#Articles — 11.12.2019

Nous devenons plus constructifs sur les Financières

Alain Gérard

Nous devenons plus constructifs sur les Financières I BNP Paribas Wealth Management

Contexte

Depuis la Grande crise financière de 2008-2009, le secteur financier est fort décrié par les investisseurs, en particulier les banques européennes qui sont allées de crise en crise... Suite, il est vrai, à un certain laxisme affiché alors par de nombreuses grandes institutions financières, et à leur sauvetage ‘en catastrophe’, les régulateurs ont resserré les boulons. Les banques centrales ont toutefois dû intervenir à nouveau lors de la ‘crise grecque’ et ouvrir le robinet des liquidités afin de sauver l’Euro dans les années 2012-2015. Ce fut le fameux épisode du ‘bazooka’ monétaire de M. Draghi, promettant alors qu’il ferait tout pour sauver la devise (et le système bancaire européen!).

Cependant, alors que l’Euro a en effet été sauvé, il est resté un goût de ‘trop peu’, surtout lorsque l’on compare le système bancaire européen au système bancaire américain. Alors que la grande crise de 2008-2009 a émané du continent américain avec l’éclatement de la bulle immobilière - en particulier les fameux ‘subprimes loans’ qui ont mené à la catastrophe et à la faillite de Lehman Brothers -, paradoxalement, les banques US se sont beaucoup plus rapidement restructurées. Alors qu’en Europe, les lois et les contrôles sont de plus en plus contraignants (et donc coûteux) pour les banques, on observe depuis quelque temps une certaine dérégulation aux États-Unis. Par exemple, la ‘règle Volcker’ qui limitait les investissements spéculatifs et illiquides des grandes banques US est régulièrement revue et assouplie. Ainsi, depuis quelques mois, les positions à court terme des banques US sont moins systématiquement considérées comme du ‘proprietary trading’ (trading pour compte propre). Ou encore, le relativement illiquide ‘private equity’ est à nouveau mieux accepté et moins contrôlé. Ceci permet aux banques US de libérer du capital pour d’autres projets.

Du côté monétaire, la Réserve Fédérale (la ‘FED’) a aussi été plus rapide que la Banque Centrale Européenne (la ‘BCE’) à augmenter la taille de son bilan en rachetant quantité d’obligations afin de faire pression à la baisse sur les taux d’intérêts et aider les entreprises - et les banques en particulier - à se refinancer.

Enfin, la réforme fiscale de l’administration Trump, en baissant les taxes et en fournissant des conditions favorables aux banques US leur donne un avantage compétitif conséquent. Les grandes banques US sont aujourd’hui surcapitalisées et peuvent se permettre:

  • de nouveaux investissements. En particulier, leur transition digitale est impressionnante et relativement très avancée,
  • des hausses de dividendes,
  • des rachats considérables d’actions.

Ainsi, dans cet environnement relativement favorable, elles gagnent des parts de marché, surtout dans la banque d’investissement, vis-à-vis de leurs consœurs européennes.

En Europe, on se demande d’ailleurs si la politique monétaire n’est pas allée trop loin avec des taux d’intérêt attendus négatifs pour une longue durée (aucun manuel de finances respectable n’avait jamais envisagé un tel contexte!). Une telle politique peut parfois avoir des effets pervers, par exemple le maintien en vie d’entreprises ‘zombies’, c’est à dire peu rentables et peu solvables, une concurrence exacerbée et in fine des pressions déflationnistes.

Certaines mesures de la BCE tentent de diminuer la pression de ce refinancement à taux négatif sur la rentabilité des banques, notamment le système des ‘paliers’ (‘tiering system’) avec par exemple un coût de refinancement moindre pour les réserves légales et un coût supérieur pour un excédent important de liquidités à la BCE.  Pour favoriser les prêts de la part de banques moins capitalisées (notamment dans le sud de l’Europe), un système de ‘TLTRO’ a été mis en place où les banques peuvent emprunter à la BCE à des taux avantageux afin de fournir des prêts à des petites et moyennes entreprises et redynamiser l’économie par ce truchement.  

