#Articles — 14.02.2023

Perspectives mensuelles sur les marchés obligataires - Février 2023

Edouard Desbonnets, Investment Advisor

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Résumé

1.Les banques centrales restent au centre des préoccupations. Les hausses de taux directeurs de 75 pb ne sont plus d’actualité. Des hausses de plus faible ampleur sont cependant encore à venir. Nous anticipons des taux de fin de cycle au T1 2023, à 5% pour la Fed et 2,75% pour le taux de dépôt de la BCE.

2.2023 en deux temps : les taux à long terme devraient se tendre au T1 car les investisseurs privés devront absorber un déluge d’émissions dans la zone euro. Ils devraient ensuite se détendre car le risque inflationniste aura baissé et les investisseurs vont se focaliser sur le risque de récession et le calendrier des futures baisses de taux des banques centrales.

3.Tactiquement, les obligations d'État allemandes et américaines sont proches de la zone de surachat. Stratégiquement, nous restons Positifs sur les emprunts d'État américains et Neutres sur les emprunts d'Etat allemands. Nos objectifs pour les rendements obligataires à 10 ans sont à 3,5% aux États-Unis et 2,5% en Allemagne dans 12 mois.

4.Imprévisible BoJ :  après avoir surpris les investisseurs en décembre 2022 en augmentant le plafond de fluctuation du taux à 10 ans à 0,5%, la Banque du Japon (BoJ) a encore surpris en ne poursuivant pas dans cette voie en janvier. Les impacts sont importants, non seulement sur les taux japonais et le yen, mais aussi sur les actifs étrangers par ricochet. Selon nous, les obligations d'État japonaises à long terme pourraient continuer à subir des pressions à la vente puisque les attentes de normalisation de la politique monétaire sont fortes. La BoJ devrait relever le plafond du taux à 10 ans à 1% le 10 mars.

5.D’un point de vue stratégique, opportunités dans les obligations. Nous sommes Positifs sur les bons du Trésor américains et les obligations d'entreprises IG américaines. Nous sommes Neutres sur les obligations d'entreprises IG de la zone euro. Nous privilégions les obligations subordonnées dans la zone euro. En relatif, les obligations d'entreprises IG sont plus attractives que celles High Yield. Nous sommes Positifs sur les obligations émergentes, en devise forte et en devise locale. 

 

Banques centrales

Des hausses de taux moins fortes mais un ton plus offensif 

Banque centrale européenne (BCE)

Crédo de la BCE : « hit and stay » c’est-à-dire remonter rapidement les taux et les maintenir à un niveau élevé.

Inflation trop forte : avec 9,2% en décembre en estimation annuelle, la BCE redoute des hausses de salaires à venir. Elle pense que l’inflation va être supérieure à son objectif de 2% en 2023, 2024 et même 2025.

Des prévisions fiables ? Probablement pas car personne ne sait prévoir l’inflation à cet horizon. De plus, les banques centrales nationales ont contribué à ce résultat et certaines se fondent sur des jugements non modélisés. Quoiqu’il en soit, l’important est le signal envoyé plus que les chiffres. En affichant une inflation supérieure à 2% en 2025, la BCE veut affirmer sa volonté de continuer son resserrement monétaire.

Nos attentes : nous sommes plus confiants que la BCE sur la baisse à venir de l’inflation. Nous anticipons une hausse de taux de 50 pb en février puis 25 pb en mars, ce qui conduira le taux de dépôt à 2,75%, que nous considérons comme étant le taux de fin de cycle. Nous n’anticipons pas de baisse de taux cette année.

Réserve fédérale américaine (Fed)

Crédo de la Fed : « higher for longer » c’est-à-dire remonter les taux et les maintenir à un niveau élevé.

Inflation : troisième chute mensuelle d’affilée. La tendance semble bien engagée, même si l’inflation est encore trop élevée.

Moins de pression de la part des politiques et des médias : certains appellent la Fed à prioriser l’emploi maximum maintenant que la lutte contre l’inflation est en passe d’être gagnée.

25 ou 50 ? La Fed devrait continuer à baisser la taille de ses hausses de taux au fur et à mesure que l’on approche du taux de fin de cycle. Nous penchons pour une hausse de 25 pb en février. La probabilité qu’elle atteigne 50 n’est pas pour autant exclue, cela serait un moyen pour resserrer les conditions financières qui se sont largement (trop ?) détendues en janvier.

Nos attentes : nous voyons un taux de fin de cycle à 5%, atteint au T1, suivi d’une longue pause et 50 pb de baisse de taux au T1 2024.

Conclusion en matière d'investissement

La fin du cycle de resserrement monétaire est proche selon nous. La Fed devrait terminer son cycle avec un taux directeur à 5% en mars et la BCE avec un taux dépositaire à 2,75%. La trajectoire de l’inflation et les conditions financières sont probablement les deux plus importants indicateurs à suivre. Ces deux banques centrales devraient ensuite maintenir leurs taux à ces niveaux pour éviter que l’inflation ne revienne et que les conditions financières ne se détendent trop. Nous envisageons des baisses de taux en 2024 pour répondre à la baisse de la croissance économique.

