#Articles — 16.12.2022

Perspectives mensuelles sur les marchés obligataires - Décembre 2022

Edouard Desbonnets, Investment Advisor

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Résumé

1.Banques centrales Fed et BCE : fin de la phase de remontée forte et rapide des taux directeurs, début de la phase de hausses de taux plus modérées. Nous anticipons des taux de fin de cycle au T1 2023, à 5% pour la Fed et 2,75% pour le taux de dépôt de la BCE.

2.Stratégie contre tactique. D’un point de vue stratégique, les taux d’intérêt à long terme restent élevés sur base historique, mais d’un point de vue tactique, les obligations souveraines à long terme sont proches d’une zone de surachat. La volatilité reste élevée et la liquidité se dégrade sur les obligations souveraines

3.Stratégiquement, nous restons Positifs sur les emprunts d'État américains pour les investisseurs en USD et Neutres sur les emprunts d'Etat allemands. Les taux à long terme devraient se tendre sur les prochains mois, avant de détendre progressivement après le T1 2023. Nos objectifs pour les rendements obligataires à 10 ans sont à 3,5 % aux États-Unis et 2,5 % en Allemagne dans 12 mois.

4. La dolce vita des BTPs… pour l’instant.  Les primes de risques italiennes se sont tassées dernièrement, mais cela pourrait changer. Le spread italien pourrait s’écarter significativement au T1 2023 et toucher les 250pb, ce qui constituerait une opportunité d’achat car la BCE interviendrait si le spread s’écartait au delà pour des raisons autres qu’une exubérance budgétaire. Nous tablons sur un spread à 230bps en fin d’année 2023. Pour le moment, nous conservons une vue Neutre sur la dette souveraine Italienne.

5.D’un point de vue stratégique, opportunités dans les obligations d’entreprises et émergentes. Nous sommes Positifs sur les obligations d'entreprises IG américaines pour les investisseurs en USD. Nous sommes Neutres sur les obligations d'entreprises IG de la zone euro. Nous privilégions les entreprises de qualité dans la zone euro. En relatif les obligations d'entreprises IG sont plus attractives que celles HY. Nous sommes Positifs sur les obligations émergentes, en devise forte et en devise locale. Les risques semblent intégrés dans les cours. Nous privilégions les exportateurs de matières premières et les émetteurs de qualité.

 

Banques centrales

Ralentissement des hausses de taux, mais couplé à un ton plus offensif 

Banque centrale européenne (BCE)

La BCE a révisé ses projections d’inflation substantiellement à la hausse : elle voit l’inflation sous-jacente à 4,2% fin 2023, 2,8% fin 2024 et 2,4% fin 2025, soit très au delà de la cible de 2% et ce malgré les 250pb de hausses de taux réalisées en 2022.

Le credo « atteindre et rester » de la BCE ressemble au « plus élevé pour plus longtemps » de la Fed.

Le resserrement monétaire n’est pas fini : la BCE continuera d’augmenter ses taux d’intérêt et de réduire la masse monétaire en incitant les banques à rembourser les prêts à long terme contractés à taux réduits (TLTROs) et en commençant le resserrement quantitatif (QT) dès mars 2023 (en ne réinvestissant pas la totalité des obligations du portefeuille APP qui viendront à échéance).

Nos attentes : Nous sommes plus confiants que la BCE sur la baisse à venir de l’inflation. Nous anticipons deux hausses de taux au T1 2023 pour 75pb, ce qui conduira le taux de dépôt à 2,75%, que nous considérons comme étant le taux de fin de cycle.

Réserve fédérale américaine (Fed)

L'inflation baisse sensiblement mais est encore trop élevée : la Fed aura relevé ses taux de 425pb en 2022, soit l’un des resserrements monétaires les plus rapides de l’histoire, mais elle ne compte pas en rester là. Elle escompte 75pb additionnels d’ici décembre 2023.

Le marché ne croit pas la Fed : le marché anticipe une baisse de l’inflation bien plus rapide que la Fed avec 2,5% atteint dans 8 mois. De ce fait, le marché entrevoit un début de baisse de taux dès le T3 2023.

Projections économiques 2023 revues à la baisse  : la Fed anticipe moins de croissance, plus d’inflation et plus de chômage par rapport aux dernières projections de septembre. Cela suggère une probabilité de récession plus élevée.

