Point Stratégie : garder le cap

Résumé
Pas de surprise du côté de la Fed ou de la BCE. Elles ont relevé leurs taux à cause de l’inflation élevée et ont rassuré les marchés quant au risque de stabilité bancaire.
Nous maintenons nos prévisions de taux de fin de cycle à 5,25% en mai pour la Fed et à 3,50% (taux de dépôt) en juin pour la BCE. Le marché s’est relativement bien aligné sur nos prévisions de taux de fin de cycle. En revanche, contrairement aux attentes, nous ne pensons pas que la Fed baissera ses taux cette année.
Nous pensons que les taux d’intérêt allemands et américains vont se tendre dans les prochains mois avant de retomber du fait du ralentissement économique. Objectifs à 3,5% pour le taux d’intérêt américain à 10 ans et à 2,5% pour son homologue allemand.
Les taux se sont effondrés dans des proportions quasi historiques suite à la crise bancaire de ces 10 derniers jours. Nous sommes passés de Positif à Neutre sur les obligations d’État américaines et sur les obligations d’État à court terme de la zone euro le 21 mars après la forte baisse des taux.
Fed
25 points de base : les membres de la Fed se sont vu proposer deux options par les économistes de la Fed lors de la réunion de politique monétaire du 22 mars : augmenter les taux directeurs de 25 pb ou faire une pause. La première option a été adoptée à l’unanimité, portant le taux directeur à 5% (fourchette haute). La deuxième option aurait probablement été interprétée comme un signe de manque de confiance dans la solidité du système bancaire.
Instabilité bancaire : le sujet était évidemment sur le devant de la scène suite à la faillite de trois banques régionales américaines début mars. Le président Powell s’est voulu rassurant, rappelant les mesures déjà prises par la Fed, le Trésor et l'agence qui assure les dépôts (FDIC) pour restaurer la confiance et éviter un retrait massif des dépôts.
Trajectoire des taux directeurs : le communiqué suggère la nécessité de moins monter les taux qu’initialement anticipé. La raison est que la crise bancaire récente va engendrer un durcissement des conditions de crédit pour les ménages et les entreprises, qui va peser sur l’activité économique et faire baisser l’inflation. Ainsi, le durcissement des conditions de crédit aura le même effet que les hausses de taux, mais dans des proportions encore inconnues (50 pb ?).
La médiane des projections de taux des 18 membres de la Fed indique un taux directeur à 5,1% en fin d’année (inchangé par rapport aux projections de décembre 2022), 4,3% fin 2024 (contre 4,1% en décembre 2022) et 3,1% fin 2025 (inchangé). On note cependant une très grande dispersion dans les projections de taux de chacun des membres de la Fed en 2024 et 2025.
Notre vue sur la Fed : la prudence de la Fed et le durcissement attendu des conditions de crédit engendré par la crise bancaire suggèrent que la fin de la hausse des taux est proche. Nous maintenons notre anticipation d’une dernière hausse de taux de 25 pb à la prochaine réunion de mai, qui portera le taux directeur à 5,25%. Nous pensons que la Fed maintiendra ce taux de fin de cycle tout au long de l’année afin d’éviter ce qui s’est passé dans les années 80, où la Fed avait baissé ses taux trop tôt et l’inflation était revenue. Le marché s’est relativement bien aligné sur nos attentes de taux de fin de cycle pour mai mais pas du tout sur la suite puisqu’il escompte 60 pb de baisses de taux d’ici la fin de l’année.
