Perspectives macroéconomiques

Résumé
1.Nous révisons à la baisse la croissance mondiale et nous revoyons à la hausse nos objectifs d'inflation. Nous prévoyons davantage de resserrement monétaire.
2.Les perspectives mondiales restent incertaines. L'Europe est plus vulnérable et devrait tomber en récession. Pour la Chine, la prochaine réunion du parti mi-octobre pourrait permettre de revoir à la hausse nos perspectives de croissance mondiale.
3.L'inflation devrait progressivement ralentir grâce à une base de comparaison plus favorable, à la réduction des goulets d'étranglement au niveau de l'offre et au ralentissement de la croissance de la demande en raison des pressions inflationnistes sur le pouvoir d'achat des ménages et les bénéfices des entreprises. La hausse des taux d'intérêt freinera également la demande de crédit. Nous pensons que l'inflation devrait se stabiliser à des taux plus élevés par rapport à la période d'avant la crise.
4.Pour la Fed, nous tablons sur une hausse des taux de 50 points de base (pb) en novembre et de 25 pb en décembre. Ainsi, le taux directeur s'élèvera à 4 % d'ici la fin de l'année. Pour la BCE, nous prévoyons une hausse des taux de 50 pb en décembre, suivie de 25 pb lors de la prochaine réunion en février. Le taux de dépôt atteindrait alors 2,25 % et le taux de refinancement 2,75 %. Nous considérons ces niveaux comme le taux de fin de cycle.
5.Le rendement des emprunts d'État allemands à 10 ans devrait atteindre 2,25 % dans un an. Aux États-Unis, ce rendement devrait atteindre un pic à 3,6-3,7 % d'ici la fin de l'année, avant de tomber à 3,25 % d’ici un an.
Croissance économique révisée à la baisse
Les indicateurs économiques avancés laissent entrevoir un nouveau ralentissement de la croissance américaine au cours des prochains trimestres. Nous ne prévoyons pas de taux de croissance négatifs. En effet, la solidité du marché du travail et l'excès d'épargne devraient empêcher une récession aux États-Unis. La hausse des taux d'intérêt continuera de peser sur les perspectives de croissance et implique une croissance nettement inférieure à la tendance sur notre horizon de prévision. La croissance économique aux États-Unis devrait être légèrement inférieure à 1,5 % en 2023 et 2024. L'Europe est confrontée à un choc plus important que les États-Unis, et nous anticipons une récession au T3-T4 2022. Les indicateurs économiques avancés exagèrent probablement la profondeur de la contraction imminente. En effet, le soutien budgétaire devrait limiter les effets négatifs de la crise énergétique. Les perspectives à court terme restent toutefois sombres et l'Allemagne semble être la plus exposée parmi les principales économies de la zone euro. La croissance économique de la zone euro est attendue à 0,3 % en 2023 et 1,5 % en 2024.
Tout au long de l'année en Chine, les restrictions de confinement ont fortement affecté l'activité économique et les exportations. Le marché de la construction est extrêmement fragile, de nombreux promoteurs étant incapables de rembourser leurs dettes.
La Banque populaire de Chine poursuit ainsi une politique de baisse des taux modérée. La Chine tiendra le 20e congrès du Parti le 16 octobre, et devrait présenter de nouvelles mesures de relance économique ainsi qu'un assouplissement de la politique zéro Covid. Nous tablons sur une croissance économique de 5,3 % en 2023 et de 5 % en 2024. Cette année, la croissance économique ne dépassera probablement pas 3 %.
Inflation élevée pour plus longtemps
L'inflation reste un phénomène mondial, un grand nombre de pays enregistrant désormais une inflation extrêmement élevée (souvent plus de quatre fois supérieure à l'objectif d'inflation type de 2 %). Il existe toutefois un large consensus sur le fait que l'année prochaine devrait être une période de désinflation (baisse de l'inflation). Cela devrait être dû à des effets de base favorables (les niveaux de prix seront progressivement comparés à des niveaux moins extrêmes l'année précédente), à la réduction des goulets d'étranglement de l'offre et à la baisse de la croissance de la demande due à la pression de l'inflation sur le pouvoir d'achat des ménages et les bénéfices des entreprises. La hausse des taux d'intérêt freinera également la demande de crédit.
Nous pensons que l'économie mondiale est soumise à un nouveau régime et que l'inflation devrait se stabiliser à des taux plus élevés par rapport à la période d'avant la crise. L'inflation est en effet généralisée, plus de la moitié du panier affichant des taux d'inflation au moins deux fois supérieurs à l'objectif de la banque centrale dans la zone euro et au Royaume-Uni.
Une autre raison de ce changement de régime est la solide croissance des salaires, déjà visible aux États-Unis et qui devrait se concrétiser dans la zone euro au cours des prochains trimestres. L'inflation a probablement atteint un pic aux États-Unis et devrait progressivement reculer. Après une inflation de 7,8 % cette année, elle devrait tomber à 3 % et 2,8 % respectivement en 2023 et 2024. Dans la zone euro, le mouvement sera quelque peu retardé avec 8,3 % cette année, suivi de 6 % en 2023 et de 2,4 % en 2024.
