#Articles — 06.04.2023

Perspectives mensuelles sur les marchés obligataires - Avril 2023

Edouard Desbonnets, Investment Advisor

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Résumé

1.Les banques centrales gardent le cap malgré la crise bancaire : la BCE et la Fed ont continué à remonter leurs taux directeurs en mars en raison du regain d’inflation, tout en utilisant leurs outils macroprudentiels pour assurer la stabilité financière.

2.La fin du resserrement monétaire est proche : la prudence de la Fed et le durcissement attendu des conditions de crédit engendré par la crise bancaire suggèrent que la fin de la hausse des taux est proche. La BCE devrait suivre avec un petit décalage. Nous maintenons nos prévisions de taux de fin de cycle à 5,25% en mai pour la Fed et à 3,50% (taux de dépôt) en juin pour la BCE. Nous n’anticipons pas de baisse de taux cette année.

3.Risque de remontée modérée des taux d'intérêt dans les prochains mois, suivie d’une baisse aux T3 et T4 : nous sommes passés de Positif à Neutre sur les obligations d’État américaines et sur les obligations d’État à court terme de la zone euro le 21 mars après la forte baisse des taux d’intérêt.

4.Obligations AT1s après la décision controversée : le traitement qui a été donné aux AT1s de Credit Suisse était inattendu et a entraîné la chute de  toutes les AT1s de façon indiscriminée. Les investisseurs devraient rester à l’écart des AT1s suisses selon nous. Les AT1s des banques européennes et britanniques sont régies par un cadre légal plus strict et plus protecteur à l’égard des porteurs d’obligations. Nous sommes plus à l’aise sur les AT1s émises par les banques de l’Union européenne étant donné la rigidité du cadre légal, la solidité des fondamentaux des banques et les valorisations attractives. Les obligations AT1s sont des produits risqués et nécessitent une tolérance pour le risque élevée.

5.Opportunités dans les obligations : nous sommes Positif sur les obligations d'entreprises investment grade européennes et américaines avec une duration courte. Nous sommes également Positif sur les obligations émergentes, en devise forte et en devise locale. 

Banques centrales

Bientôt la fin de la remontée des taux directeurs

Banque centrale européenne (BCE)

La BCE garde le cap : malgré le contexte de marché très tendu avec la crise bancaire aux États-Unis et la situation difficile de Credit Suisse, la BCE a augmenté ses taux directeurs de 50 pb à la réunion du 16 mars, en raison du regain d’inflation, tout en promettant des injections de liquidités si nécessaire pour assurer la stabilité financière.

Quels indicateurs suivre ? Les futures décisions de la BCE dépendront de quatre facteurs : 1) les perspectives d'inflation ; 2) la dynamique de l'inflation sous-jacente ; 3) l’efficacité de la transmission de la politique monétaire et 4) la stabilité du système financier.

Nos attentes : nous tablons toujours sur une hausse de taux de 25 pb à chacune des deux prochaines réunions (mai et juin), soit un taux de fin de cycle à 3,5% en juin. Les anticipations de marché pour le taux de fin de cycle sont remontées ces deniers jours de 3% à 3,43% et se sont donc complètement alignées sur notre vue. Nous n’anticipons pas de baisse de taux cette année.

Réserve fédérale américaine (Fed)

La Fed garde le cap : malgré le contexte de marché très tendu avec la faillite de trois banques régionales aux États-Unis, la Fed a augmenté ses taux directeurs de 25 pb à la réunion du 22 mars, en raison du regain d’inflation.

Nouvelle donne : la crise bancaire américaine va pousser les banques commerciales à renforcer leurs bilans, et donc à réduire leurs activité de crédit. En conséquence, l’activité va ralentir, et l’inflation avec.

Quels indicateurs suivre ? 1) l’évolution de la crise bancaire, avec les flux sortants des dépôts des petites banques ; 2) l’intensité de la contraction des crédits avec les enquêtes de la Fed (senior loan officier survey)  ; et bien sûr 3) l’inflation.

Nos attentes : nous maintenons notre anticipation d’une dernière hausse de taux de 25 pb à la prochaine réunion de mai, qui portera le taux directeur à 5,25%. Nous ne pensons pas que la Fed baissera ses taux aux T3 et T4 de cette année, contrairement au marché qui anticipe 50 pb de baisses de taux.

Conclusion en matière d'investissement

La BCE et la Fed ont continué à remonter leurs taux directeurs en mars en raison du regain d’inflation, malgré la crise bancaire. La prudence de la Fed et le durcissement attendu des conditions de crédit engendré par la crise bancaire suggèrent que la fin de la hausse des taux est proche. La BCE devrait suivre avec un petit décalage. Nous maintenons nos prévisions de taux de fin de cycle à 5,25% en mai pour la Fed et à 3,50% (taux de dépôt) en juin pour la BCE. Nous n’anticipons pas de baisse de taux cette année.