Nos attentes : une dernière hausse de taux de 50pb à la prochaine réunion de la Fed en février 2023 pour porter le taux directeur à 5%, puis une longue pause afin d’éviter un scénario où l’inflation reviendrait (cf Volker dans les années 80). Nous tablons sur 100bp de baisse de taux en 202

Conclusion en matière d'investissement

La première phase du cycle de resserrement monétaire, celle qui consiste à monter les taux vite et fort, est terminée. Les taux directeurs de la Fed et de la BCE sont maintenant considérés comme restrictifs. Ces deux banques centrales entament maintenant une deuxième phase, celle des hausses de taux plus modérées vers le taux de fin de cycle. Nous anticipons des taux de fin de cycle au T1 2023, à 5% pour la Fed et 2,75% pour le taux de dépôt de la BCE. Viendra ensuite la troisième phase, celle de l’attente. Puis la quatrième, le pivot, où les banques centrales vont baisser les taux, probablement en 2024, en réponse à un ralentissement économique potentiellement marqué.

 

Rendements obligataires

En baisse depuis un mois

La volatilité des taux est très élevée, deux fois supérieure à la moyenne de long terme.

La liquidité se dégrade, du fait de la volatilité, du resserrement monétaire opéré par les banques centrales et de l’approche des congés de fin d’année. La volatilité des taux devrait ensuite baisser et la liquidité devrait s’améliorer l’année prochaine à mesure que l’inflation revient sous contrôle.

Valorisation : d’un point de vue stratégique, les taux à long terme restent élevés sur base historique, mais d’un point de vue tactique, les obligations souveraines à long terme sont proches d’une zone de surachat.

Catalyseurs : l’évolution de l’inflation et la réaction des banques centrales ont été le moteur principal des mouvements de taux d’intérêt ces derniers trimestres. Au fur et à mesure que l’inflation revient sous contrôle, les taux d’intérêt devraient être davantage impactés par les flux réduits et les volumes d’émissions très élevés du T1 2023, ce qui implique des taux d’intérêt à long terme plus élevés. Par la suite, ils devraient se détendre puisque le ralentissement économique se fera sentir.

Conclusion en matière d'investissement

D’un point de vue stratégique, les taux d’intérêt à long terme restent élevés sur base historique, mais d’un point de vue tactique, les obligations souveraines à long terme sont proches d’une zone de surachat. Stratégiquement, nous restons Positifs sur les emprunts d'État américains pour les investisseurs en USD et Neutres sur les emprunts d'Etat allemands. Nos objectifs pour les rendements obligataires à 10 ans sont à 3,5 % aux États-Unis et 2,5 % en Allemagne dans 12 mois.

Thème du mois

La dolce vita des BTPs pour l’instant

Lune de miel depuis les élections : l’arrivée du gouvernement populiste de Meloni au pouvoir n’a pas provoqué un élargissement des primes de risques comme on pouvait le craindre. Au contraire, le spread italien s’est réduit considérablement et s’est éloigné de la zone dangereuse où le marché commence généralement à s’inquiéter de la soutenabilité de la dette.

Quatre raisons principales : 1/ pas d’affrontement entre Meloni et l’Union européenne pour l’instant, 2/ nomination d’un ministre des Finances considéré comme un membre modéré et relativement pro-européen 3/ déficit public maitrisé pour le budget 2023 et 4/ l’Italie a déjà reçu 67 milliards d’euros du fonds européen de relance post-pandémie depuis 2021.

Mais… Meloni souhaite modifier les règles du fonds européen de relance pour tenir compte des prix de l'énergie et de matières premières plus élevés. La négociation avec la Commission européenne devrait débuter au T1 2023.

Retard des grandes réformes : le gouvernement doit encore voter une vingtaine de mesures avant la fin de l’année afin de sécuriser le prêt de 20 milliards du fonds européen de relance.

Difficulté à dépenser : l’Italie n’a dépensé qu’un tiers des 42 milliards reçu cette année notamment à cause des lourdeurs administratives, de la hausse des prix de l'énergie et des projets retardés suite à des découvertes de vestiges archéologiques.

Un équilibre budgétaire à trouver : le déficit projeté semble maitrisé mais certains critiquent le manque de réalisme du budget 2023, notamment qu’il se base sur une croissance prévue de 0,6% en 2023, ce qui contraste notre vue (-0,4%) et celle de la majorité des économistes (-0,1%).

Des nuages à l’horizon : forte hausse des émissions souveraines nettes attendue au T1 2023, dans un contexte de taux d’intérêt plus élevés et, sauf choc exogène, sans soutien de la BCE. Ainsi, le sort des nouvelles émissions souveraines italiennes dépendra essentiellement de l’appétit des investisseurs locaux et internationaux, sachant que les banques domestiques ont des capacités d’achats réduites.

Conclusion en matière d'investissement

Nous avons une vue Neutre sur la dette souveraine italienne. Le spread italien à 10 ans pourrait s’écarter significativement au T1 2023 et toucher les 250pb, ce qui constituerait une opportunité d’achat car la BCE interviendrait si le spread s’écartait au delà pour des raisons autres qu’une exubérance budgétaire. Nous tablons sur un spread à 230pb en fin d’année 2023.