#Articles — 11.08.2020

Le marché voit le verre à moitié plein

Patrick Casselman, Senior Equity Specialist

La semaine dernière, les bourses ont ignoré la pandémie qui fait toujours rage et la montée des tensions politiques. Elles sont parvenues à poursuivre leur remontée grâce à des indicateurs économiques encourageants.

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La semaine dernière, les bourses ont ignoré la pandémie qui fait toujours rage et la montée des tensions politiques. Elles sont parvenues à poursuivre leur remontée grâce à des indicateurs économiques encourageants.

 

Le S&P500 à un souffle d’un nouveau record


En engrangeant un gain hebdomadaire de 2%, le Stoxx Europe 600 s’est, dans une large mesure, remis de sa correction de la semaine précédente. Le S&P500 et le Nasdaq ont gagné 2,5% dans le sillage des brillants résultats publiés par les grosses pointures technologiques et dans l’espoir d’un nouveau programme incitatif aux Etats-Unis. En cette année marquée par le coronavirus, le Nasdaq ne semble pas disposé à interrompre sa course aux records et totalise déjà une progression de 23%. Entretemps, l’indice plus large du S&P500 affiche lui aussi un niveau supérieur à celui du début d’année (+4%) et n’en est plus qu’à 1% de son record de février. Force est d’admettre cependant que cette hausse boursière est mue par une poignée de valeurs particulièrement performantes. En effet, 40% des actions américaines se trouvent encore à plus de 20% de leur record individuel. Le Stoxx Europe 600, lui, demeure à 13% de son niveau initial de 2020.

 

Des indicateurs économiques encourageants

 

La semaine dernière, les bourses ont bénéficié du soutien des indicateurs économiques encourageants publiés pour le mois de juillet. La confiance des entrepreneurs de l’industrie, notamment, a augmenté plus que prévu pour s’installer confortablement au-delà des 50 points. Pour rappel, ce seuil représente la frontière entre croissance et contraction économique et il a été franchi tant en Chine (52,8) qu’en Europe (51,8) et aux Etats-Unis (54,2). Sur le marché de l’emploi américain, 1,8 million de nouveaux emplois ont été créés en juillet. C’est moins que la vigoureuse reprise qui avait été enregistrée en mai et en juin, mais c’est tout de même plus que prévu. 42% des emplois qui avaient été supprimés dans le sillage de la crise du coronavirus ont ainsi été récupérés dans l’intervalle. Quant au taux de chômage, il est retombé d’un pic de 17% en mars/avril à 10,2%. Les ventes au détail sont de toute évidence sur la bonne voie également. Les ventes automobiles européennes, par exemple, ont renoué en juillet avec leur niveau de l’année précédente.

 

Rotation cyclique

Ces signaux indiquant une reprise économique marquée ont surtout profité aux secteurs cycliques comme la construction automobile, l’industrie, les matériaux. En revanche, les secteurs défensifs – alimentation, articles ménagers, soins de santé, télécommunications et services aux collectivités – sont restés à la traîne. Cette tendance à l’avantage des secteurs cycliques était perceptible également sur le marché des matières premières: la plupart des métaux industriels ont poursuivi leur progression, exception faite du cuivre. Le prix du pétrole est reparti à la hausse après quelques semaines de consolidation. Mais les ascensions les plus marquées sont celles des métaux précieux. Le prix de l’or a signé un nouveau record à plus de 2000 USD, tandis que le prix de l’argent poursuit son vigoureux mouvement de rattrapage avec un gain hebdomadaire de +15%. Ce qui porte sa progression totale depuis le début de l’année à +57%. Cette fuite vers les métaux précieux est le résultat de la combinaison de plusieurs facteurs : la création monétaire, les taux d’intérêt réels négatifs mais aussi l’affaiblissement récent de l’USD et la montée des tensions géopolitiques.

