Pas de vague bleue sur l’Amérique, mais une vague verte sur les bourses
En dépit des comptages serrés, d’une victoire de justesse et d’un parlement partagé, les bourses ont laissé entrevoir une réaction particulièrement positive.

Joe Biden, président élu
Au bout de 4 jours de comptages serrés, le Démocrate Joe Biden a finalement obtenu une majorité également en Pennsylvanie et dans le Nevada et réunit ainsi dès à présent 279 grands électeurs, autrement dit plus que les 270 requis pour être élu président. Des quatre Etats dans lesquels les comptages se poursuivent, Joe Biden est désormais en tête également en Arizona et en Géorgie. Donald Trump, lui, domine la course en Caroline du Nord et en Alaska. Toutefois, même si le camp Trump venait à conquérir ces 4 Etats restants, cela ne changera plus rien au fait que Joe Biden a rallié à sa cause la majorité des grands électeurs. Joe Biden a par conséquent été officiellement proclamé président élu samedi soir, et son investiture est prévue pour le 20 janvier 2021.
Des bourses étonnamment optimistes
Les bourses avaient amorcé une progression 2 jours avant l’élection, portées par l’espoir d’une victoire démocrate convaincante (une vague bleue). Ce qui est frappant, en revanche, c’est qu’elles ont continué à grimper même lorsque l’issue du scrutin s’est révélée des plus incertaines et particulièrement mitigée. Sur une base hebdomadaire, les bourses ont signé tant aux Etats-Unis qu’en Europe une hausse de l’ordre de 7% et sont ainsi parvenues à plus que compenser la correction abrupte de la semaine précédente.
Pas de vague bleue sur l’Amérique…
Le point de vue généralement admis était que les bourses réagiraient favorablement à une victoire électorale claire et convaincante qui attribuerait tant la Chambre que le Sénat au camp du président. Au lieu de cela, le scrutin s’est soldé par le pire scénario: des majorités particulièrement tangentes, des comptages interminables, des contestations juridiques et des recomptages, car Donald Trump refuse à ce stade d’accepter sa défaite. De plus, le Congrès reste divisé: les Démocrates conservent leur majorité à la Chambre, tandis que le Sénat fait à ce stade toujours l’objet d’une lutte serrée, avec 48 sièges pour chacun des partis mais une plus grande probabilité que les Républicains finissent par obtenir la majorité. L’attribution des 4 sièges restants pourrait encore durer jusque début janvier vu qu’un second tour devra être organisé en Géorgie.
Bien que Joe Biden sorte finalement de justesse vainqueur de cette élection, nous sommes bien loin de la vague bleue que les marchés avaient espérée. Sur fond d’un taux de participation record, le Démocrate a obtenu 74 millions de voix et Donald Trump, 71 millions. Cette avance d’à peine 2% est bien plus tangente que ce que les sondages avaient laissé présager (7 à 10%). De plus, les négociations s’annonçant encore difficiles avec un Sénat républicain, le programme d’incitants tant espéré pourrait se faire attendre encore plus longtemps et ne finalement pas atteindre les montants colossaux espérés. Dans une situation aussi incertaine et la perspective d’un pouvoir de décision aussi partagé, nous nous serions attendus à des marchés nerveux et volatils.
… mais une vague verte sur les bourses
La réaction presque euphorique que les marchés ont eue la semaine dernière est donc au premier abord difficile à expliquer, si ce n’est par l’idée qu’après la correction plutôt abrupte de la semaine précédente, cet événement politique dissiperait enfin l’une des grandes incertitudes. Quant au paroxysme d’incertitude qui avait dominé la semaine précédente, nous y avions vu une opportunité d’achat. Et voilà que soudain, les marchés se complaisent dans l’idée que le Sénat ne soit pas de la même couleur que le président. De fait, on peut y voir en l’occurrence une garantie que Joe Biden ne parvienne pas à réaliser ses projets d’augmentations d’impôts et de durcissement de la régulation, mais réussisse par contre à faire passer un programme d’incitants suffisamment généreux et à améliorer les relations internationales avec l’Union européenne et la Chine. Les secteurs de la technologie et des soins de santé, en particulier, ont profité de cette atténuation de la crainte d’un durcissement de la régulation.
L’économie américaine ne souffre pas encore de la seconde vague de la pandémie
Tant en Chine qu’aux Etats-Unis, la confiance des entrepreneurs a encore augmenté en octobre. L’ISM Manufacturing (59 points) et son pendant pour les services (57 points) ont dépassé les attentes tandis qu’en Europe, l’indicateur PMI s’est retranché pour les services sous la barre des 50 points dans le sillage des nouveaux confinements. La poursuite de la reprise économique américaine ressort également du rapport sur l’emploi. 638.000 emplois ont été créés en octobre, ce qui a permis au taux de chômage de diminuer plus que prévu et de retomber ainsi de 7,9% à 6,9%. Le président de la Fed, Jerome Powell, a cependant indiqué à titre de mise en garde que cette tendance ne pouvait pas être extrapolée et que la résurgence actuelle du coronavirus était susceptible de freiner, voire d’annihiler la reprise économique. Il s’agit là en effet du scénario auquel nous assistons en Europe. Mais en Europe, la seconde vague de contaminations a plus ou moins atteint son pic, alors que la pandémie semble toujours gagner en virulence aux Etats-Unis.
Une récession à double creux en Europe
Après la reprise historiquement vigoureuse du troisième trimestre, le quatrième trimestre promet de se solder par une récession à double creux sous l’effet de la seconde vague de contaminations et des nouveaux confinements décrétés dans la plupart des pays européens. Cela dit, cette récession ne sera pas nécessairement aussi profonde que celle du deuxième trimestre. Pour la totalité de 2020, la Commission européenne table à présent sur une contraction historique de 7,8% dans la zone euro, et même de 10% pour les pays les plus touchés par la pandémie que sont l’Espagne, l’Italie et la France. La zone euro entrerait ensuite dans une phase de récupération progressive, avec un rétablissement de 4,2% en 2021 et de 3% en 2022. Cela revient à dire qu’il faudra attendre 2023 pour voir l’économie européenne se remettre entièrement et renouer avec son niveau d’avant la crise du coronavirus. Une prévision qui, soit dit en passant, ne tient pas compte du scénario d’un Brexit "dur"…
Reste encore à trouver une solution pour le Brexit
Cette semaine sera cruciale pour cet autre sujet brûlant de l’actualité politique, à savoir les négociations sur l’accord commercial post-Brexit. La mi-novembre est en effet considérée comme une date butoir pour parvenir à un accord qui puisse encore être ratifié par les différents parlements avant la fin de l’année. Les différentes parties sont plutôt disposées à négocier, mais les divergences de vues restent énormes. Nous sommes donc curieux de voir comment les marchés parviendront à gérer le suspense de cette phase finale, et surtout si cette incertitude se dissipera elle aussi d’ici peu.