Les solutions alternatives au cash
« Oui, il est difficile de trouver des moyens sûrs et rentables d'investir de l'argent » déclarait Jens Weidmann, président de la banque centrale allemande, dans une interview au journal Süddeutsche Zeitung le 13 décembre 2019.

Effectivement, les politiques monétaires ont conduit le rendement du Bund à -0,2% fin 2019, bien en deçà de sa moyenne historique (5,7%).
Depuis juin 2014, la BCE fait payer les banques qui déposent leurs liquidités chez elle. Comme cette situation se prolonge, des taux d’intérêt négatifs sur les gros dépôts bancaires en euros apparaissent. Pour y échapper, point de salut, il faut investir et diversifier pour réduire les risques. Il existe des solutions, même pour les investisseurs au profil de risque défensif.
Le 5 juin 2014 la BCE annonçait l’impensable : les taux d’intérêt dépositaires allaient devenir négatifs. Les banques commerciales devraient dès lors payer pour placer leur argent auprès de l’institution. Payer pour placer… Une aberration nécessaire pour forcer les banques à prêter à l’économie réelle (ménages, entreprises) plutôt que thésauriser auprès de la BCE, et ainsi donc, l’économie devrait repartir. Seulement, les banques doivent aussi respecter les règles prudentielles. Elles ont donc un équilibre à trouver entre prêter plus pour placer moins auprès de la BCE et payer moins (les banques commerciales en zone euro payent un taux de 0,50% sur une partie de leurs liquidités, soit un coût de 7 milliards d’euros en 2018), et maintenir leurs ratios de solvabilité.
L’introduction des taux négatifs par la BCE a entrainé la baisse des taux d’intérêt à court terme et la chute des rendements obligataires. Au 15 janvier, 38% des obligations en zone euro cotaient avec des rendements négatifs à maturité. Les rendements négatifs sont aussi bien présents au Japon, en Suisse et au Danemark notamment. Dans le monde, 19% des obligations ont des rendements négatifs.
Cet environnement de taux bas prolongé impacte durement les marges des établissements financiers. Aussi, certaines banques de la zone euro ont décidé de répercuter le coût des taux négatifs de la BCE sur leurs clients. En clair, elles emboitent le pas des banques suisses et danoises et facturent les dépôts au-delà d’un certain montant.
Comment les particuliers peuvent-ils y échapper ?
Une réponse rapide serait de conserver ses liquidités dans un coffre-fort, soit à la maison, ce qui pose des problèmes de sécurité évidents, soit à la banque. Un million d’euros en coupure de 200 euros (le billet de 500 euros est en voie d’extinction) représente une pile de 16 cm de long, 8 cm de large et 1 mètre de hauteur. Les grosses coupures (200 et 100 euros) étant fréquemment refusées par les commerçants dans certains pays, l’idéal serait de ne conserver que des billets de 50 euros, ce qui représente alors une pile de 4 mètres de haut, ou un volume de 43 litres. Au-delà de ces considérations de stockage, cet argent ne rapportera rien donc le particulier s’expose à une érosion de pouvoir d’achat en termes réel de l’ordre de 1,3% par an (le niveau de l’inflation de la zone euro). Mieux vaut donc l’investir et diversifier ses avoirs pour réduire le risque global de son portefeuille, critère d’autant plus important pour un investisseur défensif. Voici donc ci-après quelques solutions d’investissement qui délivrent un rendement au moins proche de l’inflation et dont la volatilité historique est relativement faible.
Les obligations en euro
Les possibilités sont réduites en zone euro. Les obligations souveraines, les plus sûres, ont des rendements négatifs sur les échéances jusqu’à 7 ans pour la plupart des pays de la zone euro. L’Italie et la Grèce font figure d’exception puisque leur rendement à 3 ans est déjà positif, 0,2% et 0,1% respectivement.
Pour trouver du rendement, tout en restant dans des obligations de bonne qualité (émetteurs notés Investment Grade), il faut se porter sur les émissions subordonnées émises par des entreprises. Elles sont plus risquées que les émissions ‘seniors’, puisqu’elles n’arrivent qu’après dans l’ordre de priorité de remboursement en cas de faillite, mais le risque est somme toute limité si l’on choisit des émetteurs Investment Grade.
Les subordonnées financières offrent un rendement de l’ordre de 1,0%, contre 0,3% pour les obligations bancaires ‘seniors’.
Les obligations hybrides sont émises par des sociétés non financières, avec un coupon variable (non garanti), une date de maturité non fixée (perpétuelle) et une possibilité de remboursement anticipé à la discrétion de l’émetteur à des dates connues à l’avance. Le rendement, calculé en prenant en compte la première date possible de remboursement par anticipation, est proche de 1,5%. A titre de comparaison, les émissions ‘seniors’ n’ont un rendement que de 0,4%. Il convient de privilégier les obligations hybrides à coupons élevés et dont la date de remboursement par anticipation n’est pas trop lointaine.
