#Articles — 30.03.2020

Vigoureux rebond après la chute vertigineuse

Patrick CASSELMAN, Senior Equity Specialist

Le krach boursier le plus violent en un mois vient d’être suivi du rebond le plus marqué en quelques jours.

BNP Paribas Wealth Management

Volatilité historique

Entre son record du 19 février et son plancher du 23 mars, le S&P500 a accusé un recul de 34%, pour ensuite remonter de 18% dans les trois jours qui ont suivi. L’EuroStoxx50 trahit une volatilité encore plus marquée: un effondrement de 38% entre le 19 février et le 18 mars, suivi d’un rebond de 19%. Ce rétablissement s’inspirait des plans incitatifs colossaux décidés par les autorités et les banques centrales, de la relance encourageante observée en Chine et de la prise de conscience que le repli antérieur avait peut-être tout de même été excessif. 

La propagation effrénée du virus aux Etats-Unis a fait ressurgir le doute vendredi, obligeant les bourses à concéder à nouveau une partie de leurs gains. Au total, le S&P500 a clôturé la semaine sur une hausse de 10%, tandis que les bourses européennes ont signé une progression hebdomadaire de 7%.

Il y a deux semaines, les taux obligataires avaient amorcé une remontée en raison de l’inquiétude au sujet de l’augmentation des déficits budgétaires et de la crainte de défauts de remboursements de crédits d’entreprises. Cependant, les programmes colossaux d’achats d’obligations annoncés par les banques centrales ont fait à nouveau reculer les taux obligataires ces dernières semaines, même dans les pays d’Europe du Sud.

Des retombées économiques pires que prévu…

Les économistes estiment que le confinement actuel ralentit l’activité économique à raison de 30 à 40%. Si cette situation persiste durant 6 semaines pour ensuite se normaliser progressivement, la contraction pour toute l’année 2020 atteindra un niveau sans précédent de plus de 5%. Autrement dit, cette récession sera encore plus marquée que celle de 2009, lorsque l’économie européenne s’était contractée de 4,5%. Les premiers signaux sont d’ores et déjà perceptibles: confiance des entrepreneurs et des consommateurs en chute libre, augmentation marquée des demandes d’allocations de chômage aux Etats-Unis et ainsi de suite.

 

… mais les autorités et les banques centrales sortent le grand jeu

Cependant, on remarque aussi des différences par rapport à la récession de 2008/2009. A l’époque, la crise trouvait son origine dans l’endettement excessif des entreprises et des banques, combiné à un repli soudain des prix de l’immobilier qui avaient précédemment connu une hausse exponentielle. En d’autres termes, les marchés avaient véritablement provoqué la crise eux-mêmes.

Cette fois-ci, nous sommes confrontés à une cause externe dont personne ne peut, à première vue, être tenu pour responsable. Par conséquent, les autorités, les banques centrales et les banques se montrent bien plus conciliantes qu’à l’époque, comme en attestent la promptitude et l’envergure des mesures de soutien annoncées.

Les autorités américaines ont approuvé un plan de relance de 2.000 milliards de dollars – soit 10% du PIB – consistant en des revenus de remplacement, de l’assistance médicale et des réductions d’impôts. Et contrairement à 2008, lorsque la faillite de Lehman avait fait boule de neige, les autorités sont cette fois-ci disposées à garder en vie les entreprises confrontées à des difficultés financières.

L’envolée du déficit budgétaire – de 4% à 14% du PIB – et l’explosion de la dette publique sont des soucis pour plus tard dès lors que la Fed finance dans l’intervalle les efforts. En marge du récent abaissement des taux, qui aura été le plus rapide de l’histoire (-1,5% en 2 semaines), la banque centrale américaine s’apprête à acheter pour des montants colossaux d’obligations et de crédits, bien plus encore que durant la crise financière de 2008. Grâce à ces injections massives, les banques ne se retrouveront pas à court de liquidités cette fois-ci et pourront continuer à octroyer des crédits, voire envisager des reports de remboursement. La solvabilité des banques s’est aussi considérablement améliorée en comparaison de la précédente crise.

Les entreprises renoncent à leurs prévisions annuelles, programmes de rachat d’actions propres et/ou dividendes

La plupart des entreprises reviennent sur les prévisions de croissance bénéficiaire qu’elles avaient avancées précédemment. Certaines réagissent en fermant temporairement leurs usines et en procédant à des réductions de coûts substantielles, y compris à travers des mesures de chômage temporaire. Elles tentent aussi de préserver leur trésorerie en différant les investissements, en effectuant des prélèvements sur les lignes de crédit disponibles, en suspendant les programmes de rachat d’actions propres et/ou en réduisant ,voire en supprimant leurs dividendes. Il est d’ores et déjà clair qu’au lieu de la croissance bénéficiaire de 10% initialement attendue par les analystes, 2020 se soldera par un repli substantiel des bénéfices, avec même des chiffres dans le rouge pour les entreprises les plus touchées.

Oublions 2020 et reportons notre attention sur 2021

2020 est une année perdue et il n’y aurait aucun sens à évaluer les entreprises sur la base du contexte exceptionnellement négatif que nous connaissons actuellement. Pour les analystes et les investisseurs, le réflexe le plus judicieux consiste à anticiper sur la normalisation qui nous attend en 2021, même s’il faut savoir qu’il ne s’agira pas encore d’un rétablissement complet. Il convient en effet de tenir compte des effets secondaires de l’augmentation du chômage et de la déstabilisation des finances publiques. 

Mais comme nous l’avons déjà dit, les marchés anticipent sur les faits et atteignent généralement leur plancher lorsque l’incertitude est à son comble. Les virologues estiment que l’épidémie devrait atteindre son paroxysme en Europe vers début avril. Aux Etats-Unis, par contre, nous devons sans doute nous attendre à une aggravation de la situation, dans un premier temps, due aux mesures de quarantaine plus tardives.

Nous tablons dès lors sur deux semaines encore très volatiles, durant lesquelles les planchers précédents pourraient éventuellement être testés. Dans une perspective temporelle plus longue, nous restons néanmoins convaincus que cette situation réserve des opportunités d’achat historiques. Il est très probable que le marché commence, avant même la fin avril, à anticiper sur la levée du confinement et sur une reprise économique à partir du mois de mai. D’importants catalyseurs pourraient dans ce contexte résider dans un aplatissement de la courbe des contaminations (tel qu’il a déjà été observé en Chine) ou dans une éventuelle percée sous la forme d’un remède ou d’un vaccin.