Mais ces mesures ne règlent pas ou peu le souci fondamental de rentabilité des banques européennes, obligées de se restructurer continuellement pour baisser les coûts, pour être davantage compétitives dans la nouvelle économie digitale et pour compenser les marges d’intérêt sous pression vu les taux d’intérêt bas, voire négatifs dans le cas de leur refinancement.

On constate en outre que l’intégration bancaire européenne est encore très balbutiante. Le ministre des finances allemand M. Olaf Scholz a donné début novembre une lueur d’espoir en insistant qu’avec le Brexit attendu, il est sans doute grand temps d’avancer dans la construction d’un système bancaire mieux intégré au sein de la zone euro.

Banques et Financières diverses US

L’année dernière, les investisseurs craignaient un fort ralentissent économique exacerbé fin 2018 par les fortes tensions commerciales entre les Etats-Unis et la Chine ainsi qu’une nouvelle hausse de taux (une de trop?) de la part de la Réserve Fédérale.  M. Powell a alors changé son fusil d’épaule en début d’année, constatant le ralentissement économique global induit par les tensions commerciales. Nous étions d’ailleurs devenus plus prudents sur les Financières après leur rebond début 2019 au vu des très nombreux mauvais indicateurs économiques qui étaient alors publiés. La courbe des rendements obligataires avait commencé à s’inverser, signe souvent précurseur d’une possible récession.

En août, une nouvelle baisse des taux de la Fed et un discours beaucoup plus conciliant du Président Trump ont alors fait espérer que la détérioration économique stoppe. Et en effet, on constate depuis peu une stabilisation, voire de légères améliorations des indicateurs économiques avancés. La courbe des rendements obligataires s’est d’ailleurs repentifiée.

Les chances d’avoir un accord commercial, même s’il sera sans doute assez léger, ont augmenté, de même qu’une sortie ‘en douceur’ du Royaume-Uni de la sphère européenne.

L’économie US semble aujourd’hui à nouveau assez solide et un rebond conjoncturel est attendu en conséquence de ces revirements politiques et monétaires.

Les banques US sont un secteur encore fort bon marché tant de manière intrinsèque que par rapport au reste de la cote compte tenu de leurs solidités retrouvées et de leurs rentabilités en nette amélioration. Les résultats publiés au 3T-19 furent en outre de manière générale meilleurs qu’attendu pour les grandes banques US.

Toute embellie conjoncturelle aussi minime soit-elle devrait propulser ces valeurs cycliques et de ‘valeur’ à la hausse (ratios cours/ bénéfice 2020 de l’ordre de 12,5 contre 18,3 pour les actions américaines en général) et leur permettre de surperformer. D’où notre recommandation récemment rehaussée à ‘Positive’.  

Banques et Financières diverses européennes

Comme évoqué dans le contexte ci-dessus, l’environnement reste plus compliqué pour les banques européennes car elles souffrent encore d’une certaine ‘répression financière’:

  • Règlementations et fiscalité relativement lourdes;
  • Taux de refinancement négatifs;
  • Grande complexité à finaliser des fusions-acquisitions en-dehors des frontières nationales.

En outre, on constate que dans plusieurs pays, notamment du sud de l’Europe, mais aussi en Allemagne, les restructurations ont traîné et beaucoup de banques sont encore trop faibles aujourd’hui. Pour de nombreuses banques européennes, le coût du capital (COE) ne compense pas la rentabilité du capital (ROE). Cela pose question alors que ‘Bâles 4’ se profile à l’horizon, avec de nouvelles contraintes pour les banques et des exigences de capital rehaussées.

