#Articles — 13.08.2020

Perspectives économiques mondiales 2020

Guy Ertz, Chief Investment Advisor

La pandémie de covid-19 a été la source de la pire récession mondiale depuis la Grande Dépression des années 1930. Les différents pays ont imposé des mesures restrictives ayant eu un impact négatif majeur sur les secteurs liés aux services et à la demande globale

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La pandémie de covid-19 a été la source de la pire récession mondiale depuis la Grande Dépression des années 1930. Les différents pays ont imposé des mesures restrictives et des distanciations sociales ayant eu un impact négatif majeur sur les secteurs liés aux services et à la demande globale. Les gouvernements et banques centrales ont simultanément engagé de vastes politiques de relance afin de préserver l’emploi, les revenus des ménages et l’accès aux liquidités. Malgré ces interventions massives, les économies ont fortement chuté mais devraient se redresser progressivement fin d'année, et plus particulièrement en 2021. La Chine devrait être la seule grande économie à enregistrer une croissance positive cette année, bénéficiant d’une reprise économique plus précoce et plus forte par rapport aux autres pays. Toutefois, des risques baissiers persistent. Une deuxième vague du virus pourrait à nouveau peser sur l’activité économique. Ces risques demeurent tout de même plus faibles car les gouvernements devraient recourir à des mesures de confinement ciblées. Le principal risque à court terme est lié au regain de tensions entre les États-Unis et la Chine.

 

États-Unis : Une reprise économique troublée

L’activité américaine s’est contractée de près de 33% (taux annualisé) sur une base trimestrielle au cours du deuxième trimestre. Il s’agit de la pire récession depuis 1946. La pandémie de covid-19 s’est propagée plus tard en Amérique du Nord qu’en Europe et le pays en a payé un lourd tribut avec plus de 160 000 décès. Le gouvernement américain a vivement réagi, en lançant quatre plans de relance consécutifs (environ 15% du PIB) afin de limiter l’impact sur les ménages et les entreprises. Un accord sur un cinquième plan de soutien reste toujours en attente. La Fed a également réagi rapidement pour éviter que l'économie ne s'effondre davantage, en utilisant des outils conventionnels et non conventionnels. En tant que prêteur en dernier ressort, la Fed a massivement injecté des liquidités. Les marchés boursiers se sont rapidement redressés et les spreads d’obligations d’entreprises se sont normalisés. Mais ce ralentissement a profondément affecté les fondamentaux. Après la récente flambée du virus aux États du Sud, les cas d’infection semblent enfin avoir atteint un pic. Mais les mesures de confinement et de distanciation sociale ont empêché une réouverture rapide de l’économie. Malgré cela, le sentiment du secteur manufacturier a montré des signes d’amélioration, et les dernières enquêtes dans le secteur des services ont indiqué un début de reprise pour le deuxième mois consécutif. La consommation a repris en juin, en particulier dans les secteurs sensibles aux taux d'intérêt. En l’absence de dispositifs de maintien de l’emploi, la détérioration du marché du travail a été sans précédent, mais les dernières données sur l’emploi sont plus encourageantes. Concernant l’inflation, les prévisions sont tombées à des niveaux historiquement bas, et les facteurs à court terme devraient maintenir les prix bas. Nous ne pensons pas que l'inflation atteindra l'objectif de la banque centrale l'année prochaine, car le taux de chômage élevé freinera la croissance des salaires. Compte tenu des dernières données économiques plus positives (forte hausse de l’indice dit de surprise économique) et grâce au soutien massif du gouvernement et de la banque centrale, nous avons revu à la hausse nos prévisions de croissance par rapport à nos précédentes prévisions de 1,7% pour 2020 et voyons maintenant le PIB se contracter de 4,9% cette année avant de rebondir fortement de 4,8% en 2021. L'inflation américaine restera inférieure à ce que prévoyaient nos précédentes prévisions. L’inflation mesurée par l’Indice des Prix à la Consommation a rebondi de presque zéro en mai à près de 1% en juin. L’inflation sous-jacente est revenue à 1,6%. Nous avons révisé ces chiffres à la baisse pour cette année et l’année prochaine à 0,8% et 1,5% respectivement.

Le principal risque à court terme reste la détérioration des relations sino-américaines. La reprise auto-entretenue de l’économie américaine dépend également de l’évolution du virus. Le pays est confronté à un certain nombre d’autres risques. Les déséquilibres étant déjà présents avant l'aggravation de la crise, l'endettement des entreprises est monté en flèche tandis que le déficit public s'est creusé. Les élections américaines pourraient également apporter leur lot d’incertitudes. 

