#Articles — 11.04.2022

Perspectives mensuelles sur les marchés obligataires - Avril

Edouard Desbonnets, Investment Advisor

city

Résumé

  1. L'inflation est devenue la seule priorité et la Fed est déterminée à agir. Cependant, si elle peut calmer l'inflation due à une demande excessive, elle ne peut pas faire grand-chose contre l'inflation due à des perturbations de l'offre. Nous nous attendons à 150 points de base de hausses de taux supplémentaires aux États-Unis et de 25 points de base dans la zone euro. Notre vue est plus prudente que celle du marché.
  2. Les obligations d'État ont terminé le T1 2022 avec la pire performance de leur histoire. Nous avons relevé nos objectifs de taux à 10 ans à 2,50% aux États-Unis et 0,75% en Allemagne. Nous passons de Négatifs à Neutres sur les obligations d'État à long terme suite à la remontée des rendements obligataires, avec une préférence pour les États-Unis par rapport à la zone euro. Nous restons positifs sur les obligations d'État américaines à court terme.
  3. Aux États-Unis, les récessions passées ont été précédées d’une inversion de la courbe des taux : les taux à long terme sont devenus inférieurs aux taux à court terme. Au 31 mars, la courbe 2-10 ans était proche de l’inversion. Cependant, deux autres courbes de taux sont encore très pentues et suggèrent un risque de récession à un an négligeable. Cette vue est confortée par deux autres indicateurs : la part des segments inversés dans la courbe des taux et le fait que les taux directeurs réels sont très inférieurs au PIB potentiel américain.

 

Banques centrales

Combattre l'inflation à tout prix ?

Banque centrale européenne (BCE)

Durcissement : Le ton lors de la réunion de mars n’a pas été accommodant. La BCE a annoncé une réduction plus rapide du programme d’achats APP ainsi que –comme anticipé- la fin du PEPP au 31/03 (voir graphique), malgré le conflit Russie-Ukraine et ses impacts sur les prix de l'énergie et sur la croissance de la zone euro.

Vue du marché : Le marché a revu ses anticipation fortement à la hausse suite à la publication des chiffres de l’inflation. Il anticipe 55 points de base de hause de taux d'ici la fin de l'année, dont 15 d'ici juillet.

Notre avis : La BCE ne peut pas faire grand-chose contre la hausse des prix de l'énergie. Les orientations de la BCE confortent notre hypothèse selon laquelle elle mettra fin aux achats net d’obligations de l’APP au T3 et relèvera le taux de dépôt pour la première fois de 25 points de base en décembre. En effet, c'est à la fin de l'année que l'impact de l'inflation devrait être visible sur les salaires. Nous prévoyons trois hausses de taux en 2023, ce qui portera le taux de dépôt à 0,50% et le taux de refinancement principal à 0,75% d'ici décembre 2023.

Réserve fédérale américaine (Fed)

Durcissement net : La Fed a augmenté ses taux de 25 points de base comme prévu lors de la réunion de mars et elle a encore durcit le ton. Elle a revu ses prévisions de taux significativement à la hausse, prévoyant désormais six hausses supplémentaires de 25 points de base jusqu'à la fin de l'année, soit une à chaque réunion. Le taux directeur devrait culminer à 2,75% dès 2023 et être maintenu en 2024. Ce niveau est plus élevé que le taux à long terme prévu (2,38 %), ce qui suggère que la Fed est passée de la volonté de supprimer l'excès de liquidités dans le système (voir graphique) à celle de durcir les conditions financières.

Notre avis : La Fed devrait concentrer ses hausses de taux sur 2022 compte tenu de l'inflation élevée. Nous prévoyons donc une hausse des taux de 50 points de base en mai, ainsi que le début de la réduction du bilan. D’après nous, le taux directeur atteindrait 2% en fin d’année, soit une hausse supplémentaire de 150 points de base. Pour 2023, nous anticipons désormais une hausse de 75 points de base plutôt que 100. Notre objectif de taux des Fed funds pour fin 2023 reste inchangé à 2,75%.

CONCLUSION

L'inflation est devenue la seule priorité et la Fed est déterminée à agir. Cependant, si elle peut calmer l'inflation due à une demande excessive, elle ne peut pas faire grand-chose contre l'inflation due à des perturbations de l'offre. Nous nous attendons à 150 points de base de hausses de taux supplémentaires aux États-Unis et de 25 points de base dans la zone euro. Notre vue est plus prudente que celle du marché.

