#Articles — 13.07.2021

Perspectives mensuelles sur les marchés obligataires - Juillet

Edouard Desbonnets, Investment Advisor

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Résumé

  1. La Fed a surpris le marché avec des projections plus offensives lors de la réunion du FOMC de juin. Plusieurs membres prévoient des hausses de taux plus tôt que prévu (en 2023) car l'inflation est élevée. Nous avons avancé notre prévision de la première hausse de taux au 1er trimestre 2023.
  2. La BCE reste très accommodante. Nous pensons que le rythme des achats d’actifs reviendra à la normale en septembre. Les spreads périphériques devraient rester serrés jusque-là.
  3. Nous avons augmenté notre objectif à 12 mois sur les taux américains à court terme à la suite de la réunion de la Fed. En conséquence, nous sommes passés d'une vue positive à neutre sur les obligations d'État américaines à court terme.
  4. Les rendements des obligations à long terme ont baissé récemment, surtout aux États-Unis. Les investisseurs ont revu à la baisse leur évaluation du risque d'inflation après la réunion de la Fed et le mouvement a été amplifié par le débouclage de positions vendeuses des hedge funds dans un marché d’été moins actif. Nous pensons que les rendements obligataires à long terme reprendront leur hausse après l'été. Nous maintenons notre objectif de 2 % pour le rendement à 10 ans américain et de 0 % pour le rendement à 10 ans allemand dans 12 mois.
  5. Les banques centrales des marchés émergents relèvent leurs taux directeurs. Nous restons positifs sur les obligations émergentes en devise locale.

Banques centrales

Réduire les mesures d’urgence en septembre?

Banque centrale européenne (BCE)

La BCE a reconduit en juin le rythme élevé d’achats d’actifs décidé en mars, prouvant qu’elle souhaitait garder une politique monétaire très accommodante. Dans la pratique, les achats seront certainement réduits pendant l’été car ils dépendent des conditions de marché.

La BCE a rendu les conclusions de sa revue stratégique. En résumé, elle intégrera dorénavant  les considérations relatives au changement climatique dans sa politique monétaire  et sera plus tolérante face à une hausse de l’inflation. Cela ouvre la voie à une période d’accommodation prolongée.

Le prochain rendez-vous important sera la réunion du 9 septembre, où la BCE pourrait revenir à un rythme d’achats d’actifs normal  (c'est-à-dire non "substantiellement plus élevé") pour le programme d’urgence pandémie PEPP. Cela ne remettrait pas en cause le côté très accommodant de sa politique et lui permettrait de mener ce programme jusqu’à son terme supposé (fin mars 2022) sans risquer d’excéder l’enveloppe (cf graphique).

Réserve fédérale américaine (Fed)

La patience a ses limites. La Fed a surpris le marché lors de la réunion de juin. Elle a fait preuve de moins de patience à l'égard de l'inflation puisqu'elle prévoit deux hausses de taux en 2023 selon l'opinion médiane des 18 décideurs (voir graphique), alors qu'elle n'en prévoyait aucune lors de la réunion de mars.

Le débat sur le tapering est officiellement lancé mais Powell relativise en indiquant qu’il faudra encore plusieurs réunions pour atteindre une conclusion.

La réunion de juin a été un succès car la Fed a signalé un tapering et des hausses de taux plus tôt que prévu et les conditions financières ont à peine bougé.

Nous pensons que la Fed annoncera le tapering en septembre et l’implémentera en janvier 2022, en commençant avec les MBS. Quant à la première hausse de taux directeur, nous l’anticipons pour le T1 2023, et non plus le T3 2023 car le Fed se montre beaucoup plus sensible au risque inflationniste. La Fed devrait privilégier la lutte contre l’inflation au soutien de l'emploi si elle devait faire un choix entre son double mandat.

CONCLUSION

La Fed et la BCE se montrent plus optimistes mais se refusent à retirer les mesures de soutien d’urgence pour le moment. La Fed devrait être la première à franchir le pas, en annonçant un tapering en septembre, mis en exécution en janvier 2022 et suivi d’une première hausse de taux directeur au T1 2023 selon nous.

