Perspectives mensuelles sur les marchés obligataires - Février

Résumé
- La BCE monte le ton face à l’inflation élevée. Nous anticipons une fin plus rapide que prévue du programme d’achats d’actifs et une première hausse de taux directeurs en décembre plutôt qu’en mars.
- Volonté d’accélérer le calendrier de normalisation de politique monétaire surtout du côté de la Réserve fédérale américaine. La première hausse de taux directeur devrait survenir en mars, suivie de trois autres hausses cette année. En parallèle, la Fed devrait réduire son bilan dès juillet en limitant les réinvestissements des obligations qui arrivent à échéance.
- Les rendements obligataires ont bondi suite à la Fed, la BCE, la banque d’Angleterre et le solide rapport de l’emploi américain. Nous avons relevé nos objectifs sur les taux anglais et allemands. Au-delà d’une volatilité à court terme, le potentiel de hausse des taux allemands et américains à long terme semble limité.
- Conséquences du changement de perception sur la politique monétaire de la BCE : forte remontée des rendements obligataires, chute du stock d’obligations qui affichent un rendement négatif à échéance et inquiétudes sur la dette italienne. Nous restons prudents sur la dette d’État italienne.
Banques centrales
La fin des mesures d’urgence
Banque centrale européenne (BCE)
Pas de réelle surprise dans le communiqué de la dernière réunion de la BCE : l’inflation inquiète mais devrait décliner dans les trimestres à venir. L’économie et le marché de l’emploi s’améliorent.
Mais la présidente Lagarde a tenu un discours ferme et n’a pas voulu guider le marché. Lagarde veut se laisser un maximum de flexibilité pour mener la politique monétaire vu le caractère très incertain de l’inflation. Cette fois ci, Lagarde n’a pas dit qu’une hausse de taux cette année était très improbable.
Notre vue : les projections économiques de la BCE qui seront délivrées en mars seront cruciales. Il est fort probable que l’inflation à court et moyen terme soit revue à la hausse. Ceci ouvrirait la voie à un ralentissement des achats d’actifs, à une fin plus rapide que prévue du programme d’assouplissement monétaire (APP) et à une hausse de 0,25% du taux de dépôt en décembre et non plus mars comme anticipé avant. Nous anticipons 3 hausses de taux supplémentaires l’année prochaine, qui porteront le taux de dépôt à 0,50% et le taux principal de refinancement à 0,75% à fin 2023.
Réserve fédérale américaine (Fed)
Pas de réelle surprise dans le communiqué de la dernière réunion de la Fed : la Fed va cesser son programme d’achats d’actifs et commencer à remonter ses taux en mars. Après quelques hausses de taux, elle laissera son bilan se réduire de manière naturelle en limitant les réinvestissements de obligations tombées à échéance.
Mais le président Powell a tenu un discours ferme et n’a pas voulu guider le marché.
Notre vue : la Fed veut être agile et se laisser la possibilité d’agir en fonction des nouvelles données économiques. L’inflation devrait décélérer du fait des effets de base dans le courant de l’année, réduisant par là même la pression politique sur la Fed. Elle ne devrait donc pas être obligée de relever ses taux directeurs à chaque réunion. Nous maintenons notre hypothèse de 4 hausses de taux de 25 points de base chacune cette année, la première en mars et 4 autres en 2023. La réduction du bilan devrait se faire de manière prédictible. Elle pourrait être annoncée en juin pour un début en juillet.
CONCLUSION
La Fed et la BCE sont sur la même lignée : mettre fin aux mesures d’urgence plus rapidement que prévu étant donné la vigueur de l’inflation, et se laisser un maximum de marge de manœuvre vu le caractère incertain de l’évolution de l’inflation. Une fois les programmes d’achats d’actifs nets terminés, la Fed pourrait relever ses taux 4 fois cette année, à partir de mars et la BCE, une fois, en décembre.
