#Articles — 14.03.2023

Perspectives mensuelles sur les marchés obligataires - Mars 2023

Edouard Desbonnets, Investment Advisor

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Résumé

 

1.Instabilité financière : la faillite de trois banques régionales américaines ne devrait pas poser un risque systémique pour le système bancaire. Elle a toutefois généré une vague massive d’aversion au risque.

2.Les banques centrales devront faire plus ? La tâche des banques centrales vient de se compliquer. Le risque d’instabilité financière est devenu apparent, le risque de récession a augmenté et le risque inflationniste est toujours bien présent. Le marché a revu ses anticipations de hausses de taux d’un extrême à l’autre selon nous. Nous tablons sur un taux de fin de cycle à 5,25% en mai pour la Fed et à 3,50% (taux de dépôt) en juin pour la BCE.

3.Baisse des taux d’intérêt spectaculaire : le mouvement nous semble exagéré.

4.0bligations d’État à court terme en zone euro : nous sommes passés Positifs sur cette sous-classe d’actifs fin février suite à la forte remontée des taux courts (3,3% de rendement moyen pour les obligations 1-3 ans).

5.Les obligations d’entreprises high yield en zone euro : nous sommes Neutres sur les obligations d’entreprises high yield avec une préférence  pour le sous-segment le mieux noté (BB). Le portage est très attractif mais les risques ont augmenté. De meilleurs points d’entrée pourraient se dessiner aux T3-T4 puisque les spreads de crédit devraient s’écarter quand les effets de la politique monétaire se feront sentir davantage. Cela se traduira par plus de dispersion au sein de la classe d’actifs, des baisses de notation de crédit et une hausse des défauts pour les entreprises les plus fragiles.

6.D’un point de vue stratégique, opportunités dans les obligations. Nous sommes Positifs sur les bons du Trésor américains et les obligations d'entreprises IG américaines. En zone euro, nous sommes Positifs sur les obligations d’État à court terme et les obligations d'entreprises IG. Nous sommes également Positifs sur les obligations émergentes, en devise forte et en devise locale.

 

Banques centrales

 

Banque centrale européenne (BCE)

L’économie est plus forte qu’attendu : résilience des indicateurs d’activité, regain d’inflation dans plusieurs pays de la zone euro, et marché du travail tendu qui augmente le risque de pressions salariales à venir.

Mouvements erratiques : le taux de fin de cycle escompté par le marché est passé de 3,5% fin janvier à 4,2% début mars suite aux bonnes statistiques économiques avant de retomber à 3,4% après la faillite des trois banques régionales américaines.

Nos attentes : avant ces événements récents, nous avions relevé notre prévision de taux de fin de cycle à 3.,5% en juin (contre 3,25% en mai précédemment) suite au regain d’inflation. Le risque d’une contagion en zone euro nous parait limité, donc la BCE devrait garder le cap dans son combat contre l’inflation. Nous excluons toujours des baisses de taux cette année.

Réduction du bilan : le Quantitative Tightening (QT) a démarré en mars à un rythme modéré. Le rythme au delà de juin est inconnu et pourrait donc être source de volatilité sur les taux d'intérêt.

Réserve fédérale américaine (Fed)

Risque idiosyncratique : la faillite des trois banques régionales américaines ne devrait pas poser de risque systémique pour le système bancaire.

Reconsidération 1 : le processus de désinflation des T3-T4 2022 a été remis en cause avec l’amélioration des données économiques récentes. La Fed considérait alors la possibilité d’augmenter la taille de la prochaine hausse de taux en mars (50 pb plutôt que 25).

Reconsidération 2 : la faillite des trois banques américaines change la donne. La Fed doit alors trouver le bon équilibre entre continuer à monter les taux pour combattre l’inflation persistante et maintenir la stabilité du système financier.

Mouvements erratiques : le marché a revu ses anticipations de hausses de taux d’un extrême à l’autre selon nous, passant de plus de 4 hausses de taux prévues cette année à quasi plus aucune.

Nos attentes : nous anticipons un taux de fin de cycle à 5,25% en mai. Nous n’attendons toujours aucune baisse de taux cette année. 

Conclusion en matière d'investissement

Le discours dominant sur les marchés a changé 3 fois en l’espace d’un mois. Le processus de désinflation du T3-T4 2022 a laissé sa place au retour du risque inflationniste en février, qui a du laissé sa place au risque de déstabilisation du système financier suite à la faillite des trois banques régionales américaines. Le marché a revu ses anticipations de hausses de taux d’un extrême à l’autre selon nous. Nous tablons sur un taux de fin de cycle à 5,25% en mai pour la Fed et à 3,50% (taux de dépôt) en juin pour la BCE.

