#Stratégie d'investissement — 11.09.2019

A la recherche du rendement perdu

Edouard Desbonnets

En Europe ou au Japon, difficile d’échapper au phénomène des taux négatifs, que ce soit sur les obligations d’État que d’entreprise.

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Les rendements obligataires ont fondu comme neige au soleil cet été. Les tensions sino-américaines ont pesé sur la croissance économique et l’inversion temporaire de la courbe des taux américaine (le taux à 10 ans était devenu inférieur au taux à 2 ans) a laissé présager une récession dans les douze mois à venir. Dans ce contexte, la Banque centrale européenne a promis une politique monétaire encore plus accommodante, la Réserve fédérale américaine a baissé ses taux pour la première fois depuis 10 ans et nombre de banques centrales émergentes lui ont emboité le pas.

Les rendements obligataires sont bel et bien négatifs, principalement en Europe et au Japon, et ce n’est pas un phénomène marginal puisqu’on compte 16.000 milliards de dollars de dette d’État et d’entreprise Investment Grade (la catégorie la mieux notée, par opposition à High Yield) à taux négatifs dans le monde, soit 28% des obligations Investment Grade mondiales. 45% de la dette à taux négatif se trouve en zone euro (surtout en Allemagne et en France) et 44% est au Japon

Obligations d’État

Parmi les pays développés, la moitié des obligations d’État offrent des rendements à maturité inférieurs à 1% et un tiers des obligations d’État a des taux négatifs. On est proche du record de juillet 2016 (38%), période pendant laquelle les craintes de déflation (baisse généralisée des prix) étaient fortement présentes.

La Suisse est la championne du monde en la matière, avec 100% de ses obligations gouvernementales à taux négatifs. En Suisse, l’investisseur paye donc pour prêter à l’État, même pour une obligation avec une échéance très longue comme 2064. Il est certain de perdre de l’argent s’il conserve son obligation jusqu’à échéance, c’est le prix à payer pour détenir une obligation notée AAA (la meilleure note) par les quatre plus grandes agences de notation.

Viennent ensuite l’Allemagne, les Pays-Bas et la Finlande, avec plus de 95% d’obligations d’État à taux négatifs. La France, quant à elle, a 90% de son stock d’obligations d’État qui s’échange à taux négatifs, et le Japon, le pays le plus endetté au monde, 86%. Les pays périphériques ne sont pas en reste : Irlande (74%), Espagne (72%), Portugal (69%), Italie (40%), Grèce (13%).

 

Malgré la baisse des rendements, les nouvelles émissions restent extrêmement prisées. Pour preuve, la France vient de battre tous ses records en empruntant plus de 10 milliards d’euro à long terme en une seule journée, avec des taux négatifs pour la dette à 10 et 15 ans. Plus impressionnant encore,  l’Allemagne a (péniblement certes, mais quand même) placé 824 millions d’euros à 30 ans à un taux négatif (-0,11%).

Les investisseurs ne regardent plus le niveau absolu des rendements des obligations mais tablent sur une appréciation du capital en pariant sur une baisse des taux à venir. De plus, il y a peu d’alternatives à un placement dit sans risque dans les obligations d’État.

Obligations d’entreprise

Depuis le programme d’achat d’actifs de la BCE, les investisseurs en quête de rendement se sont peu à peu détournés des obligations d’État pour aller vers les obligations d’entreprises. Étant par définition moins sûres, elles offrent une prime de risque, c’est-à-dire un rendement plus intéressant. Seulement, l’afflux d’acheteurs privés et publics (la BCE a accumulé 180 milliards d’obligations d’entreprise durant le programme d’achat d’actifs de 2016 à 2018) a fait baisser les rendements, ce qui fait qu’aujourd’hui près de 90% des obligations d’entreprise en zone euro ont des rendements inférieurs à 1% et la moitié des obligations d’entreprise en zone euro s’échangent avec des rendements négatifs. Le phénomène pourrait s’intensifier vu que la BCE devrait annoncer bientôt un nouveau programme d’achat d’actifs.

Edouard Desbonnets

Spécialiste Fixed Income
BNP Paribas Wealth Management

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