#Articles — 14.03.2022

Perspectives mensuelles sur les marchés obligataires - Mars

Edouard Desbonnets, Investment Advisor

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Résumé

  1. La normalisation des politiques monétaires de la Fed et de la BCE  ne devrait être que marginalement affectée par l’incertitude géopolitique, les banques centrales se souciant davantage de l’inflation trop élevée. Nous conservons notre scénario prudent, à savoir 4 hausses de taux directeurs cette année pour la Fed et une seule en décembre pour la BCE.
  2. Les taux d'intérêt à long terme américains et allemands, qui s'étaient fortement détendus avec l’aversion au risque, sont déjà revenus à leurs niveaux pré conflit militaire. Ils devraient se tendre davantage car l’inflation va rester plus élevée pour plus longtemps. Nous restons négatifs sur les obligations allemandes et américaines à long terme. Nous sommes passés positifs sur les obligations américaines à court terme car elles servent de valeur refuge en cas de tensions géopolitiques.
  3. Dans cette période marquée par les incertitudes géopolitiques et le début de normalisation des politiques monétaires des grandes banques centrales des pays développés, nous pensons que les obligations d'État américaines à court terme, les obligations avec des coupons indexés, les obligations d’entreprises et les obligations émergentes présentent des opportunités.

Banques centrales

Vers une normalisation flexible

Banque centrale européenne (BCE)

Inflation : La BCE a revu ses prévisions d’inflation fortement à la hausse pour 2022 et légèrement à la hausse pour 2023 et 2024. Les prévisions d’inflation à moyen terme sont très proche de l’objectif de 2%.

Position inconfortable pour la BCE, avec d’un côté une inflation actuellement bien au-delà de sa cible de 2%, et de l’autre, une croissance fragilisée par l’incertitude géopolitique et les conséquences des sanctions contre la Russie. Face à ce dilemme, la BCE a fait le choix de prioriser la lutte contre l’inflation.

Normalisation flexible : la normalisation de la politique monétaire est en route. La BCE va stopper les achats nets du programme d’achats d’actifs pandémie PEPP en mars, accélérer la réduction des achats d’actifs du programme classique APP pour, a priori, stopper ses achats nets au T3 et monter ses taux directeurs quelques temps après.

Hausse des taux : septembre n’est pas écarté, mais décembre nous semble plus plausible étant donné que ce n’est que vers la fin d’année que l’on devrait voir l’inflation se traduire par des hausses de salaires.

Réserve fédérale américaine (Fed)

Plus de prudence mais pas de marche arrière : la Fed devrait maintenir sa feuille de route vers la normalisation de sa politique monétaire tout en se montrant prudente vu l’incertitude géopolitique et les légères tensions sur le marché monétaire.

Notre vue : nous conservons notre scénario prudent, à savoir une hausse de 0,25% des taux directeurs en mars, 4 hausses de taux au total cette année et 4 l’année prochaine. La réduction de la taille du bilan devrait être annoncée en juin et commencer en juillet.

Fin de l’emballement ? La probabilité d’une hausse de taux de 0,50% en mars est passée d’environ 100% à 0% suite au conflit militaire. Cependant, le nombre de hausses de taux attendues par le marché est passé de 7 à 5, avant de revenir à 7 avec la publication de l’inflation pour février (7,9%).

Les conditions financières ont déjà commencé à se durcir avec l’écartement des spreads de crédit et la chute des marchés actions alors que la Fed n’a pas encore monté ses taux ni stoppé ses achats d’obligations.

CONCLUSION

La normalisation des politiques monétaires de la Fed et de la BCE  ne devrait être que marginalement affectée par l’incertitude géopolitique, les banques centrales se souciant davantage de l’inflation trop élevée. Nous conservons notre scénario prudent, à savoir 4 hausses de taux directeurs cette année pour la Fed et une seule en décembre pour la BCE.

Rendements obligataires

Volatils

Le conflit militaire a provoqué un fort mouvement d’aversion au risque fin février, les taux d'intérêt à long terme se sont violement détendus. Le mouvement a cependant été assez bref. Les taux nominaux sont maintenant revenus à leurs niveaux pré conflit. La dynamique interne a cependant changé puisque les taux réels se sont effondrés alors que les attentes d'inflation se sont envolées, les guerres étant généralement inflationnistes.

De ce fait, nous avons augmenté de 0,25% nos objectifs à 12 mois sur les rendements à long terme allemands et américains pour refléter un niveau d’inflation plus élevé pour plus longtemps. Les rendements obligataires devraient continuer à se tendre avec la normalisation des politiques monétaires. Nous sommes négatifs sur les obligations d'État américaines et allemandes à long terme.

Dans cette période troublée, les obligations d'État américaines à court terme peuvent être une alternative. Nous sommes passés positifs sur ce segment. A noter qu'il existe un risque de change pour les investisseurs qui ne sont pas basés en dollar.

CONCLUSION

Les obligations d'État ont joué leur rôle de valeur refuge dans le sillage du conflit militaire. Les taux d'intérêt se sont fortement détendus. Ils devraient se tendre à nouveau car l’inflation va rester plus élevée pour plus longtemps. Dans cette période troublée, les obligations d'État américaines à court terme peuvent être considérées comme une alternative.

Thème du mois

Idées d’investissement en cette période troublée

Nous sommes devenus positifs sur les obligations d'État américaines à court terme. Elles sont une valeur refuge contre les tensions géopolitiques en raison de leurs caractéristiques : sûres, liquides et court terme. Elles offrent un rendement de 1,7 %. Nous voyons un risque de taux d'intérêt limité étant donné que le marché anticipe un cycle de hausse des taux de la Fed agressif malgré le contexte géopolitique très incertain. Les investisseurs dont la devise de référence n’est pas le dollar sont exposés à un risque de change.

Nous aimons aussi les obligations avec des coupons indexés, avec par exemple des coupons indexés sur l’inflation dans les pays où le risque inflationniste est particulièrement marqué et où le marché du travail est tendu comme aux États-Unis et au Royaume-Uni. Ou des obligations américaines à taux flottant pour les investisseurs défensifs, étant donné que les prix sont généralement très stables et le coupon s'ajuste pour refléter les hausses de taux d’intérêt à court terme.

Du côté des obligations d’entreprise, la normalisation attendue des politiques monétaires avait entraîné un élargissement des spreads de crédit déjà en fin d’année dernière. Ce mouvement s’est depuis intensifié avec les tensions géopolitiques. Les rendements des obligations d’entreprises sont maintenant attractifs, même pour des maturités courtes (cf graphique). Il s'agit toutefois d'une vue plus tactique que stratégique car le cycle de crédit est déjà bien avancé. 

Pour les investisseurs aptes à supporter la volatilité, les obligations émergentes étaient déjà décotées avant le conflit militaire en Europe et le sont encore plus maintenant. Les obligations russes ont perdu près de 90% de leur valeur depuis le début de l'année et sont le plus gros contributeur de la mauvaise performance des indices émergents. On observe cependant une contagion limitée aux obligations des autres pays émergents (cf graphique). Les flux des fonds/ETFs ne montrent pas non plus de mouvements de panique. La plupart des pays émergents vont bénéficier du boom des prix des matières premières.

CONCLUSION

Dans cette période d’aversion au risque et de début de normalisation des politiques monétaires des grandes banques centrales des pays développés, nous pensons que les obligations d'État américaines à court terme, les obligations avec des coupons indexés, les obligations d’entreprises et les obligations émergentes présentent des opportunités.