Rendements obligataires

Mouvements massifs sur les taux d’intérêt

Aversion au risque : la faillite des trois banques régionales américaines a généré une ruée vers les actifs refuges. Les taux d'intérêt à court terme se sont effondrés dans des proportions presque historiques. Le mouvement est probablement exagéré et devrait s’inverser en partie.

Vue Positive sur les obligations d’État à court terme en zone euro. La remontée en flèche des taux courts en février avait ouvert la voie à des opportunités d'investissement pour les investisseurs désireux de placer leurs liquidités sans risque de crédit. Le rendement moyen des obligations d’État à échéance 1-3 ans était de 3,5% (3,3% maintenant au 14 mars). Le risque est que les taux courts se tendent davantage, si l’inflation venait à déraper par exemple, ce qui n’est pas notre scenario.

D’un point de vue stratégique nous restons Positifs sur les obligations d’État américaines à long terme, même si d’un point de vue tactique le taux à 10 ans devrait se tendre après l’exagération de la baisse.

Nous restons Neutres sur les obligations d’État allemandes à long terme : le taux allemand à 10 ans pourrait se tendre sur les prochains mois. 

Conclusion en matière d'investissement

La faillite des trois banques régionales américaines a généré une ruée vers les actifs refuges. Le mouvement est probablement exagéré et les taux d'intérêt devraient se tendre à nouveau. Nous restons Neutres sur les obligations d’État allemandes à long terme et Positifs sur les obligations d’État américaines à long terme d’un point de vue stratégique. Nos objectifs pour les rendements obligataires à 10 ans sont à 3,5% aux États-Unis et 2,5% en Allemagne dans 12 mois. Nous sommes passés Positifs sur les obligations d’État à court terme en zone euro après la remontée des taux courts en février. 

Thème du mois

Obligations d’entreprises high yield en zone euro

Bon début d’année : les obligations d’entreprises à haut rendement de la zone euro (high yield, HY) ont enregistré un beau rebond depuis le début d’année (+3,4% au 8 mars, +2,4% au 13 mars après la faillite des trois banques régionales américaines) après une mauvaise année 2022 (-10,6%).

Raisons : le rebond du high yield s’explique par l’amélioration surprise de l’économie en janvier. La récession, tant redoutée du fait de la crise énergétique existante, n’a pas eu lieu car l’hiver n’a pas été froid. En outre, des facteurs techniques ont aidé, comme le fait que les volumes de nouvelles émissions ont été faibles alors que la demande était en hausse.

Valorisation : les spreads de crédit, qui s’étaient compressés vers les 400 points de base, se traitent à 478 pb au 13 mars après les événements aux États-Unis. Ils reviennent donc proches de leurs valorisations de long terme après avoir été chers. Les spreads pourraient s’élargir à moyen terme vu que le risque de récession a augmenté aux États-Unis.

Portage attractif : le rendement moyen est proche de 7,8% au 13 mars, ce qui parait très attractif en comparaison historique.

Quantitative Tightening : la réduction du bilan de la BCE (Quantitative Tightening, QT) constitue un facteur de risque pour le HY car il équivaut à un retrait de liquidités du système. Alors que le QE (expansion du bilan) avait provoqué une vague d’achats d’actifs risqués, le QT pourrait créer le phénomène inverse mais dans une moindre ampleur. On estime que la BCE ne va réinvestir que la moitié des obligations qui vont arriver à échéance entre mars et juin. Cette part pourrait diminuer après juin. Une demande réduite couplée à la baisse de la liquidité et une offre obligataire en hausse sont des risques pour le T3-T4.

Taux de défaut : face à la remontée des taux de refinancement et une économie appelée à ralentir, les profils financiers des entreprises vont se détériorer et les investisseurs vont être plus vigilants sur la qualité du crédit. Cela implique plus de dispersion dans la classe d’actifs, plus de baisses de notes de crédit pour les entreprises fragiles et à terme plus de défauts.

Privilégier le sous-segment BB : ce sous segment a sous performé dernièrement et est encore relativement peu cher par rapport aux autres sous-segments plus risqués du high yield (voir graphique).

Conclusion en matière d'investissement

Nous sommes Neutres sur les obligations d’entreprises high yield avec une préférence  pour le sous-segment le mieux noté (BB). Le portage est très attractif mais les risques ont augmenté. De meilleurs points d’entrée pourraient se dessiner aux T3-T4 puisque les spreads de crédit devraient s’écarter quand les effets de la politique monétaire se feront sentir davantage (hausse des coûts de refinancement, réduction de la liquidité, hausse de l’offre couplée à une baisse de la demande). Cela se traduira par plus de dispersion au sein de la classe d’actifs, des baisses de notation de crédit et une hausse des défauts pour les entreprises les plus fragiles.