Des fortes hausses de taux directeurs à attendre
L’inflation américaine pour le mois d’août est ressortie nettement supérieure aux attentes alors que le marché s’attendait à une nouvelle baisse qui serait venu conforter la très courte tendance mise en place. Cette hausse donc, remet tout cela en cause puisqu’elle vient annuler la série de 2-3 baisses mensuelles que la Fed souhaitait voir. En conséquence, les opérateurs de marché ont augmenté les chances d'une nouvelle hausse très importante des taux directeurs en septembre (75 voire 100 pb -points de base-), ils ont intégré davantage de hausses de taux directeurs et rehaussé le taux de fin de cycle (taux terminal) à près de 4,5%.
Toutefois, la Fed devrait être tournée vers l'avenir, se focaliser sur l’inflation anticipée dans quelques trimestres plutôt que de se concentrer sur l’inflation du mois dernier. En outre, la politique monétaire fonctionne avec un décalage, de sorte que les effets des 225 pb précédents de resserrement des taux depuis mars se feront sentir de plus en plus. L'économie ralentit déjà, les anticipations d'inflation restent ancrées et se normalisent (cf. enquête de l'Université du Michigan). En conséquence, nous ne pensons pas que la Fed relèvera ses taux de 100 pb lors de la réunion du comité de politique monétaire du 21 septembre car il n'est pas nécessaire de choquer le marché. Nous anticipons une hausse des taux de 75 pb. Pour les prochaines réunions de novembre et décembre, nous pensons que la Fed relèvera ses taux avec plus de prudence puisque les taux Fed funds s’approcheront du taux neutre (équilibre de long-terme). Nous tablons sur une hausse des taux directeurs de 50 pb en novembre et de 25 pb en décembre. Ainsi, le taux des Fed funds s'élèvera à 4 % d'ici la fin de l'année, ce qui, selon nous, sera le taux de fin de cycle. Comme l’inflation devrait être sur un rythme de baisse soutenu l’année prochaine, nous ne voyons pas de nouvelles hausses de taux en 2023. Pas de baisse anticipée pour 2023.
Dans la zone euro, la BCE est sous pression compte tenu de la faiblesse de l'euro, ce qui ajoute de l'inflation à une économie déjà inflationniste, et par le fait que plusieurs mesures d’inflation ne montrent aucun signe de pic encore. Nous anticipons donc une nouvelle hausse importante des taux directeurs à la réunion de politique monétaire d’octobre (75 pb). Le taux de dépôt atteindrait alors 1,5 %. La hausse des taux devrait se poursuivre ensuite, malgré les risques non négligeables de récession, car la BCE n’a officiellement qu’un seul objectif : la stabilité des prix, et cela passe par pousser le taux directeur au-delà du taux neutre (considéré comme étant proche de 2%) pour tuer l’inflation. Il est probable qu’à l’approche du taux neutre, elle n’augmente plus ses taux directeurs de façon agressive. Nous prévoyons donc une hausse des taux de 50 pb en décembre, suivie de 25 pb lors de la prochaine réunion en février. Le taux de dépôt atteindrait alors 2,25 % et le taux principal de refinancement 2,75 %. Nous considérons ces niveaux comme les taux de fin de cycle.
Des hausses de taux directeurs mais un potentiel de hausse limité pour les taux à long terme
Les rendements américains à court terme devraient continuer à se tendre jusqu'à la fin de l'année. Nous estimons que le rendement obligataire à 2 ans pourrait atteindre un pic à 4-4,25 % au T4 2022 - T1 2023. Nous anticipons ensuite une baisse du rendement à 2 ans liée à l'absence d'impulsion de la Fed et à la plus forte probabilité d'une baisse des taux directeurs fin 2023. Notre objectif à 12 mois pour le rendement à 2 ans est de 3,50 %.
Les rendements américains à long terme devraient également augmenter en raison de l'inflation élevée et de l'incertitude élevée entourant les prévisions de l'inflation. Selon nous, le rendement à 10 ans devrait atteindre un pic à 3,6-3,7 % d'ici la fin de l'année, avant de se détendre à 3,25 % dans un an, le marché se focalisant alors plus sur la faible croissance plutôt que les craintes inflationnistes.
En Allemagne, les rendements à court terme devraient suivre la même trajectoire que les taux directeurs. Nous anticipons une hausse progressive du rendement allemand à 2 ans avec un objectif de 2 % dans un an.
En ce qui concerne les rendements à long terme allemands, les anticipations d'inflation et les taux réels devraient soutenir la hausse du rendement nominal du bund à 10 ans au cours des trois prochains mois, dans la mesure où l'inflation ne devrait pas faiblir et que le resserrement monétaire se poursuit. Après, la hausse du rendement à 10 ans devrait être plus modeste. Selon nous, le rendement à 10 ans devrait atteindre 2,25 % dans un an, soit le niveau du taux de dépôt de la BCE, car depuis plus de 50 ans, le rendement du bund a quasi toujours été supérieur au taux de dépôt de la BCE (et de la Bundesbank avant 1999). De plus, la BCE devrait moins soutenir les Bunds allemands car elle réoriente davantage les flux des réinvestissements du programme d'achats d'obligations d'urgence face à la pandémie (PEPP) vers les pays périphériques (Italie notamment) au détriment de l'Allemagne afin de préserver l'intégrité de la zone euro.