Les obligations en dollar
Les rendements des obligations en dollar sont supérieurs à ceux des obligations en euro, mais évidemment, l’investisseur dont la devise de référence n’est pas le dollar s’expose aux fluctuations de la devise, à moins qu’il n’investisse via des parts de fonds couvertes du risque de change. Les obligations d’État sont très peu risquées et très liquides. Nous préférons celles à échéances courtes car les rendements à long terme n’offrent pas de rémunération supplémentaire substantielle. Les obligations américaines dont les échéances sont comprises entre 1 et 3 ans offrent un rendement de l’ordre de 1,6%.
Les obligations d’entreprise Investment Grade aux États-Unis sont également intéressantes. Elles sont certes un peu plus volatiles que les obligations d’État, mais offrent, en échange, une rémunération supérieure. Pour les obligations les mieux notées (AAA, AA et A), les rendements sont de l’ordre de 1,9% pour des échéances courtes (1 à 3 ans) et 2,3% pour celles notées BBB.
Les ABS
L’Asset-Backed Security est un produit de taux dont les revenus proviennent d’un portefeuille de prêts avec un collatéral. Cet ensemble d’actifs est généralement constitué d’un groupe homogène de petits actifs illiquides comme des crédits immobiliers, des crédits auto, du crédit-bail, des dettes de carte de crédit. L’ensemble des flux générés par ces prêts est utilisé pour payer les intérêts de chaque tranche d’ABS, avec en priorité les tranches ‘seniors’ puis les plus ‘juniors’. Comme une obligation classique, les ABS payent des intérêts périodiquement et le principal est remboursé à maturité (sauf cas de faillite). Les intérêts sont très souvent basés sur des taux variables, ce qui limite le risque de taux d’intérêt en cas de remontée des taux.
Le marché des ABS européens est caractérisé par des fondamentaux relativement solides, un cadre réglementaire renforcé depuis la crise financière de 2008 et des rendements relativement attractifs comparés au cash. La BCE en achète chaque mois dans le cadre de son programme d’achat d’actifs.
Dans un environnement de taux bas en zone euro, les ABS représentent donc un bon élément de diversification tout en conservant un couple rendement/risque attractif comparé à celui du marché monétaire. Les meilleures tranches, notées AAA, ont des rendements négatifs (-0,2%), celles notées AA offrent 0,3% et celles notées A, 0,8%. Plus la note est élevée, plus la volatilité est faible.
Les stratégies alternatives
Les fonds Newcits offrent la possibilité de profiter de la hausse et aussi de la baisse des prix des actifs en fonction de la stratégie. Nous privilégions les stratégies macro car les tensions commerciales et le populisme défient certains secteurs, ce qui devrait générer de la volatilité et donc des opportunités. De plus, la dispersion au sein des marchés émergents permet de dégager des idées d’investissement. Les stratégies long/short equity sont également intéressantes car elles peuvent exploiter les facteurs structurels tels que la faiblesse des rendements et les innovations perturbatrices. Les rendements attendus à long terme (10 ans) sont de l’ordre de 3,5% avec une volatilité des rendements d’environ 8,2%. Il existe cependant des supports avec une volatilité réduite, inférieure à 2%.
Conclusion
Le cash n’est plus rémunéré, voire peut coûter, et les taux bas pèsent sur la rentabilité des investissements obligataires. Les produits de taux proposés ci-dessus correspondent à des solutions défensives qui devraient permettre de compenser l’inflation. Les investisseurs peuvent également se tourner vers l’autre grande classe d’actifs que sont les actions car les sociétés versent des dividendes substantiels qui contribuent à la performance totale. Au 1er janvier, le rendement du dividende des actions s’établissait en moyenne à 3,5% dans l’Union européenne et 1,8% aux États-Unis, ce qui est supérieur au rendement des obligations. Les investisseurs qui ne souhaitent pas s’exposer totalement au risque action peuvent se tourner vers les fonds multi-asset car ils offrent un ratio risque/rendement attractif. De plus en plus de fonds ISR (Investissement Socialement Responsable) existent aussi pour les investisseurs ayant une sensibilité aux enjeux sociaux et environnementaux.
LEXIQUE
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Cash et équivalent au cash : sont des actifs qui présentent les caractéristiques d’être liquides (rapidement convertis en argent comptant) et sûrs (dont la valeur fluctue très peu). Cela comprend par exemple l’argent comptant, les dépôts bancaires, les fonds euros en assurance vie, certains placements financiers à moins d’un an.
Investment Grade : désigne les notes de crédit de bonne qualité, par opposition à « haut rendement » (high yield).
Les obligations seniors sont les obligations qui seront remboursées en priorité en cas de faillite de l’émetteur.
Les obligations subordonnées sont des obligations qui, en cas de faillite de l’émetteur, ne sont remboursées qu’après toutes les autres créances. Les détenteurs d’une obligation subordonnée sont cependant remboursés avant les actionnaires.
Les obligations hybrides présentent des caractéristiques communes aux obligations et aux actions. Ce sont des titres subordonnés à très long terme (sans date de maturité). Toutefois, l’émetteur peut décider de rembourser l’obligation par anticipation, à des dates fixées à l’avance (souvent 5 ou 10 ans après la date d’émission). L’obligation hybride verse normalement un coupon mais l’émetteur peut décider de le suspendre ou de l’annuler sans pour autant déclencher une procédure de défaut.