#Articles — 16.03.2020

Une semaine de fluctuations boursières extrêmes

Patrick Casselman, Senior Equity Specialist

La propagation rapide de la pandémie de coronavirus, le confinement économique et l’effondrement du prix du pétrole viennent de nous faire vivre le krach boursier le plus abrupt en plus de 10 ans.

BNP Paribas Wealth Management

.Une semaine particulièrement volatile

L’Eurostoxx50 a chuté de 20% la semaine dernière et cote entretemps à un niveau de 34% inférieur à son record du 19 février. Le S&P500 américain est pour sa part retombé jeudi à un niveau de 27% inférieur à son récent record, mais est parvenu à remonter de près de 10% vendredi.

La volatilité dominait aussi les marchés des matières premières, les marchés obligataires et les marchés des changes. Le prix du pétrole s’est effondré de 30% lundi à cause de l’absence d’accord entre l’OPEP et la Russie. Il est frappant de constater que le repli touchait pour ainsi dire tous les actifs, même les valeurs refuges comme l’or (-9%) et les obligations. Après les nouveaux planchers atteints par les taux obligataires lundi (taux à 10 ans de 0,5% aux Etats-Unis et de -0,8% en Allemagne), les prises de bénéfices ont pris le dessus les jours suivants et les taux sont repartis à la hausse.

Les investisseurs commencent à s’inquiéter du déficit budgétaire croissant des pays d’Europe du Sud dans le sillage des mesures prises pour endiguer la crise du coronavirus. De plus, le marché avait probablement espéré une intervention plus énergique de la BCE. Celle-ci a en effet décidé d’injecter des liquidités additionnelles et de doubler temporairement son programme d’achats d’obligations, mais d’aucuns avaient tablé aussi sur un abaissement des taux – ce qui est évidemment difficile lorsque le taux directeur est déjà de 0% et le taux de rémunération des dépôts, de -0,5%. D’autres banques centrales, qui disposaient encore de la marge de manœuvre nécessaire, ont quant à elles procédé à des abaissements des taux substantiels.

La chance peut tourner

Le mois dernier, les bourses alignaient encore tranquillement de nouveaux records et rien ne semblait pouvoir déstabiliser les investisseurs. En quelques semaines, cependant, le sentiment a basculé dans l’autre extrême. Alors que le marché partait encore le mois dernier du principe que les retombées économiques de l’épidémie de coronavirus se limiteraient à la Chine et à une interruption temporaire de la chaîne d’approvisionnement pour certaines entreprises, la propagation rapide de la pandémie paralyse à présent des pans entiers de la vie économique dans le monde entier. 

 

Ces derniers mois, nous avions épinglé à plusieurs reprises le décalage entre les marchés actions et les marchés obligataires. La succession de records boursiers semblait suggérer que les marchés des actions s’attendaient à une haute conjoncture, tandis que les taux historiquement bas et la courbe inversée des marchés obligataires laissaient présager une récession. Seul un des deux raisonnements pouvait être le bon, et il est clair désormais que le marché obligataire avait raison. De fait, une récession est désormais devenue inévitable au premier semestre de 2020, même si elle est somme toute due à un cygne noir.

Une récession abrupte, mais de courte durée

Après la Chine, le confinement touche désormais de grandes parties de l’Europe et du reste du monde. Nombre d’activités publiques et économiques sont obligatoirement suspendues : trafic aérien, Horeca, magasins, cinémas, événements sportifs et culturels, sans oublier de nombreuses activités industrielles. Résultat : manque à gagner, chômage temporaire, crainte de faillites et de pertes sur les crédits – bref, de quoi affecter considérablement la confiance des consommateurs et des entrepreneurs. L’industrie avait déjà sombré dans une récession l’année dernière, mais la consommation et les secteurs des services avaient permis à l’économie de tenir bon. A présent, ce sont ces compartiments de l’économie qui en prennent un sérieux coup. Nous continuons néanmoins à espérer que cette récession sera de courte durée.

Pour ce qui est de la durée de la pandémie, nous pouvons puiser de l’espoir dans l’exemple de la Chine. Le nombre de nouveaux cas y diminue de jour en jour, et plus de 80% des patients sont guéris. Après environ six semaines, une large frange de la population développe suffisamment d’anticorps et les mesures de quarantaine sont assouplies. Sur cette base, nous sommes d’avis que les mesures de quarantaine draconiennes devraient durer entre 3 et 6 semaines en Europe. Les pires retombées économiques sont donc attendues en mars et en avril. A partir de mai, nous nous attendons à une normalisation progressive de la vie économique. Cependant, certains secteurs – comme le secteur aérien et le tourisme – ont été touchés au vif et ressentiront les effets de la crise pendant un certain temps encore.

Les autorités et les banques centrales à la rescousse

C’est la raison pour laquelle nombre d’autorités lancent des mesures incitatives comme le report du règlement des impôts et taxes, le chômage temporaire et des incitants fiscaux qui permettront de relancer rapidement la consommation une fois que le confinement sera levé. L’Allemagne et les Etats-Unis, notamment, ont déjà annoncé des incitants colossaux.

Les banques centrales se montrent elles aussi promptes à la riposte. Après avoir abaissé les taux de 0,50% il y a deux semaines, la banque centrale américaine vient à nouveau d’abaisser son taux directeur d’un pour cent entier d’un coup, le ramenant au plancher absolu de 0-0,25%. De plus, la Fed lance également un nouveau programme d’achats d’obligations et d’octroi de crédits aux entreprises d’une valeur de 700 milliards USD. Toutes ces mesures visent à doter le système financier de suffisamment de liquidités et à garantir que les entreprises, les ménages et les pouvoirs publics continueront à pouvoir obtenir des crédits bon marché. D’autres banques centrales ont déjà suivi l’exemple de la Fed, avec notamment des abaissements des taux au Royaume-Uni, au Canada et en Australie, et une intensification de l’assouplissement quantitatif en Europe et au Japon.

Le repli abrupt des bourses offre des opportunités d’achat

2020 sera un plancher cyclique, tant pour l’économie que pour les bénéfices des entreprises. Après avoir stagné en 2019, ces derniers ne connaîtront pas le rétablissement espéré en 2020 (où ils risquent même d’encore diminuer), mais seulement en 2021. Cependant, les bourses anticipent toujours de 6 à 9 mois sur les événements, et les meilleures opportunités d’achat se présentent au début d’une récession. L’incertitude provoquée par le coronavirus étant en ce moment à son comble, il n’est pas à exclure que la volatilité persiste dans les 2 semaines à venir. Il est néanmoins probable que les cours des actions atteignent leur plancher en mars pour amorcer une remontée dans le courant d’avril lorsque la pandémie aura dépassé son paroxysme.