 

Rendements obligataires

Des mouvements massifs

Le marché a réévalué significativement le rythme des hausses de taux directeurs aux États-Unis et en zone euro en raison de l’inflation élevée. Les rendements obligataires ont donc bondi dans un contexte de forte volatilité et les obligations d'État ont terminé le T1 2022 avec la pire performance de leur histoire.

Dans le sillage de la forte remontée des rendements obligataires, nous avons relevé nos objectifs de taux à 10 ans dans 12 mois, de 25 points de base, soit 2,50% aux États-Unis et 0,75% en Allemagne.

Nous passons de Négatifs à Neutres sur les obligations d'État à long terme avec une préférence pour les Etats-Unis par rapport à la zone euro étant donné le niveau absolu du rendement. Avec un rendement américain à 10 ans de 2,50%, le risque de hausse est limité, à moins que - ce qui n'est pas notre scénario principal - la Fed ne décide de vendre activement son portefeuille obligataire dans le cadre de sa stratégie de réduction du bilan.

Nous restons Positifs sur les obligations d’État américaines jusqu'à l'échéance de 3 ans.

CONCLUSION

Les obligations d'État ont terminé le T1 2022 avec la pire performance de leur histoire. Nous avons relevé nos objectifs de taux à 10 ans à 2,50% aux États-Unis et 0,75% en Allemagne. Nous passons de Négatifs à Neutres sur les obligations d'État à long terme suite à la remontée des rendements obligataires, avec une préférence pour les États-Unis par rapport à la zone euro. Nous restons positifs sur les obligations d'État américaines à court terme.

 

Thème du mois

Le spectre de la courbe des taux US inversée

En temps normal la courbe des taux est pentue : les taux à long terme sont plus élevés que ceux à court terme car les investisseurs préfèrent la liquidité à court terme et donc  réclament  une rémunération supplémentaire pour placer à long terme.

Au 31 mars, la courbe des taux américaine était plate et très proche de l’inversion à en juger par le taux à 10 ans (2,33%) à peine supérieur au taux à 2 ans (2,28%).

Une inversion est quasi tout le temps annonciatrice d’une récession : les taux à long terme deviennent plus bas que les taux à court terme, ce qui pousse les banques à réduire voire stopper les crédits accordés aux entreprises, entraînant par là même une réduction de l’activité et potentiellement une récession.

L’écart entre les taux à court terme et les taux à long terme permet de calculer des probabilités de récession à horizon 12 mois grâce à des modèles statistiques. Mais quel couple de taux choisir? (cf graphique)

Les opérateurs de marché regardent traditionnellement la courbe 2-10 ans. Les critiques diront que le signal envoyé par cette courbe est brouillé puisque la Fed a acheté énormément d’obligations et a donc manipulé les niveaux de taux. Quoiqu’il en soit, elle signale un risque élevé de récession dans un an (29%).

La Fed de New York, elle, utilise la courbe 3 mois-10 ans. L’écart entre ces taux, 181 points de base, suggère un risque de récession dans un an très faible (5%).

Le président de la Fed, lui, préfère l’écart de taux entre le taux à 3 mois dans 18 mois et celui à 3 mois d’aujourd’hui. Là, l’écart est de 269 points de base, soit un risque de récession dans un an proche de zéro (1%).

Autres indicateurs à suivre : Les récessions passées ont été précédées par l’inversion de presque tous les segments qui composent la courbe des taux (cf graphique). Aujourd’hui, seuls 33% des segments de la courbe des taux sont inversés. De plus, les récessions passées se sont produites lorsque la Fed a poussé ses taux directeurs (en termes réels) au-delà du taux de croissance potentielle de l’économie. Aujourd’hui, les taux directeurs réels sont très négatifs et très inférieurs au PIB potentiel.

CONCLUSION

Aux États-Unis, les récessions passées ont été précédées d’une inversion de la courbe des taux : les taux à long terme sont devenus inférieurs aux taux à court terme. Au 31 mars, la courbe 2-10 ans était proche de l’inversion. Cependant, deux autres courbes de taux sont encore très pentues et suggèrent un risque de récession à un an négligeable. Cette vue est confortée par deux autres indicateurs.