Des scandales de blanchiment d’argent ont aussi heurté plusieurs banques dans le nord de l’Europe (et encore un peu plus la réputation du secteur...) et bien sûr, le Brexit pose question quant à la suprématie de Londres et de son système financier.

Dès lors, même si l’environnement économique semble s’améliorer, il semble précoce de recommander l’ensemble du secteur financier européen à l’achat. Nous maintenons donc pour le moment notre recommandation sur ce segment à neutre. Quoiqu’il y a de belles opportunités, le système bancaire européen fait encore preuve de vitesses fort différentes. Il faut être sélectif quand on y investit. Les déclarations de ce début novembre de la part du ministre allemand des finances (voir ci-dessus) confortent encore davantage cette opinion.

Nous privilégions depuis longtemps les banques du cœur de la zone euro (France, Pays-Bas, Belgique) car elles apparaissent comme parmi les plus solides et les plus rentables dans un paysage bancaire beaucoup plus consolidé sur ces marchés que dans d’autres pays.

Une politique européenne plus pro-cyclique (par exemple un grand plan de relance en Allemagne), une accélération économique et/ ou une pentification de la courbe des rendements nous encourageraient à redevenir positif plus globalement sur les banques européennes, également fort bon marché/ ‘deep value’ aujourd’hui.

Assurances

Ce secteur a bien performé depuis le début de l’année. Nous étions devenus plus prudents fin mai après de bonnes performances début 2019 et alors que la courbe des taux avait commencé à s’inverser.

Grâce à la confiance qui revient sur l’économie et sur les marchés d’actions, les secteurs relativement bon marché devraient à nouveau attirer l’attention des investisseurs. C’est le cas de l’Assurance, secteur en outre solide, suffisamment capitalisé et bien géré. Les investisseurs apprécient toujours la faible volatilité des profits et les bons dividendes.

On constate même aux Etats-Unis un certain retour du ‘pricing power’ dans le segment non-vie compensant les marges d’intérêt sous pression. Ainsi, alors que le contexte apparaît comme bien meilleur aujourd’hui qu’il y a un an ou deux pour les assureurs, les niveaux de valorisation (cours/ valeur comptable) sont similaire à ceux qui prévalaient début 2018 alors que la profitabilité est meilleure. On observe une situation similaire en Europe.

D’où notre recommandation maintenant ‘positive’ sur le secteur global des Assurances (ratios cours/ bénéfices 2020 : 12,4 contre 18,3 pour les actions américaines en général et ratio C/B 2020 = 10,4 pour les assurances européennes contre 14,4 pour l’Europe).

Immobilier

Ce secteur a connu d’excellentes performances depuis le début de l’année de part et d’autres de l’Atlantique, soutenu il est vrai par des taux d’intérêt toujours plus bas et par la soif de rendements des investisseurs.

Nous pensons qu’avec le retour en grâce des actions de valeur et cycliques, le secteur plus défensif des REITs (fonds immobiliers cotés) sera moins prisé. Nous ne voyons pas de problème fondamental pour ce secteur (les sociétés qui en font partie sont de manière générale bien gérées) mais nous pensons qu’après les fortes hausses récentes, une pause est nécessaire dans le rallye. Plusieurs REITs sont aujourd’hui bien valorisés, voire chers.

En cas de correction qui nous semblerait exagérée pour l’immobilier côté, par exemple en cas de forte rotation sectorielle, nous pourrions redevenir positifs sur ce secteur. Nous estimons de manière générale que l’Immobilier doit rester une pierre angulaire de tout portefeuille d’investissement bien diversifié.

En attendant, le secteur de l’Immobilier est maintenant mis en ‘neutre’ globalement. Il faut être plus sélectif aujourd’hui. Enfin, vu qu’une solution finale semble approcher pour le Brexit, l’intérêt des investisseurs revient pour le Royaume-Uni et nous rehaussons l’immobilier britannique de négatif à neutre.

 

Alain GERARD

Senior Investment Advisor
BNP Paribas Wealth Management