Vers plus de sérénité ?
Les actions ont terminé la semaine sur une note amère alors que les chiffres économiques commencent à montrer l’ampleur des dégâts.

Les États-Unis ont enregistré leur plus forte perte d’emplois depuis la crise financière et l’Europe une forte contraction du secteur des services. Sur la semaine, le S&P 500 a cédé 2% et le Stoxx Europe 600 a baissé de 0,6%.
La volatilité journalière est restée élevée mais en fin de compte, les indices n’ont plus beaucoup bougé sur la semaine. Depuis le début de l’année, le S&P 500 a perdu 23% mais est 11% au-dessus de son plus bas du 23 mars. Pour le Stoxx Europe 600, ces chiffres sont de -26% et +10%. A-t-on vu le plus bas de ce cycle ? Pour tenter de répondre à cette question, il convient d’examiner 1/ l’évolution de la pandémie, 2/ l’estimation des dégâts économiques 3/ la réaction des autorités, 4/ l’évolution des indicateurs de stress des marchés et 5/ les valorisations.
Pandémie : nouvelles rassurantes en Europe
La durée des mesures de confinement généralisé reste la principale incertitude. Mais les nouvelles en provenance d’Italie, le premier foyer d’infection en Europe, sont rassurantes. Le nombre de nouveaux cas a atteint son plus haut le 21 mars et décroit depuis. Le nombre de décès décroit également depuis le 27 mars.
En Allemagne, Belgique et France, les premiers signes d’une amélioration commencent à apparaître, aussi après 3 semaines de confinement. Le schéma temporel observé en Chine se vérifie bien chez nous aussi.
Les États-Unis sont maintenant l’épicentre de la pandémie. Il faudra encore attendre 2 semaines pour voir les résultats des mesures prises. A New York, ou les mesures prises ont été plus strictes, cela pourrait aller plus vite.
L’amplitude des dégâts économiques commence à apparaître
Aux États-Unis, 701 000 emplois ont été perdus et le taux de chômage est remonté à 4,4%. Ces chiffres ne reflètent que la première partie du mois. Près de 10 millions d’américains ont introduit des demandes d’indemnités de chômage au cours des deux dernières semaines.
Les indices des directeurs des achats du secteur des services se sont effondrés tant aux États-Unis (de 49,4 à 39,8) qu’en zone euro (de 52,6 à 26,3). La gravité de la récession est sans précédent car habituellement, les services sont plus résilients que le secteur manufacturier.
Ces très mauvais chiffres ont pesé sur les marchés mais on n’a pas vu de réactions négatives impulsives comme il y a deux semaines. La résistance aux mauvaises nouvelles est une condition nécessaire pour espérer une stabilisation.
Pétrole : vers un accord OPEP++ ?
Le pétrole a été doublement touché par les restrictions de déplacement qui affectent la demande et par la guerre des prix que se livrent l’Arabie saoudite et la Russie. Mais le prix du baril de Brent a bondi de 35% en deux jours suite à un tweet du président Trump annonçant que l’Arabie Saoudite et la Russie allaient se mettre d’accord sur une réduction de la production de 10 à 15 millions de barils par jour. Cette annonce n’a ni été infirmée ni confirmée. Mais les marchés ont été encouragés par l’organisation d’une réunion – par vidéo - du groupe de l’OPEP+ cette semaine.
La baisse de la demande est estimée à plus de 20 millions de barils par jour. La production continuant, les capacités de stockage seront saturées d’ici un mois.
Les États-Unis pourraient-ils participer à un accord ? Ce n’est pas évident, car les lois antitrust empêchent les sociétés de travailler ensemble pour réduire la production. Les grandes compagnies y sont opposées pour des raisons idéologiques et économiques.
Mais avec ou sans accord, la production de pétrole de schiste américain devrait baisser. Les prix sont beaucoup trop en-dessous des seuils de rentabilité (ils ont besoin de minimum 45 USD) et l’infrastructure de pipelines et de citernes commence à être saturée. Donc la tentation existe peut-être de faire passer cette baisse de production comme un geste des États-Unis.
Un accord au niveau de l’OPEP+ serait positif pour l’économie américaine vu l’importance de l’industrie du pétrole de schiste et de sa part dans le marché des obligations « high yield ».
La réaction des autorités
En plus des programmes déjà annoncés, d’autres pourraient suivre. Les ministres des finances de l’Eurogroup se réunissent mardi pour essayer de trouver une approche fiscale commune pour faire face aux conséquences du Covid-19. Aux États-Unis, les démocrates rejettent la proposition de plan d’infrastructure de l’administration Trump mais souhaitent consacrer ces sommes directement à la lutte contre les effets négatifs de la crise sanitaire. Des deux côtés de l’Atlantique, il n’est pas certain que les importantes divergences politiques puissent être surmontées rapidement.
Les indicateurs de stress diminuent
Grâce à l’intervention déterminée des banques centrales, le calme est revenu sur le marché du crédit de bonne qualité (‘investment grade’). Des deux côtés de l’Atlantique, les entreprises ont profité de la réouverture du marché primaire pour placer des volumes records d’obligations. Les spreads High Yield restent toutefois très élevés, signe que le malaise persiste. Les corrélations entre actifs financiers et volatilité diminuent.
En conclusion
Historiquement, le point le plus bas est atteint quand l’incertitude est maximale. On pourrait arguer au vu des évolutions décrites ci-dessus que l’incertitude quant à la durée de la crise sanitaire a un peu diminué mais qu’elle n’a pas disparu. Deux arguments plaident pour ne pas revoir les plus bas : le « de-risking » et les ventes forcées des gestions avec effet de levier, des fonds spéculatifs et autres ont déjà eu lieu et les interventions massives des banques centrales et des gouvernements commencent à avoir des effets positifs.
Mais le flux de nouvelles devrait rester négatif et pourrait encore peser sur les marchés. Un « re-test » des plus bas est donc possible mais à ces niveaux-là, les valorisations prennent bien en compte une récession dure et longue alors qu’une reprise plus rapide n’est pas du tout à exclure.