 

Zone euro : Des premiers signes encourageants

Les premiers signaux encourageants ont été enregistrés dans la zone euro où les indicateurs économiques avancés ont souligné les signes d’une reprise. Toutefois, en attendant qu'un vaccin soit trouvé, une certaine prudence reste de mise. La crise économique a été profonde et les pertes économiques seront difficiles à absorber rapidement. Le rebond logique attendu au second semestre 2020, consécutif à la fin du confinement de la population européenne n’effacera pas la perte d’activité enregistrée au premier semestre. Ainsi, la croissance européenne devrait tomber à -9% pour l’année 2020 et reprendre en 2021 avec une croissance estimée à +5,8%.  Nous avons également observé des signes de reprise dans la zone euro. L’indice PMI des services a fortement rebondi en juin, pour se rapprocher des 50 (les chiffres supérieurs à 50 suggèrent une expansion), après avoir atteint en avril 2020 son plus bas niveau depuis la création de la zone euro (12).  Malgré cette récente reprise, la consommation des ménages devrait rester faible,  comme le  suggèrent les enquêtes sur le sentiment des consommateurs. Le taux d’épargne des ménages devrait atteindre 19 % du revenu disponible en 2020, chiffre nettement supérieur à la moyenne à long terme (13 %). Les entreprises restent également confrontées à des incertitudes, ce qui pourrait peser sur les investissements à court terme. À la fin de l’année et en particulier en 2021, les effets du programme de relance massif et les achats d'obligations par la banque centrale devraient conduire l'économie à une croissance plus forte. Une partie de cette hausse pourrait provenir d'un cercle vertueux : les investissements publics conduisant à une reprise significative du sentiment des consommateurs et des entreprises ce qui entraînerait un boom des investissements du secteur privé. Il est toutefois trop tôt pour le supposer.

L’inflation, a quant à elle, fortement diminué (+0,1% en mai, contre 1,4% en janvier) sous l’effet des faibles prix de l’énergie, tandis que l'inflation sous-jacente reste modérée et ce, malgré l’expansion monétaire. L’inflation est revenue à 0,3% en juin. La politique monétaire ne constitue pas un risque de hausse de l'inflation tant que la croissance du crédit reste faible. Concernant nos prévisions, nous avons procédé à quelques ajustements mineurs à la baisse et voyons l'inflation proche de zéro cette année (0,1 %) et proche de 1% (0,9%) en 2021.

 

Royaume-Uni : Deux risques majeurs

Le pays a levé ses mesures de confinement beaucoup plus tard, en raison de la mise en œuvre tardive de ses mesures de restriction. Le PIB du Royaume-Uni a connu sa plus forte baisse trimestrielle que les autres pays européens (-20% au second trimestre). Pour enrayer l’impact de la crise, le Ministre des Finances a promis 330 milliards de livres sterling de garanties de prêts pour les entreprises et a annoncé un plan de 30 milliards de livres sterling pour l'emploi. Le gouvernement a également lancé un programme de soutien à l’emploi d’environ 80 milliards de livres sterling. Néanmoins, nous nous attendons à ce que les chiffres économiques s’améliorent dans les mois à venir grâce à la réouverture de l’économie. Le pays devrait rattraper son retard par rapport à ses voisins européens. Il faudra, en revanche, beaucoup de temps pour que l'économie britannique retrouve son niveau d'avant la crise. Nous avons légèrement révisé à la baisse nos prévisions de croissance et nous prévoyons une baisse du PIB de 9,1% en 2020 avant une reprise de 5,3% l’année suivante.

L’échec des négociations avec l’UE sur un accord de libre-échange est une autre source d’inquiétude pour l’économie britannique. Ce risque est d’autant plus élevé que le Royaume-Uni a officiellement rejeté la possibilité de prolonger la période de transition se terminant à la fin de l’année. Les pourparlers ont repris ces deux derniers mois et les deux parties s'attendent à un nouvel accord le 31 octobre. Si aucun accord n'est conclu, les règles de l'Organisation Mondiale du Commerce s'appliqueraient, ce qui entraînerait un Brexit beaucoup plus contraignant. Le risque d'avoir ce type de scénario reste bien réel, ce qui aurait de graves conséquences et provoquerait de grands bouleversements économiques ainsi qu’une forte volatilité des marchés financiers. L’inflation au Royaume-Uni devrait suivre une trajectoire similaire par rapport aux États-Unis avec 0,8% cette année et 1,3% l’an prochain.