Rendements obligataires

Mouvements massifs sur les taux d’intérêt

Nervosité : la crise bancaire a généré des forts mouvements sur les taux d’intérêt, avec un plongeon très marqué des taux à courts terme, suivi d’un rebond relativement timide. La volatilité sur les taux d’intérêt est forte. La liquidité des obligations d’État est dégradée.

Taux directeurs de fin de cycle plus bas : la crise bancaire va pousser les banques commerciales à resserrer les conditions de crédit. Ainsi, la probabilité que les banques centrales continuent de monter leurs taux directeurs de manière agressive est plus faible et donc les taux d'intérêt ont des marges de progression réduite.

D’ici 12 mois : l’effet cumulé des hausses de taux directeurs va faire ralentir l’économie, provoquant la baisse des taux d'intérêt à moyen terme. Nos objectifs pour les rendements obligataires à 10 ans sont à 3,5% aux États-Unis et 2,5% en Allemagne dans 12 mois.

Changement de vue : nous sommes passés de Positif à Neutre sur les obligations d’État américaines et sur les obligations d’État à court terme de la zone euro le 21 mars après la forte baisse des taux d’intérêt.

Conclusion en matière d'investissement

La crise bancaire a généré des forts mouvements sur les taux d’intérêt qui pourraient se tendre modérément dans les prochains mois. D’ici 12 mois, le ralentissement de l ’économie couplée au ralentissement de l’inflation devrait pousser les taux d'intérêt à long terme à la baisse. Nos objectifs pour les rendements obligataires à 10 ans sont à 3,5% aux États-Unis et 2,5% en Allemagne dans 12 mois. Nous sommes passés de Positif à Neutre sur les obligations d’État américaines et sur les obligations d’État à court terme de la zone euro le 21 mars après la forte baisse des taux d’intérêt.

Thème du mois

Obligations AT1s après la décision controversée

Les AT1s en bref : ce sont des obligations perpétuelles émises par des banques européennes, avec possibilité de rappel 5 ans après la date d'émission à la discrétion de l’émetteur. Les AT1s offrent des rendements élevés car l’investisseur s’expose à 3 types de risque. 1) risque d’extension, quand l’émetteur ne rappelle pas l’obligation à la date de rappel ; 2) risque de non-paiement de coupon ; 3) risque de perte en nominal (partielle ou totale) ou de reconversion en actions ordinaires si la banque a un besoin urgent de capital.

La controverse sur les AT1s de Credit Suisse : dans l’absorption par échange d’actions, les actionnaires ont reçu 3 milliards de francs suisses alors que les obligations AT1, qui normalement sont de rang senior par rapport aux actions, ont été totalement dépréciées sur décision du régulateur suisse. Cela a choqué la communauté financière car c’est contraire à la hiérarchie des créanciers.

La raison : les autorités suisses ont pu déprécier les AT1s sans dépréciation complète des actionnaires (CET1) en raison d'une modification législative d'une ordonnance, votée le dimanche 19 mars de l’absorption, concernant le soutien public et la garantie à une banque systémique.

Impact sur les marchés : même si les AT1s suisses sont un cas à part (les lois européennes et britanniques respectent la hiérarchie des créanciers comme l’ont rappelé la BCE et la Banque d’Angleterre), la décision de la Suisse a entraîné une perte de confiance dans les obligations AT1s et des ventes forcées.

Risque bancaire limité en Europe : les banques européennes sont bien capitalisées et les niveaux de liquidités sont confortables. Contrairement aux États-Unis, les banques européennes ne sont pas en compétition avec le marché monétaire. Le risque d’une fuite des dépôts vers le marché monétaire est faible.

Notre vue sur les AT1s : la volatilité devrait persister à court terme, les ventes forcées pourraient continuer, le risque d’extension a augmenté et il faudra un peu de temps pour que la confiance revienne sur les AT1s. UBS devrait devenir le plus gros émetteur d’AT1s en Europe. Les investisseurs devraient rester à l’écart des AT1s suisses. Nous sommes plus à l’aise sur les AT1s émises par les banques de l’UE étant donné la rigidité du cadre légal, la solidité des fondamentaux des banques et les valorisations attractives. Les AT1s sont risquées et nécessitent une tolérance élevée au risque.

Conclusion en matière d'investissement

Le traitement qui a été donné aux AT1s de Credit Suisse était inattendu et a entraîné la chute de  toutes les AT1s de façon indiscriminée. Les investisseurs devraient rester à l’écart des AT1s suisses selon nous. Les AT1s des banques européennes et britanniques sont régies par un cadre légal plus strict et plus protecteur à l’égard des porteurs d’obligations. Nous sommes plus à l’aise sur les AT1s émises par les banques de l’Union européenne étant donné la rigidité du cadre légal, la solidité des fondamentaux des banques et les valorisations attractives. Les obligations AT1s sont des produits risqués et nécessitent une tolérance pour le risque élevée.