Rendements obligataires
A la hausse
Face à l’envolée de l’inflation, les banquiers centraux ont changé de ton et les marchés ont réévalué les perspectives de hausses de taux directeurs. Les taux ont réagi en conséquence, avec un mouvement haussier massif sur toutes les maturités et en particulier sur les maturités courtes, aux États-Unis, en zone euro et en Angleterre.
La décision de la banque d’Angleterre de vendre ses obligations d’entreprise accumulées lors de la pandémie a ouvert la voie à une possibilité faible qu’elle fasse de même pour ses obligations d'État.
La réduction du bilan de la Fed est susceptible de pousser les taux américains un peu plus haut via un renchérissement de la prime de terme. De plus, d’après les observations historiques, le taux à 10 ans a tendance à atteindre un pic vers la fin du cycle, généralement juste avant la dernière hausse de taux.
Nous avons revu nos objectifs sur les taux allemands suite à la dernière réunion de la BCE. La hausse de taux plus tôt que prévue et la fin des achats d’actifs plus rapide qu’anticipée devraient exercer une pression haussière sur les taux.
CONCLUSION
Les taux se sont tendus rapidement suite au changement de ton des banquiers centraux. Le mouvement haussier devrait se poursuivre, probablement par à-coups en fonction des déclarations des banques centrales et des potentielles surprises sur l’inflation, mais dans une moindre mesure que le mouvement observé jusqu'à présent.
Thème du mois
Impacts marchés suite à la BCE
Remontée des taux. Vu la persistance de l’inflation à des niveaux élevés, la BCE a monté le ton lors de sa dernière réunion de politique monétaire. Elle pourrait sortir plus vite que prévu de sa politique monétaire laxiste en mettant fin à son programme d’achats d’actifs nets et en remontant ses taux directeurs dès cette année. Les anticipations de marché se sont rapidement ajustées et les taux se sont tendus.
En conséquence, le stock de dette à rendement négatif à échéance a fondu comme neige au soleil. Fin 2020, alors que la BCE achetait d’énormes quantités d’obligations avec ses programmes d’achats d’actifs, 62% des obligations de la zone euro traitaient à des rendements négatifs à maturité. A fin janvier, il n’y avait plus que 12% d’obligations à rendement négatif à maturité en zone euro.
Les coûts de refinancement se renchérissent avec la remontée des taux et met les pays le plus fragiles à nouveau sous les projecteurs, notamment l’Italie du fait de son niveau d’endettement important. L’Italie était l’un des principaux bénéficiaires des programmes d’achats d’actifs de la BCE. En 2020 et en 2021, la BCE avait acheté plus que la totalité de l’émission nette italienne. En 2022, la BCE devrait acheter environ 60% de l’offre nette italienne et puis plus rien en 2023. L’Italie devra se contenter uniquement des réinvestissements de la BCE. En conséquence, la prime de risque italienne s’est renchérie. L’écart de taux entre l’obligation italienne à 10 ans et le bund allemand s’est écarté de 25 points de base en quelques jours, à 155pb. Le taux italien à 10 ans est remonté à 1,85%. Il n’est pas exclu que les taux italiens continuent de se tendre quand la BCE confirmera la sortie de sa politique monétaire accommodante.
Cela dit, le risque d’une baisse de note de crédit pour l’Italie est limité. D’après l’agence de notation S&P, le pays est encore protégé de la hausse des rendements obligataires grâce au faible coût de refinancement de sa dette. Le marché estime que la soutenabilité de la dette italienne est menacée si le rendement à 10 ans de l'Italie dépasse 2,5%. Nous restons prudents sur la dette d’État italienne.
CONCLUSION
La fin de la politique laxiste de la BCE a créé une forte remontée des rendements obligataires. En conséquence, le stock d’obligations qui affichent un rendement négatif à échéance a fondu drastiquement. De plus, la remontée des coûts de refinancement a mis les pays le plus fragiles sous les projecteurs, notamment l’Italie. Nous restons prudents sur la dette d’État italienne.