 

Rendements obligataires

Encore très volatils

Décembre 2022 : tensions sur les taux à long terme en Allemagne et aux États-Unis suite aux discours offensifs des banques centrales et à la réouverture de l’économie chinoise.

Janvier 2023 : inversion de ce mouvement grâce à la baisse de l’inflation et aux statistiques décevantes (consommation, immobilier américain…), qui laissent à penser que la Fed va assouplir son discours.

Nos anticipations pour le T1 : des taux à long terme plus élevés car 1/ ils sont tombés à des niveaux proches de la survente, 2/ semblent trop décorrélés des fondamentaux et 3/ un déluge de nouvelles émissions est prévu en zone euro. Comme les banques centrales ont mis fin à leurs programmes d’achat, ces nouvelles émissions devront être absorbées uniquement par les investisseurs privés.

Nos anticipations pour mi-fin 2023 : des taux à long terme plus bas qu’au T1 puisque les inquiétudes par rapport à l’inflation se seront estompées et que les investisseurs vont se focaliser sur le risque de récession et les futures baisses de taux des banques centrales.

Conclusion en matière d'investissement

Le déluge d’émission du T1 devraient pousser les taux d’intérêt à long terme à la hausse au T1. La tendance devrait s’inverser ensuite car les investisseurs vont se focaliser sur le risque de récession et le calendrier des futures baisses de taux des banques centrales. Tactiquement, les taux à long terme actuels semblent sont trop bas. Stratégiquement, nous restons Positifs sur les emprunts d'État américains et Neutres sur les emprunts d'Etat allemands. Nos objectifs pour les rendements obligataires à 10 ans sont à 3,5 % aux États-Unis et 2,5 % en Allemagne dans 12 mois.

Thème du mois

Imprévisible BoJ

Seule au monde : alors que toutes les banques centrales du monde relevaient rapidement leurs taux l'année dernière, la Banque du Japon (BoJ), elle, n’a rien fait. Son taux directeur est resté inchangé à -0,1% depuis 2016 et elle a continué d’intervenir pour empêcher toute remontée du taux à 10 ans au-delà de 0,25%.

Nouvelle toile de fond : l'inflation a commencé à revenir au Japon et le yen est tombé à des niveaux extrêmement bas au T4 2022 (l’USD/JPY est monté au-delà de 150) en raison des différentiels de taux d'intérêt.

Surprises en décembre ! Comme en 1989, lorsque la BoJ a relevé ses taux le jour de Noël, elle a surpris les marchés en décembre 2022 en relevant le plafond du taux à 10 ans à 0,50%, invoquant la nécessité d'améliorer le fonctionnement du marché obligataire. En effet, la BoJ détient plus de 50% des obligations d'État japonaises (JGBs) en circulation. Cette décision a été perçue comme un premier pas vers une politique monétaire moins accommodante.

Impacts immédiats : le yen a bondi, les rendements obligataires se sont tendus et les obligations à rendement négatif à échéance ont presque disparu.

Impact à plus long terme : les investisseurs japonais étaient traditionnellement des gros acheteurs d'actifs étrangers et en particulier de bons du Trésor américain. Cette tendance s’est inversée puisque 1/ les rendements japonais sont un peu plus attrayants aujourd'hui et 2/ le coût de couverture USD/JPY est très cher. En conséquence, la pression à la baisse sur les taux étrangers, américains en particulier, est structurellement un peu moins forte qu’avant. En outre, le rôle du yen dans les opérations de portage pourrait être remis en question si la BoJ sort de sa politique très laxiste.

Janvier 2023, surprise ! La BoJ n'a pas relevé le plafond du taux à 10 ans malgré les attentes mais a utilisé son fonds de provision pour mieux contrôler la courbe des taux. Nous pensons que les JGBs à long terme pourraient continuer à subir des pressions à la vente puisque les attentes de normalisation de la politique monétaire sont fortes. La BoJ devrait relever le plafond du taux à 10 ans à 1% le 10 mars selon nous.

Conclusion en matière d'investissement

Après avoir surpris les investisseurs en décembre 2022 en augmentant le plafond de fluctuation du taux à 10 ans à 0,5%, la BoJ a encore surpris en ne poursuivant pas dans cette voie en janvier. Les impacts sont importants, non seulement sur les taux japonais et le yen, mais aussi sur les actifs étrangers par ricochet. Selon nous, les obligations d'État japonaises à long terme pourraient continuer à subir des pressions à la vente puisque les attentes de normalisation de la politique monétaire sont fortes. La BoJ devrait relever le plafond du taux à 10 ans à 1% le 10 mars.