#Articles — 12.05.2023

Perspectives mensuelles sur les marchés obligataires - Mai 2023

Edouard Desbonnets, Investment Advisor

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Résumé

1. La fin du cycle de hausse des taux directeurs est proche : la Fed a monté ses taux une dernière fois le 3 mai et s’oriente maintenant vers une longue pause selon nous. Nous n’anticipons pas de baisse de taux cette année. En revanche, le marché escompte des baisses de taux massives, potentiellement dès le mois de juillet, ce qui nous paraît irréaliste. Du côté de la BCE, nous attendons une dernière hausse de taux de 25 pb en juin (taux de dépôt à 3,50% alors), puis une longue pause, avec des baisses de taux vers l’été 2024.

2. Nous anticipons une évolution des rendements obligataires à long terme en deux phases : d’abord un rebond modéré car les rendements obligataires intègrent trop de baisses de taux de la Fed et de la BCE, puis une détente en raison de la baisse de l’activité économique. De ce fait, nous sommes Neutre sur les obligations d’État allemandes et américaines pour le moment. Nos objectifs pour les rendements obligataires à 10 ans sont à 3,5% aux États-Unis et 2,5% en Allemagne dans 12 mois.

3. Les obligations d’entreprises investment grade : trois freins qui n’en sont pas : 1) elles rapportent moins que l’inflation, 2) pas beaucoup plus que les fonds monétaires, et 3) pourraient voir leurs valorisations baisser avec le ralentissement économique/récession à venir. Nous réfutons ces arguments et maintenons notre vue Positive sur les obligations d’entreprises investment grade, avec un biais pour les durations courtes, c’est-à-dire inférieures à 5 ans en zone euro et à 7 ans aux États-Unis.

4. Opportunités dans les obligations : nous sommes Positif sur les obligations d'entreprises investment grade européennes et américaines avec une duration courte. Nous sommes également Positif sur les obligations émergentes, en devise forte et en devise locale. 

 

Banques centrales

Une pause pour la Fed, pas encore pour la BCE

Banque centrale européenne (BCE)

Dernier mouvement : après trois hausses de taux de 50 points de base (pb), la BCE a monté ses taux de 25 pb en mai, à 3,25% pour le taux de dépôt.

Pas de pause : l’inflation actuelle sous-jacente et attendue sont trop élevées et il y a un risque de forte hausse des salaires. Cependant, les effets des hausses de taux passées commencent à se voir sur la trajectoire de l’inflation et sur les conditions de crédit.

Notre avis : le cycle de hausse de taux est bientôt terminé. Nous attendons une dernière hausse de 25 pb en juin, qui portera le taux de dépôt à 3,50%. Les anticipations de marché suggèrent un taux de fin de cycle proche de notre estimation (3,64%).

Réduction du bilan : la BCE va doubler le rythme. A partir de juillet, elle cessera de réinvestir toutes les obligations du programme APP (Programme d’Achats d’Actifs) qui arrivent à échéance. Cela représente environ 27 Mds/mois, soit un doublement par rapport aux 15 Mds non réinvestis de mars à juin. Les obligations du PEPP (Pandemic Emergency Purchase Programme) qui tombent à échéance continueront d’être réinvesties en totalité.

Réserve fédérale américaine (Fed)

Dernier mouvement : la Fed a monté ses taux de 25 points de base (pb) en mai, à 5-5,25%.

La pause : même si l’inflation reste encore trop élevée, la Fed juge que ses taux directeurs en termes réels sont maintenant à un niveau restrictif pour l’économie du fait de la combinaison 1) des 500 pb d’augmentation de taux directeur depuis mars 2022, 2) de la réduction du bilan de la Fed depuis juin 2022, et 3) du durcissement des conditions de crédit à venir et qui devrait s’accentuer.

Baisse des taux à venir ? Le marché anticipe des baisses de taux très agressives (90 pb d’ici la fin de l’année) et très tôt (50% de chance d’une baisse de taux en juillet).

Notre avis : les attentes de marché nous semblent irréalistes à moins d’une crise imminente, ce qui n’est pas notre scenario. Nous pensons que la Fed maintiendra ses taux jusqu’à la fin de l’année pour éviter une résurgence de l’inflation. Nous anticipons des baisses de taux à partir du T1 2024.

Conclusion en matière d'investissement

La Fed a fait sa dernière hausse de taux et s’oriente maintenant vers une longue pause selon nous. Nous n’anticipons pas de baisse cette année. En revanche, le marché anticipe des baisses de taux massives, potentiellement dès le mois de juillet, ce qui nous paraît irréaliste. Du côté de la BCE, la fin du cycle de hausse de taux nous paraît proche. Nous attendons une dernière hausse de taux de 25 pb en juin (taux de dépôt à 3,50% alors), puis une longue pause, avec des baisses de taux vers l’été 2024.

