Perspectives mensuelles sur les marchés obligataires - Juin

Résumé
- Statut quo annoncé du coté de la BCE lors de la réunion de juin. Les spreads des pays périphériques devraient rester serrés.
- Statut quo attendu du coté de la Fed pour sa réunion de juin. Rendez-vous en septembre pour l’annonce du tapering.
- L’inflation fait moins peur, voire plus peur du tout. Baisse récente des rendements obligataires à long terme, notamment la composante inflation attendue. Baisse également de la volatilité. Reprise de la hausse des rendements obligataires à long terme probablement en septembre, avec des banques centrales qui devraient réduire leur soutien. Objectif à 2% pour le rendement du Treasury américain et 0% pour le rendement du bund allemand.
- Les obligations d’entreprises Investment Grade en zone euro ne sont plus intéressantes selon nous. Changement de vue: nous passons de positifs à neutres sur cette classe d’actifs. Le rendement moyen à maturité est devenu trop faible (0,3%).
- La Fed liquide le portefeuille d’obligations d’entreprises qu’elle a constitué pendant la crise sanitaire. Ces obligations devraient trouver preneur très facilement. Pas de risque d’écartement de spread à craindre.
Banques centrales
Réduire les mesures d’urgence en septembre?
Banque centrale européenne (BCE)
La BCE se montre plus confiante dans la reprise économique. Elle a revu ses projections de croissance et d’inflation à la hausse lors de la réunion de politique monétaire de juin. La balance des risques est même qualifiée d’équilibrée, ce qui n’était pas arrivé depuis décembre 2018 !
Mais elle juge qu’il est trop tôt pour réduire les mesures d’urgence. La BCE va donc continuer ses achats d’obligations pour le programme d’urgence pandémique PEPP avec le rythme « plus soutenu » décidé en mars. Cette décision ne semble pas avoir été prise à l’unanimité.
Il est fort probable que la BCE attende que la Fed annonce son tapering pour lui emboiter le pas. La BCE réduira donc très probablement ses achats à partir de septembre. Ce ne sera pas un vrai tapering dans le sens où la BCE n’a pas l’intention de les réduire à zéro. Même en mars 2022, quand le programme d’urgence PEPP sera terminé, la BCE continuera d’être active dans les marchés via le programme APP relancé fin 2019 et sans date de fin connue.
Réserve fédérale américaine (Fed)
Tapering : la Fed se montre très patiente. Elle veut voir des progrès substantiels par rapport à son mandat d’inflation et d’emploi avant de réduire progressivement le montant des achats mensuels (120 milliards) d’obligations d’État et de MBS (prêts adossés à des créances hypothécaires).
Quand? Le sursaut d’inflation et les excès de liquidité dans le marché plaident pour un tapering rapide. A l’inverse, le dernier rapport sur l’emploi invite la Fed à la patience. Nous pensons que la Fed annoncera la réduction lente et progressive de ses achats mensuels à la réunion de politique monétaire de septembre, voire au symposium des banquiers centraux de Jackson Hole fin août.
Comment? Le tapering pourrait prendre un an, commencer au début de 2022, d’abord avec les MBS étant donné la bonne santé du secteur immobilier.
Hausse des taux directeurs: vers le T3 2023 selon nous. Le marché a récemment revu ses attentes à la baisse mais envisage toujours une première hausse dès décembre 2022.
CONCLUSION
La BCE vient d’annoncer un statut quo lors de sa réunion de politique monétaire de juin. La Fed devrait faire de même. Rendez-vous en septembre, voire fin août avec le symposium des banquiers centraux à Jackson Hole, pour des annonces comme la réduction des mesures d’urgences mises en place pour faire face à la crise sanitaire.
Rendements obligataires
Pause à court terme dans un marché baissier
Pause et même détente des taux américain et allemands à 10 ans. Les banques centrales ont réussi a convaincre la majorité des investisseurs que l’inflation serait transitoire. De plus, les dernières données économiques basées sur des enquêtes étaient plutôt en baisse par rapport au mois précédent.
Besoin d’un catalyseur: le prochain mouvement pour les taux à 10 ans est vraisemblablement celui de la hausse. Les catalyseurs peuvent être la réouverture des économies en zone euro, le tapering aux États-Unis ou encore une succession de rapports de l’emploi solides. Ces événements pourraient arriver à la fin de l’été. Nous nous attendons donc à une remontée des taux à 10 ans vers septembre, avec objectif 2% aux États-Unis et 0% en Allemagne.
Vue négative sur les obligations souveraines à long terme, américaines et allemandes.
Vue positive sur les obligations souveraines américaines à court terme, même si les rendements attendus sont faibles. Le marché escompte une hausse des taux directeurs de la Fed dès décembre 2022, soit 9 mois plus tôt que nous.
CONCLUSION
La pause sur les taux long se poursuit et se transforme même en une détente. Le mouvement haussier pourrait reprendre après l’été, avec la réouverture des économies en zone euro, le tapering aux États-Unis et des améliorations substantielles sur le marché du travail américain.
Thème du mois
Obligations d’entreprises Investment Grade
Changement de recommandation : nous passons d’une vue positive à neutre sur les obligations d’entreprises Investment Grade en zone euro.
L’environnement reste attractif pour les obligations d’entreprises : les politiques monétaires sont accommodantes (liquidités abondantes, refinancement à des conditions favorables…), les plans de relance budgétaires soutiennent les entreprises et l’économie globale s’améliore, synonyme de cash flows en hausse pour les entreprises.
Mais les valorisations sont élevées : les primes de risques se sont fortement tassées depuis le début de la crise de la Covid. Le spread moyen (écart de rendement d’une obligation avec le taux sans risque, c’est-à-dire les rendements des obligations d'État allemandes), qui s’était écarté jusqu’à 2,50% est revenu à 0,84%, soit très proche des plus bas historiques post crise financière de 2008. Il n’est pas exclu qu’ils se compressent encore un peu en raison de la reprise économique et d’une offre obligataire attendue plutôt faible.
Ceci dit, avec un rendement moyen à maturité aussi bas (0,32%), le rendement attendu pour les investisseurs sera principalement dicté par l’évolution des taux allemands, que nous voyons reprendre le chemin de la hausse après l’été. Une hausse de 0,06% du taux allemand à 5 ans serait suffisante pour générer des rendements attendus négatifs, d’après le breakeven ratio.
En revanche, nous maintenons notre biais positif sur les obligations d’entreprises Investment grade aux États-Unis. Le rendement à maturité est nettement plus attractif (2,07% en moyenne). Il l’est également pour les investisseurs étrangers car le coût de la couverture de change est relativement faible, de l’ordre de 0,7% pour les investisseurs européens et 0,4% pour ceux au Japon.
La Fed a commencé à liquider le portefeuille d’obligations d’entreprises qu’elle a constitué pendant la crise. La demande devrait être forte étant donné la pénurie d’obligations de qualité, surtout pour celles à échéance courte. Pas de risque d’écartement de spread à craindre.
CONCLUSION
Le contexte économique et monétaire reste favorable aux obligations d’entreprises, mais les valorisations sont chères. Le rendement moyen est faible, surtout en zone euro où il est à peine positif. Face au risque de remontée des rendements obligataires, nous préférons passer de positifs à neutres sur les obligations d’entreprises Investment Grade de la zone euro. Nous maintenons une vue positive sur celles aux États-Unis.