Notre vue sur les taux d’intérêt américains : les taux à court et long terme se sont effondrés dans des proportions quasi historiques suite à la crise bancaire de ces 10 derniers jours, puis encore un peu plus après la réunion de la Fed. Nous anticipons un rebond des taux dans les prochains mois puisque nous ne sommes pas face à une répétition de la crise financière mondiale et nous pensons que le marché va annuler une partie de ses anticipations de baisses de taux. Nous tablons sur un taux d’intérêt à 2 ans à 4,5% et un taux d’intérêt à 10 ans proche des 4% dans 3 mois. Les taux d’intérêt devraient ensuite baisser (objectifs à 12 mois à 3,75% et 3,5% pour les taux d’intérêt à 2 et 10 ans respectivement) sous l’effet de l’impact du durcissement des conditions de crédit et du ralentissement économique. Nous sommes passés de Positif à Neutre sur les obligations d’État américaines le 21 mars après la forte baisse des taux d’intérêt.
BCE
Décision comme attendue : malgré le contexte de marché très tendu avec la faillite de trois banques régionales aux États-Unis et la situation difficile de Credit Suisse, la BCE a augmenté ses taux directeurs de 50 pb à la réunion du 16 mars, comme annoncé plusieurs semaines auparavant en raison du regain d’inflation. Le taux de dépôt a donc été porté à 3% et le taux de refinancement principal à 3,5%.
Un instrument par objectif : la hausse des taux directeurs est la réponse à l’inflation jugée « trop forte pendant une trop longue période ». Pour répondre à l’instabilité financière, la BCE a promis des injections de liquidités si nécessaire.
Fin des orientations prospectives : la BCE n’a pas souhaité faire des prévisions sur l’évolution des taux directeurs dans les prochains mois du fait du niveau élevé d’incertitude. Ses futures décisions seront dépendantes de quatre facteurs : 1) les perspectives d'inflation ; 2) la dynamique de l'inflation sous-jacente et 3) l’efficacité de la transmission de la politique monétaire. A ceci, nous ajoutons 4) la stabilité du système financier.
Notre vue sur la BCE :
I) par rapport à l’inflation, nous notons la révision à la baisse des prévisions d'inflation de la BCE malgré une révision à la hausse de la croissance du PIB.
2) par rapport à l'inflation sous-jacente, les prévisions de la BCE pointent vers un taux légèrement supérieur à l’objectif à moyen terme de 2%. Selon nous, l'inflation sous-jacente devrait rester élevée encore plusieurs mois avant de ne décélérer que vers le T3.
3) par rapport à la bonne transmission de la politique monétaire, la BCE constate en effet une baisse de la dynamique de croissance des prêts et un durcissement des conditions de crédit.
Enfin, 4) par rapport à stabilité du système financier, le stress s’est grandement atténué.
En conséquence, nous pensons que la BCE va continuer à monter ses taux directeurs à cause des tensions inflationnistes persistantes, tout en continuant à rassurer les marchés quant au risque d’instabilité financière avec des outils spécifiques si nécessaires (financements à court terme et à bas coûts en euros, apports de liquidités en dollars…).
Nous tablons toujours sur une hausse de taux de 25 pb à chacune des deux prochaines réunions (mai et juin), soit un taux de fin de cycle à 3,5% en juin. Les anticipations de marché pour le taux de fin de cycle sont remontées ces deniers jours de 3% à 3,55% et se sont donc complètement alignées sur notre vue. Nous n’anticipons pas de baisse de taux cette année.
Notre vue sur les taux d’intérêt allemands : les taux à court et long terme se sont effondrés dans des proportions historiques suite à la crise bancaire de ces 10 derniers jours. Nous anticipons un rebond des taux d’intérêt à horizon 3 mois, à 3% pour le taux d’intérêt à 2 ans et proche de 2,75% pour le taux d’intérêt à 10 ans. Puis nous pensons que les taux vont retomber, en lien avec le ralentissement de l’économie. Nos objectifs à 12 mois sont à 2,50% pour le taux d’intérêt à 2 ans et aussi celui à 10 ans. Nous sommes passés de Positif à Neutre sur les obligations d’État à court terme de la zone euro le 21 mars, après la forte baisse des taux d’intérêt ces deux dernières semaines. Nous restons Neutre sur les obligations d’État à long terme.