Rendements obligataires

Deux phases

Phase 1 : rebond modéré à court terme. Les rendements obligataires se sont effondrés mi-mars avec la crise des banques régionales américaines et ils peinent à remonter depuis, particulièrement aux États-Unis. La baisse nous semble trop prononcée eu égard à l’état des fondamentaux de l’économie et des banques centrales qui, contrairement à ce qu’escompte le marché, ne sont pas prêtes à infléchir leurs taux.

Phase 2 : baisse dans la deuxième partie de l’année. L’effet cumulé des hausses de taux directeurs passées va faire ralentir l’économie et provoquer la baisse des rendements obligataires. Nos objectifs pour les rendements obligataires à 10 ans sont à 3,5% aux États-Unis et 2,5% en Allemagne dans 12 mois.

Notre vue : les rendements obligataires à long terme sont actuellement trop bas. Nous sommes Neutre sur les obligations d’État allemandes et américaines.

Plafond de la dette américaine : une fois que le Congrès aura trouvé une solution (probablement vers juillet-août),  les taux d'intérêt du marché monétaire devraient se tendre au T4 en raison d’importantes émissions de bons du Trésor.

Conclusion en matière d'investissement

Nous anticipons une évolution des rendements obligataires à long terme en deux phases : d’abord un rebond modéré car les rendements obligataires intègrent trop de baisses de taux de la Fed et de la BCE, puis une détente en raison de la baisse de l’activité économique. De ce fait, nous sommes Neutre sur les obligations d’État allemandes et américaines pour le moment. Nos objectifs pour les rendements obligataires à 10 ans sont à 3,5% aux États-Unis et 2,5% en Allemagne dans 12 mois. 

Thème du mois

Obligations d’entreprises IG : trois freins qui n’en sont pas

Nous sommes Positif sur les obligations d’entreprises investment grade (IG), avec un biais pour les durations courtes, c’est-à-dire inférieures à l’indice de référence, soit jusqu’à 5 ans en zone euro et jusqu’à 7 ans aux États-Unis. Leurs rendements sont particulièrement attractifs et couplés à une volatilité faible. Les rendements moyens sont remontés en flèche au-dessus des moyennes historiques (cf graphique) et pourraient redescendre d’ici la fin de l’année.

Ci-dessous, trois arguments d’investisseurs qui doutent de l’opportunité d’acheter des obligations d’entreprises investment grade à court terme.

Frein 1 : elles rapportent moins que l’inflation.

Aujourd’hui c’est effectivement le cas puisque l’inflation au mois de mars était de 6,9% en zone euro et 5% aux États-Unis en glissement annuel. Cependant la tendance est à la baisse et l’inflation devrait passer sous les 3% dans 12 mois. De ce fait, investir aujourd’hui dans des obligations d’entreprises investment grade à court terme permet de sécuriser un rendement qui sera en moyenne supérieur à l’inflation sur la période d’investissement.

Frein 2 : elles ne rapportent pas beaucoup plus que les fonds monétaires.

Les taux du marché monétaire sont élevés aujourd’hui, de l’ordre de 3% en zone euro et proche de 5% aux États-Unis. Comme ils suivent l’évolution des taux directeurs des banques centrales, ils sont amenés à monter encore légèrement en zone euro et à stagner aux États-Unis dans les mois à venir, avant de baisser à partir de 2024. Ainsi, un investissement en obligations d’entreprises investment grade devrait aisément surperformer les marchés monétaires sur un horizon de placement de l’ordre de 2 ans et plus.

Frein 3 : ce n’est pas le bon moment d’investir, nous sommes à la veille d’un ralentissement économique voire d’une récession.

Nous anticipons effectivement une croissance proche de zéro en zone euro et une récession modérée aux États-Unis en fin d’année et en début d’année prochaine. Cela devrait avoir deux conséquences, 1) un écartement des spreads de crédit modéré (objectif 200 points de base en fin d’année) et 2) une détente des rendements obligataires. L’un dans l’autre, l’impact devrait être positif sur la performance. 

Conclusion en matière d'investissement

Les investisseurs nous opposent parfois 3 arguments quant il s’agit d’investir dans les obligations d’entreprises investment grade : 1) elles rapportent moins que l’inflation, 2) pas beaucoup plus que les fonds monétaires, et 3) pourraient voir leurs valorisations baisser avec le ralentissement économique/récession à venir. Nous réfutons ces arguments et maintenons notre vue Positive sur les obligations d’entreprises investment grade, avec un biais pour les durations courtes, c’est-à-dire inférieures à 5 ans en zone euro et à 7 ans aux États-Unis.