 

Des résultats d’entreprises moins mauvais qu’on ne l’avait craint…

 

Dans l’intervalle, 85% des entreprises ont déjà publié leurs résultats pour le trimestre tant redouté du confinement, et les dégâts restent assez limités : le bénéfice trimestriel moyen a trahi une contraction de -36% aux Etats-Unis (au lieu des -45% attendus) et de -47% en Europe (alors que les analystes redoutaient -55%). Au rang des éléments favorables, on épinglera le rétablissement rapide en juin, la contribution à la croissance de la Chine ou des segments qui ont profité du confinement (vente en ligne, digitalisation, applications médicales…) ainsi que les économies plus importantes que prévu réalisées sur les coûts entre autres grâce au recours au chômage partiel. Pour toute l’année, les analystes tablent désormais sur un repli du bénéfice moyen de -20% aux Etats-Unis et de -30% en Europe.

 

 

 

… mais le marché ferme les yeux sur les risques géopolitiques

 

Jusqu’ici, le marché choisit d’ignorer la seconde vague de contaminations au coronavirus en Europe, les attaques politiques du président Trump à l’adresse de la Chine et l’absence d’accord entre Républicains et Démocrates au sujet de la prolongation des mesures d’aide visant à limiter les retombées de la crise du coronavirus. Et pourtant, le temps presse, car plusieurs revenus de remplacement et réductions d’impôts temporaires ont été supprimés à la fin juillet. A 3 mois des élections présidentielles, les deux parties se montrent cependant intransigeantes. Les Républicains envisageaient un programme additionnel de 1000 milliards USD, mais les Démocrates revendiquent de nouvelles aides de l’ordre de 3000 milliards USD et tentent de profiter de l’occasion pour forcer quelques améliorations structurelles sur le plan social. Les négociations ont à nouveau été prolongées d’une semaine. Mais entre-temps, Trump a déjà mis en oeuvre une version allégée et unilatérale. La question est de savoir si cela est faisable, étant donné la majorité démocrate au Congrès. La semaine prochaine sera passionnante. Et avec l'annonce de la candidature de Jo Biden, la campagne électorale prend de l'ampleur.

 

La guerre technologique reprend

 

Par ailleurs, la guerre froide opposant les Etats-Unis et la Chine menace de reprendre, non plus à propos de barrières douanières, mais bien au sujet de la domination technologique. Prétendant que la Chine s’empare des données à caractère personnel d’utilisateurs américains, Donald Trump veut à présent boycotter les applications chinoises TikTok et WeChat si celles-ci ne sont pas reprises dans les 45 jours par des entreprises américaines. Le régulateur américain menace en outre de supprimer la cotation en bourse de géants technologiques chinois s’ils ne se conforment pas aux obligations plus rigoureuses imposées en termes de publication et d’audit. Autant dire que toutes ces menaces ne présagent rien de bon pour l’évaluation de l’accord commercial de "phase 1" qui est prévue pour le 15 août.

 

La reprise économique ne se déroulera pas en ligne droite

 

Le marché semble partir du principe que la reprise économique initialement vigoureuse à laquelle nous avons assisté en juin et en juillet (dans le sillage de la réouverture des commerces et des usines) va se poursuivre dans les trimestres à venir. Cependant, avec la résurgence de la pandémie, il faut se préparer également à un potentiel affaiblissement de ce rétablissement. En cause, le taux d’activité toujours faible dans de nombreux secteurs des services comme le tourisme et l’horeca (hôtellerie, restauration), et le risque d’une augmentation du chômage et du nombre de faillites. Ce qui se présentait jusqu’ici comme une remontée en "V" est toujours susceptible d’adopter une forme de "W" ou de racine carrée (aplanissement après un rétablissement initialement vigoureux). Cette idée nous incite à la prudence quant à l’évolution à attendre des bourses en automne, mais il est probable que le retour de la volatilité crée de nouvelles opportunités d’achat en prévision de la poursuite progressive de la relance économique dans les années à venir.