#Articles — 12.04.2021

Fixed Income Focus

Edouard Desbonnets

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Résumé

  1. La décision de la BCE d’augmenter sensiblement ses achats obligataires était plus un compromis qu’une décision unanime. La BCE devrait freiner mais pas empêcher la remontée des taux à long terme. Le portage des obligations périphériques reste intéressant, même si les gains en capital sont compromis.
  2. Les attentes de hausse de taux de la Fed sont très élevées selon nous. Nous tablons sur une première hausse de taux au Q3 2023 et non pas à la fin 2022 comme le marché l’anticipe. Les taux américains à court terme pourraient baisser.
  3. Détente des taux à long terme pour le moment, mais le contexte reste baissier. Les taux à long terme devraient reprendre le chemin de la hausse. Objectif 2% à horizon 1 an sur le taux américain à 10 ans et 0% pour le Bund allemand. Vue négative sur les obligations à long terme américaines et allemandes en conséquence.
  4. Les marchés du crédit sont plutôt chèrement valorisés. Des opportunités existent cependant dans des sous-segments, comme les obligations fallen angels et rising stars.
  5. Retour de l’inflation aux États-Unis? Les obligations indexées sur l’inflation intègrent déjà ce risque dans les cours d’après nous.

Banques centrales

Accords et désaccords

Banque centrale européenne (BCE)

La BCE à décidé d’augmenter substantiellement les achats d’actifs du programme pandémique (PEPP) pour contrer la hausse des taux à long terme. C’est le résultat d’un compromis entre ses membres.

Accord: les membres de la BCE s’accordent à penser que la hausse des taux à long terme doit être prononcée et persistante pour avoir un impact significatif sur les conditions financières.

Désaccord: certains membres pensent que trop intervenir via les achats d’actifs donne l’impression que la BCE veut contrôler la courbe des taux.

Compromis: la hausse substantielle des achats d’actifs a été votée sous condition que l’enveloppe totale ne soit pas remise en question et que le rythme des achats puisse être réduit à l’avenir.

Notre opinion: la croissance devrait repartir dès le T2 avec l’accélération des vaccinations. La BCE ne va pas prolonger le PEPP au-delà de mars 2022, mais restera accommodante car l’inflation est encore loin de l’objectif.

Réserve fédérale américaine (Fed)

Accord: la Fed et les marchés estiment que la croissance va être forte cette année.

Désaccord: certains membres souhaitent ralentir les achats d’actifs (tapering) au plus tôt du fait de la croissance forte, de la baisse du chômage et des risques d’inflation.

La Fed dans son ensemble pense que les poussées inflationnistes seront transitoires et qu’elle ne devra pas monter ses taux directeurs ni cette année, ni en 2022, ni en 2023. Le marché n’y croit pas et escompte une première hausse de taux dès décembre 2022.

Notre opinion:  vu la vigueur de la reprise, les deux objectifs de la Fed, à savoir l’inflation supérieure à 2% et l’emploi maximal pour toutes les catégories de la population, devraient être suffisamment bien engagés pour conduire la Fed à annoncer le tapering à la fin de l’année, avec implémentation au T2 2022. Nous attendons une première hausse des taux directeurs une fois que les effets de la pandémie se seront dissipés, au T3 2023.

CONCLUSION

Des divergences de points de vue commencent à apparaitre, tant à la BCE qu’à la Fed, quant à la gestion de la sortie de crise. Nul doute cependant que les politiques monétaires vont rester accommodantes. Nous n’attendons aucune hausse de taux en zone euro et pas de hausses de taux avant 2023 aux États-Unis.

Rendements obligataires

Pause à court terme dans un marché baissier

Stabilisation des taux à long terme pour le moment. La volatilité sur les taux a baissé et les émissions du Trésor s’annoncent réduites au T2 relativement au T1. Les taux US à long terme couverts du risque de change sont attractifs pour les investisseurs internationaux. Le taux US à 10 ans cote 0,9% protégé du risque de change EURUSD, ce qui est l’équivalent du taux grec à 10 ans (0,87%). L’avantage est encore plus frappant pour les investisseurs japonais: 1,3% contre 0,1%.

Hausse des taux à long terme d’ici un an. La forte croissance attendue et le regain d’inflation devraient pousser les taux à long terme plus haut, d’autant que les banques centrales vont intensifier leurs discussions sur la fin des achats d’actifs liés à la pandémie dans la deuxième moitié de l’année.

Vue négative sur les obligations souveraines à long terme, américaines et allemandes.

Vue positive sur les obligations souveraines américaines à court terme. Le marché escompte une séquence de hausse de taux trop agressive selon nous.

CONCLUSION

Les taux à long terme se stabilisent pour l’instant. Cependant, le contexte reste propice à une poursuite de la remontée des taux, mais probablement plus lente et progressive qu’elle ne l’a été jusqu’à présent. Nous avons relevé nos objectifs de taux à 2% pour le taux américain à 10 ans et 0% pour son équivalent allemand dans un an.

Thème du mois

Fallen angels et rising stars

Conséquence directe de la pandémie, l’année 2020 aura été marquée par un nombre record de fallen angels, ces obligations d’entreprises notées Investment Grade qui ont été rétrogradées à la catégorie High Yield. On dénombre 25 entreprises européennes pour un montant de l’ordre de 70 milliards d’euros et 37 sociétés américaines pour 220 milliards de dollars.

Ces événements doivent être vus comme des opportunités pour les investisseurs car ils occasionnent un élargissement des spreads de crédit. Historiquement, les spreads commencent à s’élargir 12 mois avant la dégradation de la note car les gérants Investment Grade réduisent leur exposition progressivement. L’obligation entre alors dans la catégorie High Yield avec un spread supérieur aux meilleures obligations High Yield (notées BB). Ce n’est qu’environ un mois après que le spread s’ajuste, au fur et à mesure que les gérants High Yield intègrent ces nouvelles obligations dans leurs portefeuilles.

Suite au rallye des marchés du crédit, les surcroits de rémunération des obligations fallen angels par rapport à celles notées BBs sont actuellement minces: à peine 0,10% pour les obligations en zone euro et 0,25% pour celles aux États-Unis.

Cette année, le rebond économique fait émerger quelques rising stars (obligations High Yield qui montent dans la catégorie Investment Grade). Nous projetons 29 milliards d’euro d’obligations rising stars en zone euro et 82 milliards de dollars aux États-Unis cette année.

Là encore, le comportement historique de leur spread est intéressant. Elles surperforment de 0,20-0,25% les obligations BBBs l’année de leur promotion. La moitié de cette surperformance se fait dans les 3 mois juste avant la promotion. Puis, une fois promues, elles continuent de surperformer les BBBs, avec un gain supplémentaire de l’ordre de 0,05-0,10% trois mois après car les investisseurs Investment Grade réajustent leurs portefeuilles.   

CONCLUSION

Les marchés du crédit sont plutôt chèrement valorisés. Des opportunités existent cependant dans des sous-segments, comme les obligations fallen angels et rising stars. Ces dernières offrent en moyenne une rémunération supplémentaire en terme de rendement.

 

·       Nous préférons les secteurs cycliques et de valeur où la visibilité est bonne et/ ou qui profitent de la reprise économique plus évidente en Asie (les matériaux, les industrielles et l’assurance globalement restent en ‘+’). Certains segments dans les soins de santé ainsi que l’énergie et la technologie européennes restent aussi trop décotés. 

 

·       Inversement, nous continuons à éviter les biens de consommation de base (-) qui traditionnellement sous-performent dans un contexte de reprise.