Rendements obligataires

Pause à court terme dans un marché baissier

Nous avons relevé nos prévisions de taux à 2 et 5 ans suite à la réunion de la Fed. Nous passons de Positifs à Neutres sur les obligations d'État américaines à court terme. Le risque d’un rendement attendu nul sur cette classe d'actifs a augmenté, d'autant plus que les rendements actuels à court terme sont proches de zéro.

Les taux à long terme se sont fortement détendus, notamment aux États-Unis. Les marchés se sont focalisés sur la deuxième dérivée: l'économie continue de croître, mais à un rythme décroissant. En outre, certains investisseurs ont réévalué à la baisse le risque d'inflation après la réunion de la Fed. Le mouvement a été exacerbé par des débouclages de positions vendeuses alors que les marchés sont moins actifs en été.

Selon nous, la situation fondamentale reste solide et les dernières données ne justifient pas une telle réévaluation de la croissance et d'inflation. Les taux à long terme devraient augmenter, mais il faut d'abord un catalyseur. Celui-ci pourrait provenir par exemple d'un bon rapport sur l'emploi, du tapering de la Fed ou d'une augmentation des émissions obligataires.

CONCLUSION

Les taux à court terme sont désormais moins ancrés par la Fed donc nous sommes passés de Positifs à Neutres sur les obligations d'État américaines à court terme. Le marché baissier devrait reprendre après l'été. La réouverture des économies, le tapering attendu de la Fed et l'afflux d'émissions d'obligations d'État plaident en faveur d'une hausse des rendements obligataires. Nous sommes Négatifs sur les obligations d'Etat américaines et allemandes à long terme.

Thème du mois

Inflation et obligations émergentes en devise locale

L'inflation s'est accélérée dans le monde ces derniers mois (voir graphique). Alors que les banques centrales des marchés développés sont restées inactives, celles des marchés émergents ont été incitées à réagir.

La hausse des taux directeurs dans les pays émergents n'est pas idéale car elle pèse sur les perspectives de croissance à un moment où la croissance commence seulement à revenir dans certains pays, tandis que d'autres luttent encore contre la pandémie. Mais les pays émergents ne peuvent pas se permettre de perdre le contrôle de l'inflation, car ils doivent continuer à attirer les flux de capitaux, maintenir la stabilité financière et éviter la dépréciation de leur monnaie.

Depuis le début de l'année, 15 banques centrales de pays émergents ont relevé leurs taux, alors qu'elles n'étaient que quatre sur l'ensemble de l'année 2020. Le Brésil et la Russie ont été les premiers à relever leurs taux. Ensuite, la Hongrie et la République tchèque ont suivi. Le Mexique a créé la surprise en relevant ses taux et la Corée du Sud a commencé à ouvrir la voie à des hausses également. 

Le marché a réagi positivement aux pays dont les banques centrales ont été proactives (voir graphique) car cela les a protégé de l'impact de la hausse des taux américains à court terme et du renforcement du dollar. En effet, le real brésilien et la rouble russe figurent parmi les devises les plus performantes contre l’euro en juin. Les mouvements de change représentent une partie substantielle de la performance des obligations souveraines en monnaie locale.

Il nous semble que l'inflation attendue est déjà bien évaluée et que les banques centrales émergentes pourraient resserrer leurs politiques moins que ce qui est actuellement évalué par le marché. Cela serait bénéfique aux obligations locales des pays émergents.

Nous restons positifs sur les obligations locales des pays émergents, en particulier dans le contexte actuel de liquidités abondantes, de baisse attendue du dollar et de prix élevés des matières premières. Sans oublier que la croissance accélèrera une fois que la pandémie sera sous contrôle et que ces pays offrent des rendements réels attrayants par rapport aux marchés développés.

CONCLUSION

Plusieurs banques centrales de pays émergents ont relevé leurs taux directeurs dans le sillage de l'inflation élevée et du virage hawkish de la Fed. Leurs devises se sont appréciées, ce qui a amélioré les performances de leurs obligations. Nous restons positifs sur les obligations émergentes en devise locale. L'environnement est favorable et le marché anticipe déjà une inflation élevée et des hausses de taux directeurs.