           

Japon : Une reprise lente

La dynamique économique du Japon avait déjà été affaiblie par l’augmentation de la TVA au quatrième trimestre 2019 et par le typhon. Le pays sera également confronté à une récession en raison de la crise du covid-19.  Le gouvernement a rapidement imposé l’état d’urgence, qu’il a levé à la fin du mois de mai. Les indicateurs économiques avancés indiquent une reprise de l’activité mais plus lente qu’en Europe, en particulier dans le secteur manufacturier qui reste en contraction au Japon. La demande intérieure, déjà affaiblie l’an dernier, montre tout de même des signes de reprise. Les importations ainsi que les dépenses des ménages ont connu une hausse inattendue en juin, confirmant l’amélioration du sentiment des ménages. Ce rebond a été soutenu par les mesures de relance budgétaire du gouvernement, qui s’élèvent à près de 20% du PIB. Cette relance fiscale va augmenter la dette publique, déjà très élevée. Toutefois, les risques de solvabilité sont limités grâce notamment à la politique monétaire ultra-accommodante de la banque centrale. La BoJ a laissé les taux négatifs inchangés mais a renforcé ses mesures d'assouplissement quantitatif, notamment par le contrôle de la courbe des taux, afin d'éviter une augmentation des coûts de financement.

Ces politiques expansionnistes s’inscrivent dans un contexte de prix bas. Nous prévoyons une croissance négative d'environ -4,8% en 2020, suivie d'une reprise limitée de +2,1% en 2021.

La déflation reste une préoccupation majeure pour l’avenir du pays. Nous prévoyons désormais  -0,3 % et -0,7 % en 2020 et 2021 respectivement.

 

Marchés émergents : La Chine en tête

Les investissements de portefeuille sont progressivement revenus sur les marchés émergents après les fortes sorties de capitaux observées pendant la crise. Cela a conduit à la stabilisation des taux de change. Les entrées nettes cumulées d’investissements de portefeuille en obligations et actions des non-résidents se sont élevées à 22 milliards de dollars, dépassant ainsi les sorties nettes cumulées de 100 milliards de dollars entre la fin février et la mi-mai. Même si la Chine est le pays où la reprise économique après le confinement est la plus visible, l’activité économique a rebondi dans tous les pays émergents. Le sentiment semble également s’améliorer, les indices de confiance des consommateurs ayant augmenté de 10 à 20 points par rapport au point bas d'avril.

Les indicateurs s'améliorent, toutefois le rebond des marchés boursiers locaux reste fragile. Au Brésil, en Inde et au Mexique, la pandémie n'est pas sous contrôle et certains pays procèdent à de nouveaux confinements ciblés. Par ailleurs, l'envolée des déficits budgétaires pourrait générer un risque important, même si l'on n'observe pour l'instant aucune difficulté à refinancer la dette publique.

La Chine a rouvert son économie en mars, alors que les autres continents entraient dans une période de confinement. Ainsi, la reprise est arrivée plus tôt et a été plus vigoureuse, bien que le redémarrage ait été différent selon les secteurs d'activité. Les principaux indicateurs économiques ont fait état d’un rebond significatif de la production industrielle en forme de V. La demande d’électricité a aussi connu une forte reprise. Les investissements publics dans les infrastructures et l’immobilier ont également alimenté cette reprise soutenue par les mesures fiscales mises en œuvre par les autorités. La consommation reste faible en raison des pertes  de revenus des ménages et de la détérioration du marché du travail. Les perspectives pour les secteurs d'exportation restent tributaires de la reprise de la demande des pays développés. Une éventuelle deuxième vague pèserait davantage sur la demande intérieure. Il subsiste également un risque accru de reprise des tensions avec les États-Unis. Bien qu'initialement jugé insuffisant, le plan de relance du gouvernement a pris de l'ampleur et devrait permettre à l'économie chinoise d'éviter la récession. En assouplissant les conditions monétaires et de crédit, la banque centrale a répondu à la demande de liquidités du secteur financier. Nous maintenons nos prévisions pour le PIB chinois à +2,5% cette année, suivi d'un fort redressement à +8,1% l'année prochaine. La prévision d'inflation a été révisée à la baisse pour cette année et légèrement à la hausse pour l'année prochaine, avec respectivement +2,5% et +2,3%.

Les prévisions pour la plupart des autres grandes économies émergentes demeurent inchangées, à l’exception de l’Inde. La croissance de ce pays a été révisée à la baisse. Les récentes informations suggèrent que celle-ci devrait être durement touchée cette année en raison des politiques de confinement, mais devrait connaître une forte reprise en 2021. Logiquement, l’inflation sera également inférieure aux prévisions initiales avec +2,5% au lieu de +3,8% cette année. L’inflation en 2021 est toujours attendue à +3,5%.