les indicateurs avancés s’améliorent. 2020 pourrait être la première année depuis 3 ans à voir la croissance économique mondiale accélérer. L’accélération sera d’autant plus forte que le début s’année sera très ralenti par les conséquences de l’épidémie en Chine. Avec un profil en V de la croissance en 2020, la reprise se poursuivra en 2021. Les raisons de cette amélioration sont multiples : diminution des tensions commerciales entre Chine et Etats-Unis, politiques monétaires plus accommodantes depuis la crise financière de 2007, reprise de l’expansion fiscale (certes modérée) dans plusieurs pays.
Les entreprises communiquent en général sur une amélioration de leurs ventes. Indicateur toujours intéressant et souvent avancé, les ventes de semi-conducteurs, se reprennent. La composante nouvelle commande des indicateurs avancés se retourne. Ces indices laissent présager une poursuite de la hausse des profits en 2020, d’autant que la hausse des salaires reste modérée. Cependant, une décennie après la dernière récession, les marges bénéficiaires des entreprises sont élevées. Nous serions surpris que le consensus ne revoit pas en baisse ses prévisions actuelles de +10% de hausse totale des profits, prévisions qui intègrent une hausse des marges. Dans les dernières phases du cycle économique, il est toujours très difficile d’augmenter les marges. Une hausse des profits de l’ordre de 5% (low single digit) parait plus réaliste. Ce qui signifie que la hausse totale des bourses devrait être du même ordre que la hausse des profits, sachant que nous escomptons également une hausse des taux obligataires.
Une opportunité d’achat à court terme ?
En début d‘année, les bourses étaient dans une situation de léger « sur-achat », c’est-à-dire qu’après leur forte hausse du dernier trimestre 2019, elles étaient 7 à 8% au-dessus de leurs moyennes mobiles à 200 jours (MM200J). La consolidation a donc commencé. Un retour vers ces niveaux de la MM200J offre généralement une opportunité d’achat. C’est notre opinion car les liquidités sont importantes, et il n’y a pas beaucoup d’alternative aux achats d’actions. Cela sera le cas dès que les investisseurs abandonneront leurs inquiétudes sur le coronavirus, mais nous n’en sommes pas encore là.
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