#Articles — 27.01.2020

Sous l’emprise du coronavirus

Patrick Casselman, Senior Equity Specialist, Belgique

La semaine dernière, les bourses ont été ballottées entre d’une part les résultats rassurants rapportés par les entreprises, et de l’autre la crainte de plus en plus cuisante d’une épidémie de coronavirus.

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Alors que début janvier, les tensions en Iran n’étaient pas parvenues à affecter le sentiment en bourse, l’incertitude au sujet des pertes humaines et économiques susceptibles de découler de la propagation rapide du coronavirus commence à présent à peser. La semaine dernière, la bourse chinoise a chuté de plus de 3%, tandis que la plupart des bourses américaines et européennes sont parvenues à limiter leurs pertes à 1%. Les secteurs les plus touchés étaient les biens de luxe, le secteur aérien et le tourisme, mais une correction était perceptible également du côté des matériaux de base et de l’énergie du fait que les prix du pétrole (-6,7%) et des matières premières ont accusé un recul par crainte des retombées économiques de l’épidémie pour la Chine. Le plus grand perdant était cependant le secteur automobile, mais c’était surtout à cause de la menace proférée par Donald Trump à Davos d’introduire une taxe à l’importation de 25% sur les voitures européennes dans l’hypothèse où l’Europe ne se dépêche pas de conclure un accord commercial avec les Etats-Unis. L’incertitude provoquée par le coronavirus a aussi initié une fuite vers les valeurs refuges comme l’or (+1%), le yen, le dollar et les obligations d’Etat, faisant une nouvelle fois baisser les taux obligataires. Les actions sensibles aux taux d’intérêt, comme celles des sociétés immobilières et des entreprises de services aux collectivités, ont donc laissé entrevoir une progression, tout comme celles du secteur technologique dans l’euphorie des résultats supérieurs aux attentes.  

Le Nouvel An chinois en demi-teinte

Après le premier cas de coronavirus découvert en décembre dans la métropole chinoise de Wuhan, le rythme des contaminations et des décès s’est accéléré la semaine dernière. Par la suite, des voyageurs provenant de cette ville ont contaminé d’autres personnes dans les pays asiatiques voisins, et quelques cas ont même été signalés aux Etats-Unis et en France. Les autorités chinoises ont dans l’intervalle pris des mesures draconiennes en plaçant en quarantaine toute la province touchée de Hubei. Les routes, les aéroports et les transports en commun ont été bloqués, coupant du monde quelque 56 millions d’habitants. Le moment est particulièrement mal choisi vu que nombre de Chinois ont pour habitude de voyager cette semaine pour fêter le Nouvel An chinois en famille. La situation n’est pas sans rappeler l’épidémie du SRAS, qui avait en 2003 fait chuter la bourse chinoise de 18% en trois mois. Cela dit, cette dernière s’en était à l’époque remise assez aisément.  

Signes mitigés en provenance de l’économie

A présent que l’incertitude au sujet du Brexit et du conflit commercial opposant la Chine et les Etats-Unis s’est apaisée, les économistes s’attendent à voir la confiance des entrepreneurs s’améliorer progressivement. Et pourtant, les indicateurs publiés récemment restent mitigés. Aux Etats-Unis, l’indice ISM pour les services s’est rétabli à 55 points, mais son pendant pour l’industrie est retombé à 47 points. En Europe, nous assistons au mouvement inverse: alors que l’indice PMI composite est resté stable à son bas niveau de 50,9 points, celui de l’industrie a enregistré une remontée de 46,3 à 47,8 points, tandis que l’indicateur de confiance du secteur des services a, pour sa part, baissé de 52,8 à 52,2 points.

Après la croissance mondiale modérée de 2,9% rapportée pour 2019, le FMI table sur une légère amélioration dans les années à venir, ce qui ne l’a pas empêché de revoir à la baisse sa prévision de croissance – de 3,4% à 3,3% pour 2020 et de 3,6% à 3,4% pour 2021. On y verra principalement un effet du ralentissement de la croissance constaté dans certains pays émergents comme l’Inde.

Bientôt une révision à la baisse de l’objectif d’inflation?

La nouvelle présidente de la BCE, Christine Lagarde, n’est pas parvenue à enthousiasmer les marchés avec son discours. En répétant que c’est à présent aux pouvoirs publics de lancer des incitants fiscaux, elle a en effet laissé entendre que la BCE ne peut plus faire grand-chose pour soutenir l’économie. Dans le même temps, elle a indiqué que seuls deux pays d’Europe disposent somme toute de la marge budgétaire requise pour de tels incitants fiscaux: l’Allemagne et les Pays-Bas. Entretemps, la BCE s’est lancée dans un exercice de réflexion stratégique qui l’occupera jusqu’à la fin 2020. Les banquiers centraux commencent surtout à s’interroger sur les effets préjudiciables des taux d’intérêt négatifs, et se demandent si l’objectif visant une inflation "proche de 2%" est bel et bien encore réaliste. Peut-être devrions-nous en effet, dans une Europe aux prises avec le vieillissement de la population et la réduction des coûts engendrée par la digitalisation, nous accommoder d’une inflation structurellement inférieure…

 

Résultats encourageants de la part des entreprises

Après les résultats supérieurs aux attentes des banques américaines, c’était la semaine dernière au tour de nombreuses entreprises technologiques de publier leurs mises à jour. Et là aussi, les bonnes surprises étaient au rendez-vous. Un constat frappant réside dans la reprise du secteur des semi-conducteurs. Fin 2018/début 2019, les producteurs de puces électroniques avaient été confrontés à un repli abrupt du chiffre d’affaires et du bénéfice sous l’effet de l’incertitude engendrée par le conflit commercial et de la faiblesse des débouchés du côté du secteur automobile et de l’électronique, ainsi qu’une réduction des stocks dans toute la chaîne de production. Sur la base des publications encourageantes émanant notamment d’Intel, Texas I. et, en Europe, d’ASML et STM, le pire semble à présent derrière nous et le quatrième trimestre a permis de renouer avec la croissance.

Cette semaine, la saison des résultats passera à la vitesse supérieure. Et bien que les bourses chinoises soient fermées toute la semaine pour le Nouvel An chinois, il nous faudra surveiller l’impact du coronavirus sur le sentiment des bourses internationales. Potentiellement, il pourrait en découler de nouvelles opportunités d’achat intéressantes...